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11 mai 2021 - Nos positions

Généralisation du tri à la source des biodéchets : AMORCE défend une règle de justification simple et non discriminante pour les collectivités !

Alors que la loi TECV, complétée par la loi AGEC, confortent l'objectif de généralisation du tri à la source des biodéchets par tous les producteurs, dont l’échéance a été ramenée à la fin 2023, d’importantes interrogations demeurent quant aux modalités d'évaluation de l'atteinte de cet objectif ambitieux prenant en compte l'ensemble des situations des collectivités et des dispositifs de détournement ou de collecte en vue de valorisation des biodéchets. Pour AMORCE, la question de la juste appréciation des moyens à mettre en œuvre localement par les collectivités, pour assurer le succès de la mise à disposition de solutions de tri à la source des biodéchets efficaces pour tous les citoyens au regard des réalités territoriales, est centrale et doit restée simple et harmonisée quels que soient les choix opérés par les collectivités. Retour sur les propositions d’AMORCE.

1. Le tri à la source des biodéchets en France : quel contexte national ?

Pour rappel, selon le MODECOM ™ 2017, les déchets putrescibles (déchets alimentaires, produits alimentaires non consommés, déchets de jardin, autres putrescibles tels que les litières animales) représentent ⅓ des OMR (soit 83 kg/hab/an) et près de 38% du gisement d’OMR (soit 96 kg/hab/an) possède un potentiel de valorisation organique, si on les associe aux papiers sanitaires et domestiques souillés (essuie-tout, mouchoirs...). 

Tout l’enjeu est de détourner cet important gisement présent dans les OMR, pour le rediriger vers des solutions et filières de gestion (dont de traitement) appropriées et vertueuses au regard des caractéristiques chimiques des biodéchets, majoritairement composés de matières carbonées. 

En ce sens, la loi TECV a imposé en 2015 la généralisation du tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs de déchets (ménages et activités économiques), c’est-à-dire que chaque citoyen puisse avoir à sa disposition une solution (compostage de proximité et/ou collecte séparée) lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, afin que ceux-ci ne soient plus éliminés, mais valorisés. Transposant la directive cadre déchets de 2018, la loi AGEC avance d’un an l’obligation de tri à la source des biodéchets pour tous les producteurs, au 31 décembre 2023. Pour rappel, les producteurs non ménagers de plus de 10 t/an de biodéchets sont déjà soumis à l’obligation de tri à la source de leurs biodéchets. Ce seuil passe à 5t/an au 1er janvier 2023. A ce jour, le compostage de proximité tout comme la collecte séparée des déchets alimentaires ménagers restent encore peu développés en France. Au regard du potentiel de détournement des biodéchets des OMR et de l’incidence sur l’atteinte des objectifs nationaux de réduction du stockage et d’amélioration du taux de valorisation matière (dont organique) des DMA, la généralisation du tri à la source des biodéchets constitue l'enjeu principal du mandat électoral. 

 

2. Vers une justification du tri à la source des biodéchets par les collectivités ? 

A ce stade, le Ministère a indiqué à AMORCE qu’il n’y aurait pas d’arrêté en préparation visant à imposer aux collectivités des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour apprécier l'atteinte en termes de déploiement et d’efficacité du tri à la source des biodéchets dans les territoires. Toutefois, les discussions autour de plusieurs textes d’application de la loi AGEC laissent craindre la mise en place de mesures plus ou moins contraignantes selon les situations des collectivités, et donc une véritable iniquité de traitement territoriale. 

D’une part, selon les projets de décrets d’application des articles 6, 10 de la loi AGEC, la justification du tri à la source des biodéchets est évoquée dans le cadre du respect des obligations de tri pour l’élimination des déchets en incinération (hors UVE) et stockage, ainsi qu’une interdiction progressive de certains déchets, dont les biodéchets, en stockage. Selon le projet de texte partagé, à partir du 1er Janvier 2025, les OMR ne pourront pas être considérées comme ultimes et donc enfouies, si elles sont composées à plus de 65 %, en masse, de déchets relevant de filières de REP et de biodéchets cumulés. Ce taux est abaissé à 60 % pour 2030. Par ailleurs, toujours dans ce même projet de texte, la démonstration du tri à la source des biodéchets ne doit satisfaire que des critères de justification documentaire portant sur la réalité de la mise en place de solutions de tri à la source des biodéchets par les collectivités.

