Actualité

26 mars 2024 - Actualités

Ultra fast fashion : les députés durcissent le ton !

La mise en marché des textiles explose. Et leurs déchets également : +50% de déchets textiles en 10 ans quand la loi AGEC demande une réduction des déchets de -15% entre 2010 et 2030. A l’origine de ce phénomène, la fast fashion dont les marques proposent près de 900 fois plus de produits vendus que les enseignes classiques, l’ultra fast fashion accentue les impacts de l’industrie textile au niveau environnemental, économique et social. Pour la première fois, le Parlement s’attaque à la question de la mise sur le marché et des modes de consommations délétères. La proposition de loi déposée le 30 janvier 2024 visant à réguler le phénomène a été votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 14 mars dernier. AMORCE revient sur les principaux points du texte et sur les compléments à y apporter.

Fast fashion, ultra fast fashion, de quoi parle-t-on ?

La fast fashion est apparue dans les années 1990 à New York et Londres pour s'étendre au monde entier dans les années 2000. Elle s'est transformée en une ultra fast fashion avec l’explosion de la vente en ligne de vêtements. Ce modèle de production est basé sur des pièces à bas coût et un renouvellement très fréquent des collections avec près de 700 nouvelles références par semaine en boutique ! L’ultra fast fashion est la version 2.0, boostée par la révolution numérique et la vente en ligne à l‘image des marques en ligne telles que Shein ou Temu. Ces enseignes commercialisent 100 fois plus de références que la fast fashion, chaque jour ! Des dizaines de milliers de références de nouveaux vêtements tous les jours... 

Ce sont près de 3,3 milliards de vêtements qui sont assujettis à la responsabilité élargie du producteur mise en place sur les textiles en 2008 soit près de 800 000 tonnes. Seuls 31% des vêtements devenus des déchets sont collectés pour un objectif fixé à 50%. En matière de traitement, 59% des vêtements collectés sont réemployés mais ils sont majoritairement exportés hors Europe, le reste des vêtements est effiloché (22%) ou bien utilisé comme chiffon de nettoyage (9%) le reste fait l’objet d’une valorisation énergétique (CSR, incinération). 

Les lois AGEC (2020) et la loi Climat et résilience (2021) avaient renforcé le cahier des charges de la filière des textiles, linges de maison et chaussures (TLC) organisée par l’éco-organisme Re_fashion. Le texte a introduit des critères de primes et de pénalités applicables aux producteurs basés sur la recyclabilité et il impose un affichage environnemental et d’information à destination du consommateur (article AMORCE du 03 novembre 2022). Les dispositions relatives à la réparation et au réemploi des textiles par le biais de financements dédiés devaient contribuer à améliorer le bilan environnemental de la filière. Au regard de l'explosion de l'ultra fast fashion, ces dispositions sont vite apparues comme des gardes-fous peu contraignants et inefficaces, sans compter son impact économique et social sur les circuits de distributions traditionnels. 

 

Renforcer l’éco-organisme et viser des pratiques spécifiques à l’ultra fast fashion

À l'initiative d'Anne-Cécile Violland, une trentaine de députés ont présenté une proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile pour réguler cette activité mortifère en termes d'impacts sociaux et environnementaux.

L’article 1 de la proposition de loi vise à définir le phénomène de l’ultra fast fashion comme : « La mise à disposition ou la distribution d’un nombre élevé de nouvelles références de produits neufs mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1, y compris lorsque la mise à disposition est réalisée par l’intermédiaire d’un fournisseur de marché en ligne, dépassant des seuils fixés par décret en Conseil d’État, relève d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires ». 

Le texte cible clairement les pratiques commerciales des acteurs de la vente en ligne domiciliés à l’étranger mais aussi les « personnes physiques ou morales facilitant » par divers moyens dématérialisés, autrement dit les influenceurs qui jouent un rôle majeur dans la commercialisation de ces produits. L’efficacité de cette mesure dépendra des critères d’évaluation retenus dans le futur décret d'application. 

