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30 juillet 2024 - Actualités

Agrivoltaïsme : un arrêté vient compléter la moisson des textes réglementaires

L'arrêté du 5 juillet 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, marque une nouvelle étape dans le développement de la filière en France. Il complète et précise le cadre législatif et réglementaire établi par la loi d’accélération de la production des énergies renouvelables (loi APER) de mars 2023 et le décret d'avril 2024. AMORCE propose un décryptage des principales modalités.

Récapitulatif des principaux textes de la filière agrivoltaïque

La loi APER, dans son article 54, distingue désormais deux catégories de systèmes photovoltaïques pouvant être installées dans les zones naturelles agricoles ou forestières (zones NAF) : 1) les installations agrivoltaïques et 2) les installations compatibles avec l’exercice des activités agricoles, pastorales ou forestières. Pour cette deuxième catégorie, les projets ne peuvent être implantés que sur des surfaces incultes ou non cultivées depuis une certaine durée, spécifiquement identifiées à l’échelle départementale dans un document-cadre pris par arrêté préfectoral. Pour approfondir les différences entre ces 2 catégories, nous vous renvoyons vers le webinaire d'AMORCE en date du 19 décembre 2023.

Le décret n°2024-318 du 8 avril 2024 apporte des précisions sur les modalités d'application de la loi APER et complète la définition de l'agrivoltaïsme. Il précise notamment les critères d’éligibilité dont les suivants : fournir un service à la parcelle agricole, maintenir une production agricole significative et assurer un revenu durable pour l'agriculteur. Le décret revient également sur les installations dites « compatibles » en détaillant plusieurs éléments sur les documents cadres. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l’article AMORCE qui décrypte la version finale du décret publiée et qui renvoie à de précédents articles de l’association sur les nombreuses versions antérieures du projet de texte.

 

L'arrêté du 5 juillet 2024 vient donc compléter ce cadre réglementaire et AMORCE en décrypte les principaux enjeux dans les paragraphes suivants.

 

Montant des garanties financières et modalités de contrôle des installations

 

Le décret du 8 avril 2024 prévoit que les installations agrivoltaïques et les installations dites compatibles avec l’activité agricole sont autorisées pour une durée maximale de quarante ans. Six mois avant l'échéance, l'autorité compétente peut proroger cette autorisation pour dix ans, sur demande du bénéficiaire et avec l'accord du propriétaire, si l'installation est encore performante (article R. 111-62 du code de l’urbanisme). L'autorité doit alors mettre à jour les garanties financières conformément à l'article R. 111-64. 

 

L’arrêté du 5 juillet 2024 fixe le montant forfaitaire de ces garanties financières : il est de 1 000 * P €/MWc installé pour les installations d'une puissance inférieure à 10 MWc où P représente la puissance de l'installation, et à 10 000 €/MWc au-delà

 

Concernant le contrôle des installations, plusieurs mesures sont prévues par les textes selon le type d’installation : 

  • Pour les installations dites « compatibles » (article R. 463-1 du code de l’urbanisme) : elles sont soumises à un contrôle préalable à leur mise en service et à un second contrôle 6 ans après l’achèvement des travaux. Ces deux contrôles font l’objet d’un rapport de contrôle transmis par l’exploitant de l’installation à l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme. L’arrêté précise le contenu du rapport ainsi que les conditions de compétence et d'indépendance de l'organisme contrôleur.
  • Pour les installations agrivoltaïques (article R. 314-120 du code de l’énergie) : ces dernières, ainsi que la zone témoin éventuellement associée, sont aussi soumises à un contrôle préalable à la mise en service. A compter de la 6ème année après l’achèvement des travaux un second contrôle est réalisé. Pour les installations utilisant des technologies éprouvées ce contrôle se déroule ensuite tous les 5 ans, pour les installations dont le taux de couverture est inférieur à 49%, il se déroule ensuite tous les 3 ans et pour les autres tous les ans. L’arrêté précise, là encore, le contenu du rapport de contrôle ainsi que les conditions de compétence et d’indépendance de l’organisme contrôleur.

 

Caractère significatif de la production : précisions sur les modalités de calcul du rendement agricole

 

Pour être qualifiée d’agrivoltaïque et être autorisée, une installation doit garantir à l’exploitant agricole une production agricole significative et un revenu durable en étant issu. L’arrêté apporte des précisions quant à ces deux critères d’éligibilité.

 

Focus sur le caractère significatif de la production agricole (le décret du 8 avril 2024 précisant que ce critère s’apprécie différemment en fonction du type de technologie agrivoltaïque) : 

 

1° Les technologies dites « éprouvées ». Ces dernières sont définies par un arrêté du ministre en charge de l’énergie et du ministre chargé de l’agriculture, en fonction du mode de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé et de l’implantation géographique au regard des éléments de connaissance fournis par l’ADEME. Pour ces installations, la production agricole significative sera seulement appréciée au regard de la production agricole de la parcelle. 

 

2° Les autres technologies non listées par cet arrêté (hors installation sur élevage et sur serre) devront, quant à elles, comporter une zone témoin ou justifier d’un cas d’installation agrivoltaïque similaire existant au niveau départemental ou au niveau régional et connaissant des conditions pédoclimatiques équivalentes.

