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01 juillet 2019 - Actualités

AMORCE en première ligne pour défendre le service public de gestion des déchets face à la fausse bonne idée de la “consigne” sur les bouteilles en plastique

Actualité extraite de la LAA 61 de Juillet 2019

 

De plus en plus mise en avant par les metteurs sur le marché et dans les médias, la consigne sur les bouteilles en plastique à usage unique gagne du terrain. Elle est largement soutenue par le gouvernement, comme le prouve l’avant-projet de loi Économie circulaire qui comporte un article prévoyant d’imposer la mise en œuvre d’un dispositif de consigne pour recyclage, réutilisation ou réemploi des produits ménagers lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de collecte fixés au niveau national ou européen. Pour rappel, la récente directive plastique à usage unique impose un taux de collecte des bouteilles en plastique de 75 % à horizon 2025 et de 90 % à horizon 2029. Ainsi, à travers ce projet de loi, la porte est laissée ouverte au déploiement de systèmes de consigne, qui pourraient concerner en premier lieu les bouteilles et flacons en PET.

 

Pour AMORCE, la mise en place d’un tel dispositif serait une aberration : il s’agirait de remettre en cause toute l’organisation actuelle du SPGD mise en place depuis 25 ans pour un flux qui représente seulement 0,5 % de la production des déchets ménagers (450 000 tonnes de bouteilles et flacons en plastique), soit 0,05 % au regard de l’ensemble des déchets produits en France chaque année en incluant les déchets d’activités économiques et de la construction. En revanche, dans le même temps, rien n’est proposé ou presque pour le tiers de déchets ménagers actuellement sans filière de recyclage, ce qui représente près de 12 millions de tonnes qui sont éliminées. Il y a donc de nombreuses mesures plus urgentes à mettre en œuvre pour réduire les déchets et augmenter le recyclage : créer des malus sur les produits qui ne se recyclent pas ou qui génèrent beaucoup de déchets, renforcer les exigences en matière d’écoconception, soutenir le déploiement du tri à la source des biodéchets, faire appliquer les obligations de tri des déchets des entreprises pour valoriser leurs déchets…

 

Par ailleurs, la consigne sur les bouteilles en plastique est présentée comme un moyen de réduire les déchets plastiques alors qu’il n’en n’est rien : elle ne permettra pas de réutiliser les bouteilles, mais simplement de les recycler, exactement comme si elles avaient été mises dans un bac de tri. Pour réduire les déchets plastiques, le remplacement des bouteilles plastiques par des bouteilles en verre qui peuvent être consignées pour être réutilisées, voire par l’eau du robinet pour ne pas générer de déchets, serait beaucoup plus efficace. Sur la question plus précise de la collecte des bouteilles en plastique, il est également important de rappeler que 15% des bouteilles sont aujourd’hui en dehors de la collecte sélective parce qu’elles sont consommées hors foyer, le déploiement de dispositif de collecte pour le hors foyer aurait donc également un impact important, sans remettre en question la filière existante de collecte et de recyclage.

 

Du point de vue économique, le système de consigne envisagé entraînerait une perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs, qui pourrait aller jusqu’à environ 320 M€ supplémentaires prélevés chaque année, dans l’hypothèse que le montant consigné est de 20 centimes par bouteille et que le taux de retour est de 90 % (taux moyen observé dans les pays européens ayant mis en place un dispositif de consigne sur les bouteilles plastiques). À contrario, le gain économique pour les metteurs en marché est estimé à 600 M€ (consignes non rendues, recettes de revente de matériaux, économies réalisées sur les éco-contributions). Par ailleurs, la consigne telle qu’elle est envisagée impacterait le fonctionnement du SPGD avec des pertes économiques estimées entre 240 et 300 millions d’euros, avec une répercussion directe sur la fiscalité locale. Enfin, la consigne réhabiliterait deux modèles économiques en pertes de vitesse : l’utilisation de la bouteille en plastique, de plus en plus remise en question pour des raisons environnementales, et les grandes surfaces, de moins en moins fréquentées avec les changements d’habitude de consommation. La consigne permet de donner une image vertueuse à la bouteille en plastique, alors qu’il s’agit de la même bouteille et de la même solution de valorisation qu’aujourd’hui.

 

Du point de vue social, la consigne sur les bouteilles en plastique risquerait de perturber le geste de tri des autres flux, en monétisant le geste de tri d’un seul flux, et aurait ainsi pour conséquence de réduire le tri des autres emballages ménagers. Cela aurait également comme impact d’inciter à la consommation de boissons en bouteille plastique, dont l’image est aujourd’hui écornée, et favoriserait l’eau en bouteille au détriment de l’eau du robinet, alors que celle-ci est 50 à 100 fois moins chère. Enfin, elle remettrait en cause l’organisation actuelle de la collecte et du recyclage et entraînerait des pertes d’emplois qualifiés, qui seraient remplacés par les consommateurs eux-mêmes et les personnes en situation de précarité, entraînant une paupérisation de la collecte sélective. La question de la continuité territoriale de la collecte des déchets se pose également, avec un maillage en bornes de déconsignation qui pourrait ne pas être suffisant en milieu rural où les enseignes de la grande distribution sont moins nombreuses qu’en milieu urbain.

 

Enfin, si le sujet est l’atteinte d’un taux de collecte de 90 % des bouteilles en plastique, il faut rappeler qu’une importante marge de manœuvre existe au niveau de la consommation hors-foyer : en effet, 15% des bouteilles sont aujourd’hui en dehors de la collecte sélective des emballages ménagers car elles sont consommées hors foyer. Le déploiement de dispositifs de collecte innovante pour le hors-foyer aurait donc également un impact important, sans remettre en question la filière existante de collecte et de recyclage et l’organisation du SPGD qui présente de bonnes performances de collecte sur le bac de collecte sélective. 

 

Fortement mobilisée sur ce sujet, AMORCE s’est faite le porte-parole du service public de gestion des déchets dans les médias, en intervenant notamment sur à la télévision (France 2), à la radio (France Inter, RMC, France Info, Radio Classique, Sud Radio) ou encore dans la presse écrite (le Monde, les Echos, le Canard Enchainé, l’Express, …). Par ailleurs, suite à la réunion du comité de pilotage sur la consigne organisée le 19 juin dernier et présidée par Brune Poirson, AMORCE a souhaité réunir le 5 juillet dernier les associations de collectivités (CNR, AdCF, France Urbaine, APVF), les fédérations professionnelles (FEDEREC, FNADE), et les associations environnementales (Zero Waste, Fondation Surf-Rider, FNE, Emmaüs, WWF) et de consommateurs (CLCV) afin de partager et de co-construire des propositions alternatives pour répondre aux vrais enjeux de déploiement de la prévention et le recyclage des déchets ménagers. Les propositions consolidées issues de ce groupe de travail seront prochainement communiquées. Un dossier spécifique sur le sujet de la consigne sera proposé dans votre prochaine Lettre aux adhérents. Par ailleurs, AMORCE prépare un courrier type qui sera proposé aux collectivités souhaitant alerter le ministère et faire part de leurs inquiétudes face au déploiement d’un système de consigne. En l’état actuel, AMORCE invite les collectivités à suspendre leur décision d’investissement visant le développement de l’extension des consignes de tri à tous les emballages plastiques dont la viabilité économique est désormais remise en question.

Contacts : Jessica TILBIAN & Olivier CASTAGNO