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31 janvier 2020 - Actualités

Loi économie circulaire : les députés réintègrent la consigne pour recyclage mais repoussent sa mise en œuvre sous la pression des collectivités

Depuis plus de 9 mois, des débats très virulents se poursuivent sur la question complexe mais stratégique de la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique.

Actualité extraite de la LAA 64 de janvier 2020

 

En effet, le projet initié par les metteurs sur le marché de boissons et eaux minérales, dont la stratégie vise à pérenniser la bouteille à usage unique, ne répondra pas globalement à la question de la pollution plastique. Il remet fondamentalement en question l’avenir du service public de gestion des déchets, qui se verrait amputé, après 30 ans d’effort, des gisements les mieux recyclés et les plus rentables. Il perturberait et complexifierait également le geste de tri.

 

Autour d’AMORCE, l’ensemble des associations de collectivités, mais aussi les fédérations professionnelles d’opérateurs, les associations de consommateurs, ainsi que plusieurs ONG, se sont mobilisées pour s’opposer à ce projet qui reviendrait à privatiser une part du service public de gestion des déchets et qui représenterait un coût important pour le consommateur et le contribuable avec un intérêt environnemental faible, voire contreproductif. Pour le détail de nos arguments sur le sujet, nous vous invitons à consulter la LAA 63, p46. Cette forte mobilisation contre ce projet de « consigne » a convaincu le Sénat, qui a supprimé du texte le développement de la consigne pour recyclage pour se concentrer sur le développement de la vraie consigne pour réemploi (principalement sur le verre), plébiscitée par les Français. Suite à ce vote, et à la mobilisation des associations de collectivités locales, le Président de la République a annoncé au Congrès des maires et des présidents d’intercommunalités que la consigne “ne se fera pas sans l’accord des collectivités”. 

le Président de la République a annoncé que la consigne “ne se fera pas sans l’accord des collectivités”

 

Cet engagement a été confirmé par le Premier ministre, qui a annoncé que le développement de la consigne pour recyclage serait conditionné à « l’accord des associations de collectivités ». Une concertation a ensuite été conduite par Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire avec les associations de collectivités. Cette concertation a abouti à un accord sur la feuille de route suivante :

  • donner la priorité dans un premier temps à l'extension des consignes de tri et au développement de la collecte pour les emballages consommés hors foyer;
  • mettre en place un vrai suivi des performances de collecte séparée des bouteilles gisement par gisement (ménager consommé à domicile, hors foyer et professionnel)
  • évaluer l'évolution des performances d'ici plusieurs années ("suffisamment en amont de l'objectif 2029" selon Élisabeth Borne, en 2025 pour les associations de collectivités), et envisager, le cas échéant, un dispositif de consigne si les performances n'ont pas évolué suffisamment et s’il est nécessaire pour atteindre l'objectif européen de collecte séparée de 90 % des bouteilles en plastique.

Malheureusement, les discussions qui ont suivi sur la rédaction d’un amendement reflétant le consensus n’ont pas abouti, et le gouvernement a décidé d’imposer son amendement sans l’accord final des associations de collectivités. 

 

Cet amendement n’était pas acceptable à plusieurs titres pour AMORCE :

  • il prévoit une évaluation beaucoup trop précipitée, en 2023 (sur données 2022), pour permettre de constater l’amélioration des performances qui résulterait de l’extension des consignes de tri à tous les emballages plastiques ménagers, du déploiement d’une vraie collecte sélective dans le hors foyer et de la mise en œuvre d‘une vraie collecte sélective des bouteilles plastiques en entreprises et dans le cadre d’activités professionnelles.
  • l’amendement ne prévoit pas précisément le déploiement de la collecte sélective des emballages consommés hors foyer et dans les entreprises, alors que c’est pour ces gisements que les performances sont extrêmement faibles aujourd’hui (les bouteilles consommées en foyer étant collectées séparément pour recyclage à hauteur de 74%).
  • cette échéance extrêmement rapprochée pourrait même dissuader les collectivités, mais aussi les professionnels de la vente hors foyer, ou encore les entreprises et les éco-organismes, d’investir massivement dans des dispositifs de collecte sélective qui pourrait être partiellement remis en question en cas de décision de généralisation de la consigne dès 2023. D’ailleurs, le niveau de contraintes portées sur l’éco-organisme pour mettre en œuvre l’extension du tri et des collectes sélectives hors foyer (pour lesquelles il lève pourtant depuis plusieurs années une éco-contribution) reste à préciser. Pourtant, ce dernier, qui s’est toujours positionné en faveur de la consigne, pourrait avoir intérêt à favoriser sa mise en place en 2023, plutôt que de renforcer le dispositif existant pour atteindre les objectifs européens.
  • il ne prévoit pas que la décision de mise en oeuvre définitive de la consigne pour recyclage par le gouvernement en 2023, soit conditionnée à l’accord des collectivités, mais à une concertation avec tous les acteurs.

