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24 avril 2023 - Actualités

Gestion de l’eau en période de sécheresse : quel constat malgré des avertissements à répétition ?

L’Europe a fait face à un épisode de sécheresse inédit par sa durée et son intensité en 2022. En France, au pic de la crise, 93 départements français faisaient l’objet de mesures de restriction de l’usage de l’eau. Dans ce contexte, les ministres chargés de l’écologie, de l’intérieur, de l’agriculture et de la santé ont demandé aux inspections générales de leurs ministères respectifs d’établir un retour d’expérience de cet épisode exceptionnel dans le domaine de la gestion de l’eau en métropole, et de formuler des préconisations à court et moyen terme. C’est donc l’objet du rapport récemment publié ! Quels en sont les points majeurs à retenir ?

Le rapport fait un constat assez alarmant des fortes tensions, voire des ruptures de service, qu’a connu l’approvisionnement en eau potable durant l’épisode 2022, majoritairement en zones rurales et de montagne mais également dans certaines agglomérations. En effet, plus d’un millier de communes ont dû mettre en place, durant cette période, des mesures de gestion exceptionnelles pour approvisionner les habitants de leur territoire. Parmi ces communes, 343 ont dû transporter de l’eau par camion, et 196 distribuer des bouteilles d’eau, ne pouvant plus fournir d’eau au robinet. Bien que certaines n’en soient pas passées loin, aucune grande ville n’a connu de rupture d’alimentation.

 

La mission relève une prise de conscience du phénomène, tout particulièrement chez les territoires qui n’avaient pas été encore trop touchés jusqu’à présent et souligne que, « parallèlement aux dispositifs de gestion de crise, seules des politiques de transformation de nos usages de l’eau dans la durée permettront d’éviter les ruptures brutales ». 

 

En ce sens, une gestion dite continue de la ressource doit être mise en œuvre en trois dimensions : 

 

1° Une connaissance fine de l’état de la ressource et des prélèvements ;

 

2° Une préparation et anticipation à l’échelle des territoires (consolider les modélisations, réalisation d’études de vulnérabilité, etc) pour une meilleure prise en main par les acteurs du territoire ;

 

3° Une meilleure information et sensibilisation auprès de tous les usagers.

 

La mission formule ensuite des recommandations pour « améliorer l’anticipation et la gestion pluriannuelle de ces épisodes de sécheresse, connaître en temps réel les impacts et les réduire, et enfin objectiver les enjeux de partage et prévenir les conflits d’usages de l’eau ». 

 

Parmi ces nombreuses recommandations, il est, notamment, question de : 

  • Mettre en place un dispositif de suivi des impacts des sécheresses en temps quasi-réel et en différé notamment sur l’eau potable, sur les milieux et sur les activités économiques.... et développer une méthode permettant l’évaluation de l’efficacité des mesures de restriction en temps quasi-réel.
  • Veiller à la clarté de la formulation des restrictions et à leur caractère contrôlable.
  • Encourager le déploiement progressif de compteurs télérelevés sur les différents usages : agricoles, eau potable par secteur, industriels, forages domestiques, pour les plus gros consommateurs et dans les zones en tension quantitative (zone de répartition des eaux par exemple), en ouvrant des possibilités d’accompagnement financier, dans la perspective d’une généralisation obligatoire à moyen terme (cinq ans) par voie législative.
  • Elaborer en concertation avec les représentants nationaux de chaque usage de l’eau, des déclinaisons sectorielles et territoriales lorsque c’est plus pertinent de l’objectif de réduction des prélèvements d’eau fixé.
  • Réserver le bénéfice des dérogations aux acteurs engagés dans une telle trajectoire de sobriété.
  • Faciliter l’accès à l’utilisation de retenues multi-usages de substitution pour les acteurs engagés dans lesdites trajectoires en priorité dans le cadre des PTGE.
  • Accélérer la politique de réutilisation des eaux usées en déployant une liste positive d’usages autorisés.
  • Mobiliser l’ensemble des leviers à la disposition de l’État, notamment les dispositifs d’aides et leurs conditionnalités, pour encourager la réalisation de diagnostics de vulnérabilité de l’alimentation en eau potable, la conception et la mise en œuvre des investissements nécessaires à la sécurisation de l’approvisionnement, le regroupement à l’échelle intercommunale voire départementale pour l’exercice de la compétence eau et un dispositif de tarification progressif et adapté à chaque situation.

 

 

AMORCE rejoint les rédacteurs du rapport en ce qu’il est nécessaire de réduire les tensions quantitatives et qualitatives sur les ressources en eau, notamment, en équipant tous les prélèvements déclarés (>10 000m3/an) de télérelève pour remonter en instantané les volumes prélevés, en maitrisant l’impact et le multi-usage des réservoirs de substitution, en garantissant des moyens de coercition pour l’application des restrictions en cas de sécheresse et de dépassement d’autorisation de prélèvement, en mettant en œuvre une tarification progressive de l’eau qui vise les surconsommations en eau, en généralisant l’individualisation des compteurs et l’équipement de système de détection de fuite, ou encore en accélérant la réutilisation des eaux non conventionnelles.

 

AMORCE souligne que pour que toutes ces orientations ne restent pas vaines, la gouvernance de la gestion de l’eau des territoires doit être renforcée et des mesures financières incitatives mises en œuvre dans les redevances perçues sur les usages de l’eau.

En ce sens, AMORCE appelle à inscrire cette planification au sein d’un véritable projet politique en soumettant au débat parlementaire une grande loi de transition écologique de la gestion de l’eau.

 

Enfin, AMORCE organise un colloque dédié à l’eau le 10 mai prochain à Paris avec pour thème « S’inspirer des territoires pour définir les ambitions de la future politique de l’eau ». L’occasion d’avoir un temps d’échanges avec l’ensemble des acteurs de l’eau pour collectivement engager la transition écologique de la gestion de l’eau en France. Vous pouvez vous inscrire en suivant ce lien !

 

 

A noter qu’AMORCE avait rassemblé en septembre dernier 70 collectivités adhérentes afin d’identifier et faire ressortir 10 mesures à préconiser immédiatement pour économiser l’eau sur l’ensemble des usages et ainsi anticiper les conséquences dévastatrices d’une nouvelle sécheresse annoncée (disponible en ligne, une publication plus détaillée est à paraître). AMORCE avait d’ailleurs organisé un webinaire sur les outils juridiques et techniques pour lutter contre la sécheresse en décembre dernier (disponible en replay).

Une note sur les outils juridiques pour lutter contre la sécheresse sera également bientôt disponible.

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Contact : Anna FIEGEL