Le point II de l’article 1 et l’article 3 du texte oblige les acteurs de l’ultra fast fashion à informer les consommateurs sur la sobriété, le réemploi et la réparation de manière systématique et visible. Pour lutter contre les achats compulsifs consécutifs à des pratiques publicitaires très agressives des plateformes de vente en ligne et de leurs partenaires, celles-ci seront interdites au 1er janvier 2025. 

 

Pour AMORCE, ces contraintes sur les modalités de mise sur le marché de produits de mauvaise qualité et de faible durée de vie sont une occasion idéale pour introduire enfin dans cette REP mais aussi dans toute les autres des objectifs de réduction de la production de déchets qui manquent cruellement aux REP alors qu’il s’agit d’un objectif prioritaire de la loi AGEC et que l’atteinte de cet objectif est irréalisable sans la contribution de ces filières à responsabilité élargie du producteur. 

 

Des nouveaux critères de pénalités et des trajectoires 

Les producteurs de la filière textiles sont soumis à un régime de primes et pénalités sur trois critères d’éco-modulations (durabilité, certification par des labels environnementaux et l’incorporation de matière première). Le projet de loi propose d’inclure également l’impact environnemental (sur la biodiversité) et l’empreinte carbone. L’objectif est de pénaliser les produits les moins vertueux et les plus lointains. Ces pénalités ne pourront être contestées par les producteurs que si elle dépassent 50% du prix de vente au lieu de 20% sur les autres filières de REP. Les députés entendent lancer un signal fort aux producteurs du secteur.

Le texte prévoit également la possibilité d’appliquer des primes et pénalités en fonction de leur l’affichage environnemental ou éco-score (prévu par les lois AGEC et Climat et Résilience). Ce dernier est expérimenté depuis 2022 et sera généralisé en 2024. Le texte propose encore de s’appuyer sur l’éco-score pour sanctionner d’un malus les produits les moins vertueux. Ce malus, fixé à 5 € par pièce en 2025, passerait à 10 € en 2030. Comme pour la filière automobile, ces malus ont pour vocation de financer les bonus pour les metteurs en marché et les articles les plus vertueux.

 

AMORCE souhaite un renforcement des mesures de prévention et des sanctions

AMORCE salue un texte qui vise à faire changer des pratiques commerciales et des modes de consommation à l'origine d'une pression sur les ressources et génératrices de toujours plus de déchets. 

AMORCE regrette, qu’à l’exception de la filière des emballages et papiers graphiques, aucun objectif ni trajectoire de réduction ne soit inscrit au cahier des charges des filières REP. La filière TLC n'y coupe pas, avec l'absence totale de trajectoire de réduction dans son cahier des charges renouvelé en novembre 2022

AMORCE soutient l’intégration d’un objectif de réduction de 15% des déchets générés par les produits soumis à la responsabilité élargie du producteur dans toutes les filières depuis 2010, à l'instar de l'objectif fixé sur les déchets ménagers et assimilés, d'ici 2030. Cet objectif s'appliquerait derechef à la filière TLC. AMORCE proposera un amendement en ce sens dans le cadre des débats qui s'ouvriront au Sénat sur cette proposition de loi, votée en première lecture à l'unanimité par l'Assemblée nationale. 

Ce texte doit enfin mobiliser l’État pour qu'il contrôle réellement des activités soumises à la responsabilité élargie du producteur et qu'il applique les sanctions prévues par la loi, voire qu'il les augmente à la hauteur des préjudices et à un niveau suffisant pour dissuader des mises en marché à l’origine des effets indésirables sur les ressources, les émissions de CO2 et sur la société.

 

📅 Le 23 mai, AMORCE organise son colloque « Déchets résiduels : comment collectivement sortir de l’impasse ». Un évènement dédié aux enjeux de gestion et de traitement des déchets ménagers résiduels avec la nécessité d’accélérer la mise en œuvre d’une économie circulaire dans les territoires.

➡️ Programme et inscriptions

 

Contact : André LEGER