 

Actant le vote définitif de la loi, AMORCE, appelle le Ministère de l’écologie à la reprise rapide du dialogue entre les parties afin d’établir dans les tous prochains mois les conditions de mise en œuvre de l’engagement gouvernemental à savoir :

  • la mise en place d’un dispositif fiable et indépendant d’évaluation des mises sur le marché des bouteilles plastiques et des performances par gisement (ménager, hors foyer, professionnel) avec une méthodologie partagée d’évaluation des performances de collecte.
  • un cahier des charges partagées de la future étude d’impact sur la mise en place de la consigne
  • la modification du cahier des charges de l’éco-organisme afin d’y introduire le respect de la trajectoire européenne sur la collecte séparée des bouteilles plastiques, les obligations de mise en œuvre de l’extension du tri des plastiques et la généralisation des collectes sélectives hors foyer sur l’ensemble du territoires français d’ici fin 2022, y intégrant une clause garantissant qu’en cas de mise en place de la consigne en 2023, un dispositif de compensation à 100%  des pertes financières sera activé afin de garantir aux collectivités locales que la décision de mise en œuvre d’une éventuelle consigne n’aura aucun impact économique sur les contribuables.
  • la mise en place d’un dispositif de contrôle de la collecte sélective dans les entreprises et en particulier celle distribuant des bouteilles plastiques.

 

Bien que le texte finalement adopté sur la consigne représente toujours une réelle menace pour le dispositif public de collecte sélective et de tri porté depuis 30 ans par les collectivités, il convient toutefois de reconnaitre qu’il constitue un progrès par rapport à la proposition initiale du gouvernement, qui aurait permis de déployer la consigne beaucoup plus rapidement et sans condition. Notre action a également permis de faire valoir dans les médias et l’opinion que ce projet de « consigne » était beaucoup plus discutable que l’idée que s’en faisaient les Français initialement. Elle a également permis de rationaliser un peu plus la question des déchets plastiques et de la pollution plastique qui dépasse de loin les seules bouteilles. Cette question mérite un vrai travail d’analyse exhaustif des gisements des emballages et des produits en plastiques mis sur le marché, des résines, des adjuvants, ainsi que des capacités actuelles et à venir pour réduire, collecter, recycler et valoriser énergétiquement les déchets plastiques.

 

Ces progrès ont notamment été rendus possibles par votre mobilisation massive pour sensibiliser les médias et solliciter les parlementaires, qui a contribué à faire valoir les arguments contre cette mesure. 

AMORCE a sans doute livré l’un de ses combats les plus durs, car les enjeux économiques de l’avenir de la bouteille en plastique se comptent en milliards pour les multinationales de la boisson. 

AMORCE a d’ailleurs fait l’objet d’attaques déplacées et violentes. Cela doit surtout nous convaincre que l’économie circulaire est devenu le terrain d’enjeux économique et sociaux majeurs, qui peuvent prendre le pas sur l’intérêt général et la protection de l’environnement, dont les collectivités locales sont en grande partie les dépositaires. AMORCE continuera à défendre une certaine idée de l’économie circulaire et de la transition écologique fondée sur la responsabilité élargie des producteurs régulée, le geste citoyen et le service public de gestion des déchets dans tous les territoires.

Contact : Julien BARITAUX