20 juin 2023 - Actualités
« REP restauration » : un cadre posé avec six mois de retard et une mise en œuvre opérationnelle, plus tard !
Le décret du 7 mars 2023 portant création de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d’emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration (dite « REP restauration ») a posé les bases de la filière. Il renvoyait cependant nombre de dispositions au projet de cahier des charges et à l’arrêté "produit" pour répondre aux problématiques de périmètre, d’organisation et de responsabilités entre les différents éco-organismes existants et futurs. Cette filière attendue depuis près de deux ans, voit son cadre posé avec près de six mois de retard. Sa mise en œuvre opérationnelle ne devrait pas voir le jour avant 2024.
Le déploiement de la filière de « REP Restauration », initialement prévu au 1er janvier 2021 par la loi AGEC avait subi un décalage d’un an par la loi Climat. En effet, le retard dans la réalisation de l’étude sur le gisement des emballages liés à la restauration et le contexte de sortie de crise COVID avaient justifié le report de l’entrée en vigueur de cette filière de REP. Elle figurait pourtant parmi les conditions de la clause de revoyure de la consigne en tant que levier de la performance de recyclage des emballages en France.
L’objectif de cette filière était d’offrir une reprise sans frais des déchets issus des activités de la restauration afin d’engager pleinement l’ensemble des acteurs du secteur dans l’effort de recyclage. Le cadre de la filière devait tenir compte des usages spécifiques des emballages liés à une activité de restauration afin d’articuler les périmètres d’intervention de la filière des emballages ménagers et des emballages spécifiques à la restauration. Il devait également prendre en compte le contexte de reprise actuel qui mêle intervention du service public de gestion des déchets ménagers (SPGD) avec les déchets assimilés et un système de reprise par des opérateurs privés, lorsque le SPGD n’assure pas le service (les plus gros producteurs en général).
Un premier projet d’arrêté précise les caractéristiques des différentes typologies d’emballages introduite par le décret du 7 mars 2023. Un second définit le cahier des charges des éco-organismes des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie de la restauration d’une part (article 1 et annexes I, II et III) et modifie le cahier des charges de la filière des emballages ménagers (article 2 et annexe IV).
Trois catégories d’emballages pour clarifier le périmètre des REP ménagères et restauration
Le premier projet d’arrêté vient préciser les caractéristiques techniques de ces trois catégories d’emballages introduites par le décret du 7 mars 2023 :
- Les emballages mixtes alimentaires (EMA) qui sont des emballages dont le détenteur final peut être autant un ménage qu’un professionnel de la restauration. Par exemple une bouteille de soda de 33 cl qui peut être vendue à un consommateur par un hypermarché ou un point de vente à domicile (le détenteur final du déchet est le ménage), ou bien consommée sur place chez un restaurateur (le détenteur final du déchet est le restaurateur). Ces déchets d’emballages peuvent donc être collectés par le SPGD dans le cadre de la collecte au foyer ou des assimilés ;
- Les emballages mixtes alimentaires « assimilés à la restauration » qui sont des EMA pour lesquels, le producteur est capable de tracer le circuit de distribution (vers une activité de restauration) et dont la collecte n’est pas assurée par le SPGD. C’est le cas de certaines barquettes alimentaires destinées à la restauration collective ;
- Les emballages spécifiques à la restauration dont les caractéristiques de poids et de volumes sont spécifiques à la restauration (grosses conserves, seaux/pots de dessert lactés etc., et les cartons de conditionnement).
Ces définitions vont avoir un impact sur le périmètre du gisement d’emballages contribuant à la REP "emballages ménagers" et à la REP "restauration". En effet, les producteurs d’emballages mixtes alimentaires devraient donc rejoindre le périmètre de la filière des emballages ménagers et verser une éco-contribution aux éco-organismes gestionnaires de la filière (Citeo/Adelphe et Leko). Le gisement contribuant de ces éco-organismes pourrait donc augmenter substantiellement. Les éco-contributions levées devront permettre de répondre aux objectifs de collecte, de réemploi et de recyclage du cahier des charges. L’annexe IV du projet d’arrêté précise les modifications apportées au cahier des charges de la filière des emballages ménagers pour intégrer ces dispositions. Les autres emballages (EMA « assimilés à la restauration » et les emballages spécifiques à la restauration) devraient contribuer à l’éco-organismes de la « REP Restauration » (dont nous ne connaissons pas encore l’identité).