D’autre part, un second projet de texte d’application de l’article 90 de la loi AGEC entend fixer une obligation de justification du tri à la source pour les collectivités ou territoires maîtres d’ouvrage ou clients d’une unité de TMB, dès lors que les OMR sont envoyées vers une nouvelle installation TMB ou installations dont les capacités de traitement seraient augmentées. A ce titre, les projets de décret et arrêté d’application introduisent 3 critères au choix de mesure de l’atteinte de la généralisation du tri à la source des biodéchets pour les collectivités primo concernées par le décret (et l’article 90) : 

  • un critère de couverture de la population par un dispositif de tri à la source des biodéchets (objectif de 95%) couplé à seuil de production d’OMR par typologie d’habitat à ne pas dépasser,
  • un critère de résultats : quantité de biodéchets résiduels dans les OMR <39 kg/hab/an,
  • un critère de résultats également : attester un détournement d’au moins 50% des biodéchets des OMR par le tri à la source).

La coexistante dans 2 projets de décrets différents de modalités et critères de justification du tri à la source des biodéchets radicalement différents n'est pas acceptable pour AMORCE car ils placent les collectivités devant une inégalité de traitement sur l'appréciation de la conformité aux objectifs de la loi AGEC précités.

 

3. Justification du tri à la source des biodéchets : quels seuils acceptables ?

Ces textes suggèrent une attention particulière, notamment sur les seuils qu’ils assignent de respecter. 

 

Propositions d’AMORCE 

Aussi, pour justifier de la mise en oeuvre du tri à la source des biodéchets, AMORCE propose la mise en place d’un indicateur d’évaluation simplifié justifiant l’accès des citoyens à un dispositif de tri à la source des biodéchets, équitable et harmonisé sur tout le territoire, avec un raisonnement similaire entre l’accès à un dispositif de compostage de proximité et l’accès à un dispositif de collecte séparée :

  • pour l’accès à un dispositif de compostage domestique ou de collecte au porte à porte, le calcul de la population couverte par un dispositif s’appuie sur la population disposant d’une solution de tri à à la source : au choix parmi l’appréciation du nombre de composteurs distribués par la collectivité ou par enquête pour estimer plus largement la population disposant d’une solution de compostage (dont composteurs fabriqués ou achetés directement par l’usager) et portant sur les bacs distribués au domicile pour la collecte séparée des biodéchets,
  • pour l’accès à un dispositif de compostage partagé ou à un point d’apport volontaire pour la collecte séparée des biodéchets : AMORCE propose d’établir une règle de calcul rapide, homogène et simplifiée qui repose sur la densité d’implantation du réseau de solutions de proximité à savoir 1 composteur partagé ou 1 point d’apport volontaire pour 500 habitants par cohérence de raisonnement avec les règles de préconisation d’implantation de la filière des emballages ménagers pour le dimensionnement du maillage de points d’apports volontaires de proximité, dont notamment du verre. Celle règle a le mérite de la simplification de sa mise en œuvre et de son contrôle à l’échelle du territoire par rapport à une méthode alternative visant à évaluer un périmètre de population desservie par un point de proximité en fonction d’un rayon ou distance minimale qui dépend de la densité de population du territoire et demande une analyse cartographique des zones blanches pour appréciation du taux de couverture global.

La collectivité conserve la charge d’ajuster la capacité du composteur partagé ou du point d’apport volontaire de collecte séparée en fonction de la montée en puissance du nombre participants au tri à la source des biodéchets. Ainsi, AMORCE propose ainsi de renoncer à la règle de dimensionnement minimum des points de compostage de proximité ou collectifs du projet de décret à hauteur de 60 litres de capacité par habitant (bacs d’apport + bacs de stockage du structurants + bacs de maturation compris) pour ne pas complexifier les calculs et créer une distorsion de raisonnement avec les points d’apport volontaires.

  

  • Justification du tri à la source en entrée des unités d’élimination 

Par ailleurs, AMORCE défend l’idée de relever les critères sur le flux OMR à 70 % pour 2025 et 65 % pour 2030 pour les territoires urbains denses et zones touristiques en raison : 

1. du retard possible dans l’application des deux principaux objectifs de tri à la source (biodéchets et extension des consignes de tri à l'ensemble des emballages en plastique) lié aux incertitudes sur la consigne de bouteilles de boissons en plastique pour recyclage, à la crise sanitaire et au report des élections municipales qui ont impacté les projets des collectivités ; 

2. de contraintes plus conséquentes dans la mise en place des filières de tri ou de valorisation organique (contrainte d’espace/projets plus complexes, restriction des offres privées, ,…) 

3. une nécessaire appropriation du geste de tri par les habitants plus complexe (notamment pour la population touristique) qui demande donc plus de temps (collectivités pouvant agir sur les moyens mis en place mais non les résultats) ; 

 

  • justification tri à la source et TMB

AMORCE est contre l’idée d’imposer des critères de résultats du tri à la source, qui restent inappropriés et irréalistes, d’autant que les seuils de résultats fixés ne prennent pas en compte la part assimilée de déchets collectés par le SPGD. 

 

Pour aller plus loin : consulter en intégralité la contribution d’AMORCE à la consultation publique qui a eu lieu fin  janvier 2021.

 

Contacts : Christelle RIVIERE et Delphine HERVIER