Dans ce cas la production agricole sera bien considérée comme significative « si la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle agricole est supérieure à 90 % de la moyenne du rendement par hectare observé sur la zone témoin ou le référentiel qui en fait office »

 

Les modalités de calcul du rendement sont précisées par l’arrêté du 5 juillet 2024 : durant les 5 premières années suivant l’achèvement des travaux, la moyenne du rendement observé par hectare sur la parcelle correspond à la moyenne du rendement par hectare depuis la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux. Passé ce délai il s’agit de la moyenne sur les 5 dernières années en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible. 

 

3° Les installations sur serres : le caractère significatif de la production agricole est établi en comparaison à un référentiel local basé sur les résultats agronomiques et une série de données historiques disponibles.

 

4° Enfin, concernant les installations agrivoltaïques sur élevage, le caractère significatif de l’activité agricole pourra être apprécié à la lumière de différents indicateurs : volume de biomasse fourragère, taux de chargement ou encore potentiel reproductif du cheptel. 

 

Les modalités de calcul du rendement sont, là encore, précisées par l’arrêté du 5 juillet 2024 : pendant les 5 premières années suivant l’achèvement des travaux, la moyenne de l’indicateur pertinent retenu est calculée comme la moyenne de cet indicateur depuis l’achèvement de l’installation. Passé ce délai, elle est calculée comme la moyenne de l’indicateur pertinent retenue sur les 5 dernières années, en excluant la valeur la plus élevée et la plus faible. 

 

L’arrêté établit également ces indicateurs : 

  • pour les installations sur élevage ruminant : production de biomasse fourragère (mesurée à l’échelle de la parcelle) et taux de chargement (mesuré à l’échelle de la surface extérieure accessible aux animaux de l’exploitation agricole)
  • sur élevage monogastrique : le taux de chargement par hectare mesuré à l’échelle de la surface extérieure accessible aux animaux de l’exploitation agricole

 

Enfin, il renvoie aux critères des installations en production végétale pour des surfaces fourragères non pâturées mais fauchées.

 

Articulation entre le « Zéro Artificialisation Nette (ZAN) » et les installations agrivoltaïques

 

Le décret du 29 décembre 2023 (décret ZAN) prévoit qu’un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d'énergie photovoltaïque n'est pas comptabilisé dans la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers si les modalités de cette installation permettent de garantir : 

  • La réversibilité de l'installation ;
  • Le maintien, au droit de l'installation, du couvert végétal correspondant à la nature du sol et, le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site d'implantation, sur toute la durée de l'exploitation, ainsi que de la perméabilité du sol au niveau des voies d'accès ;
  • Sur les espaces à vocation agricole, le maintien d'une activité agricole ou pastorale significative sur le terrain sur lequel elle est implantée, en tenant compte de l'impact du projet sur les activités qui y sont effectivement exercées ou, en l'absence d'activité agricole ou pastorale effective, qui auraient vocation à s'y développer.

 

L’arrêté du 29 décembre 2023 (arrêté ZAN) précise, quant à lui, les modalités d'implantation et les caractéristiques techniques qui permettent de garantir que les conditions mentionnées au sein du décret soient satisfaites concernant : la hauteur des panneaux photovoltaïques (PV), la densité et le taux de recouvrement du sol par les modules PV, les types d’ancrages au sol, les types de clôtures autour de l’installation, les voies d’accès aux panneaux internes à l’installation et aux autres plateformes techniques. 

 

L’arrêté du 5 juillet 2024, quant à lui, vient préciser que pour bénéficier de la dérogation ZAN les installations agrivoltaïques ne sont pas obligées de respecter les caractéristiques techniques de l'arrêté ZAN, dès lors qu'elles respectent les conditions du décret ZAN (contrairement aux installations dites « compatibles » qui doivent respecter le décret ZAN et les critères de l’arrêté ZAN pour être instruites et, in fine, décomptées dans le calcul ZAN).

 

AMORCE a d’ailleurs réalisé une publication dédiée au « ZAN et transition écologique des territoires » disponible en ligne. Cette dernière sera mise à jour prochainement au regard de ces évolutions.

 

Document cadre et espaces forestiers 

 

Enfin, l’arrêté apporte des précisions sur la liste des espaces forestiers ne pouvant être inclus dans les documents cadres pour les installations dites « compatibles ». Ces précisions étaient particulièrement attendues par les parties prenantes du secteur. Il est notamment question des bois et forêts disposant d’un document de gestion forestière durable, issus de boisements ou de reboisements financés par aides publiques, classés en réserve biologique ou encore classés comme espaces boisés au sein des PLU et PLUi.

 

 

AMORCE mettra prochainement en ligne une publication sur l’agrivoltaïsme pour rappeler l’historique de la filière en France et approfondir le décryptage du cadre réglementaire. Des retours d’expérience et exemples de projets à différentes échelles illustreront les propos.

 

Notre association a également mis en place un groupe de travail (GT) ayant notamment pour objectif de réaliser une charte agrivoltaïque nationale  de bonnes pratiques avec un angle d’approche « collectivités » et dans le cadre d’une réflexion sur l’aménagement global du territoire. La première réunion a déjà eu lieu, mais il est encore possible de rejoindre ce groupe de travail. Tout adhérent intéressé pour l'intégrer peut envoyer un mail à :  jferry@amorce.asso.fr

 

AMORCE continue son travail de décryptage des actualités juridiques et réglementaires sur l’agrivoltaïsme. Le prochain arrêté à paraître portera sur la liste des technologies agrivoltaïques dites « éprouvées ». Nous vous tiendrons informés par le biais d’un nouvel article.

 

Contacts : Anna FIEGEL et Vincent RIVOLLET