Les principes de la future organisation
Le futur éco-organisme de la filière restauration devra « assurer la reprise sans frais des déchets d’emballages de la restauration et d’emballages mixtes alimentaires auprès des professionnels exerçant une activité de restauration ». La reprise sans frais, concerne les emballages mixtes alimentaires et emballages spécifiques à la restauration produits par les acteurs de la restauration et qui font une demande de prise en charge à l’éco-organisme. Pour bénéficier de la reprise sans frais, ils doivent respecter l’obligation de tri à la source selon le tri cinq flux s’ils produisent plus de 1100 litres de déchets hebdomadaires. En dessous de ce seuil, ils peuvent trier les emballages légers en mélange d’un côté et le verre séparément. La filière devra atteindre un taux de collecte en vue d’une valorisation de 70% en 2025 et de 90% en 2028 et il disposera de trois ans pour couvrir 100% des départements métropolitains et des collectivités d’outre-mer avec des échéances intermédiaires à 1 et 2 ans à compter de la date d’agrément.
Les modalités de la reprise sans frais
L’éco-organisme pourra opter pour une mise en œuvre opérationnelle ou financière. Dans le premier cas, c’est lui qui sera en contrat avec les opérateurs et organisera la reprise sans frais via des marchés. C’est un fonctionnement similaire à ce que connaissent les collectivités dans le cadre des filières de REP opérationnelles (DEA, DEEE). Dans le second cas, l’éco-organisme devra prendre en charge les coûts de collecte et de traitement supportés par les opérateurs, sous forme de soutiens financiers, à condition que les opérateurs assurent la reprise sans frais auprès des établissement de restauration et respectent les conditions de mise en œuvre du cahier des charges. L’éco-organisme devra définir la méthodologie de calcul des coûts de collecte et de traitement dans « un bon rapport couts efficacité ». Elle permettra de définir le niveau de soutien des opérateurs dans le cadre d’un contrat type avec l’éco-organisme. Ce fonctionnement est en vigueur pour la filière des huiles minérales. La prise en charge des coûts concerne également les opérateurs assurant une logistique inverse.
En termes d’organisation, le projet de cahier des charges précise que la reprise sans frais s’effectue « en porte à porte y compris pour le verre » et qu’elle doit correspondre « à minima au niveau de service rendu par le service public de gestion des déchets de la collectivité dans laquelle sont implantés les professionnels concernés ». Le texte tente de veiller à l’uniformité du service et une harmonisation des pratiques de tri. Cependant, cette disposition pose question quant à la collecte du verre en porte à porte, très peu encouragée auprès des ménages et qui se fait principalement en point d’apport volontaire. Il pourrait donc exister une disparité de traitement entre les établissement desservis par le SPGD dans le cadre de la gestion des assimilés (apport du verre en PAV) et ceux desservis par la reprise organisée par l’éco-organisme. Il parait peu probable que les collectivités mettent en place une collecte en porte à porte du verre pour les établissements qu’elles collectent. Des exemples de points d’apports volontaires mixtes adaptés aux apports des professionnels et des ménages existent au Portugal et en Espagne et semblent bien répondre à la problématique.
Un souhait de conserver les équilibres en place
En dehors de la question du verre, les dispositions du projet de cahier des charges laissent à penser que les modalités de gestion des emballages de la restauration assurées par le SPGD dans le cadre de la gestion des déchets assimilés resteraient les mêmes. Ainsi, pour les emballages collectés dans le cadre du SPGD en tant que déchets assimilés, les collectivités continueront de percevoir les soutiens aux matériaux dans le cadre du barème F et à priori du futur barème. Cependant, dans cette organisation, une partie des emballages mixtes alimentaires (gisement contribuant à la REP emballages ménagers Citeo/Adelphe et Leko) seront collectés et traités par la « REP restauration ». Il incombera donc à Citeo/Adelphe et Leko de compenser les coûts de la part des EMA collectés par l’éco-organisme de la « REP Restauration ». Ce dernier devra établir une convention avec les éco-organismes de la REP des emballages ménagers pour fixer un montant forfaitaire des coûts de collecte et de traitement des EMA qu’il supporte (l’article 3.5 du projet de texte). La part des EMA présents dans les flux collectés par la REP restauration sera identifiée via une caractérisation annuelle. Elle doit permettre d’établir le montant à compenser par Citeo/Adelphe et Leko à la "REP restauration" mais aussi d’identifier les tonnages d’EMA valorisés et qui entreront dans le calcul du taux de recyclage de la REP des emballages ménagers.
Le corpus de textes pose désormais un cadre précis à cette nouvelle filière. Sa réussite va reposer sur la collaboration entre l’éco-organisme de la futur REP et les opérateurs de gestion des déchets pour déployer un maillage qui desservira l’ensembles des établissements qui ne sont pas desservis par le SPGD (et notamment les plus éloignés) tout en assurant une efficacité économique. Le niveau de prise en charge des coûts des opérateurs de gestion des déchets, défini par l’éco-organisme, sera essentiel dans la réussite de ce modèle.
AMORCE émet une alerte : le SPGD pourrait être utilisé comme variable d’ajustement pour pallier le manque d’offres dans certains territoires. Enfin, l’arrivée de cette filière de REP interroge notamment sur le renouvellement des dispositifs de collecte communs entre les déchets ménagers et assimilés, et en particulier les emballages en verre.
Contact : André LEGER