28 février 2024 - Actualités
Coupes budgétaires pour 2024 : la transition écologique principale victime
La croissance de la France pour l’année 2024 ayant été revue à la baisse de 1,4 à 1 %, ce sont 10 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées par l’État par rapport aux prévisions budgétaires votées dans la loi de finances 2024, selon les annonces du Ministre de l’Économie et des Finances Bruno LE MAIRE le 18 février. Bien que le Ministre ait annoncé que tous les ministères devraient contribuer à cet effort, c’est bien la transition écologique qui est largement impactée par les coupes budgétaires qui ont été détaillées. Un signal une nouvelle fois négatif pour la mise en œuvre effective de la transition écologique, alors même que le budget 2024 était déjà source d’inquiétude pour les collectivités.
Le décret d’annulations de crédits est paru rapidement après cette annonce, le 21 février. Il détaille la répartition des économies à réaliser selon les budgets concernés. Certains secteurs sont particulièrement touchés. C’est le cas du budget « Ecologie, développement et mobilité durables » qui n’était déjà pas pleinement satisfaisant pour les collectivités territoriales.
Des coupes importantes et inquiétantes dans les financements de la transition écologique
La refonte de MaPrimeRénov’ au 1er janvier 2024, qui devrait par ailleurs déjà connaître des changements majeurs très prochainement, avait été couplée à une hausse de son budget, passant ainsi de 3.4 à 5 Milliards d’euros. Avec ces annonces, son budget est finalement limité à 4 Milliards d’euros, l’Etat récupérant donc 10 % du montant d’économie recherchée sur ce seul levier.
S’il faut noter que cette réduction aura finalement relativement peu d’impact à la fin de l’année 2024, puisque le budget de 2023 n’avait déjà pas été entièrement utilisé, et le nombre d’acteurs agréés « MonAccompagnateurRénov’ » étant relativement faible en ce début d’année.
Il s’agit, cependant, d’un message clairement négatif concernant la visibilité du dispositif auprès des ménages et des collectivités, et la priorité donnée à la rénovation énergétique pourtant prônée par l’exécutif. L’objectif de 200 000 rénovations accompagnées en 2024, déjà difficilement atteignable en l’état, semble désormais bien lointain. Couplée aux différentes annonces récentes sur la rénovation des logements ou le calcul de de leur performance énergétique, la direction prise en la matière apparaît extrêmement inquiétante du point de vue des collectivités. AMORCE regrette fortement les choix opérés et appelle à un retour vers une politique des plus ambitieuses en la matière, comme elle a pu le porter dans le cadre du scenario PPE des territoires.
L’Etat avait, par ailleurs, annoncé un renforcement du Fonds vert, dont le budget passait de 2 à 2.5 Milliards d’Euros. Finalement, Bruno LE MAIRE a indiqué que la hausse de 500 Millions d’euros allait être limitée à 100 Millions d'euros.
Cela pourrait marquer, également, un coup d’arrêt majeur pour les projets des collectivités en matière de rénovation énergétique de leurs bâtiments publics, notamment de leurs écoles, de leur éclairage public, de développement du tri à la source des biodéchets et de leur valorisation ainsi que ceux portant sur la renaturation, la prévention des incendies et des inondations, ou encore l’instauration des zones à faibles émissions (ZFE). Très concrètement, cette réduction de budget conduira nécessairement à une réduction du nombre de projets financés l’année prochaine, alors que le Fonds 2023 a été totalement consommé et que des dossiers restent en attente de financement. Ce sont donc de nouveaux retards pris en la matière. AMORCE déplore cette coupe budgétaire, au regard de l’urgence que constitue ces politiques publiques.
Enfin, dans le cadre de cette augmentation du Fonds vert pour 2023, le gouvernement s’était également engagé à mettre en œuvre une forme de Fonds territorial climat qui visait à financer l’ingénierie territoriale nécessaire à la mise en œuvre des PCAET. Pour AMORCE, il est essentiel que la baisse de budget du Fonds vert n’impacte pas cette avancée majeure qui a été obtenue après de nombreuses années de mobilisation des associations de collectivités territoriales pour obtenir un financement de cette ingénierie. Ce fonds qui constitue une première forme d’affection de la fiscalité carbone aux territoires pour assurer la mise en œuvre des planifications locales est une absolue priorité et doit être maintenue dès 2024.
Vers une sobriété bienvenue au sein des services des Ministères ?
La moitié des économies recherchées doit, par ailleurs, provenir du budget de l’ensemble des Ministères par des reports de recrutements et une baisse de 750 Millions d’euros sur la facture d’achat des Ministères notamment.
Mais surtout, l’Etat cherchera également à réduire de 25 % la surface des bureaux occupées par ses services, et de 20 % les déplacements de ses agents. Parmi ces annonces inquiétantes, cette recherche de sobriété constitue le seul point positif. Ces objectifs sont bienvenus et il importera, d’une part, que les mesures prises soient portées au plan national de sobriété énergétique (auquel ont largement participé les collectivités territoriales – à retrouver : notre enquête sur ce sujet), et d’autre part, de les inscrire dans la durée.
Une loi de financement de la transition écologique
Malgré un besoin de financement pour la transition écologique qui doit fortement augmenter et celui des collectivités qui doit plus que doubler comme le rappelle l’étude d’I4CE, la transition écologique voit ses moyens revus à la baisse.
Cette étude mais également les coupes budgétaires opérées en ce début d’année démontrent, une nouvelle fois, le caractère essentiel d’une programmation pluriannuelle des financements dédiés à la transition écologique. AMORCE propose, à travers la PPE des territoires, une loi spécifique à la programmation pluriannuelle des financements de la transition écologique et énergétique qui permettrait de structurer les actions en leurs allouant les moyens financiers nécessaires, avec une vision pluriannuelle. Cet outil conduirait à ne plus considérer la transition écologique comme une variable d’ajustement, ou à tout le moins dans une moindre mesure.
Dans cette optique d’assurer une visibilité accrue et des financements plus importants en faveur de transition écologique, le rapport Pisani-Ferry / Mahfouz abonde en faveur de cette programmation pluriannuelle, de la prise de mesures exceptionnelles comme une contribution temporaire des plus hauts revenus et d’une plus juste répartition des efforts financiers à faire en fonction des revenus et de son impact sur l’environnement. Plusieurs initiatives reprennent ces logiques (une proposition de loi déposée le 13 février dernier par exemple), ce qu’ont illustré également les débats portant sur la Loi de finances pour 2024.
Aussi, AMORCE réitère sa position concernant la création d’une loi de programmation du financement de la transition écologique et appelle à traduire le plus rapidement et effectivement possible la proposition votée en ce sens dans le cadre des débats portant sur la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
De plus, pour financer cette transition, AMORCE propose la fin de toutes les aides ou avantages fiscaux aux énergies fossiles ce qui permettrait de générer, au minimum, entre 11 et 19 milliards d’euros, soit un montant du même ordre de grandeur que celui recherché par le gouvernement dans ses coupes budgétaires.
De plus, AMORCE défend un amortisseur socio-environnemental sur le prix des énergies fossiles permettant de garantir la compétitivité de la maitrise de l’énergie et des énergies renouvelables. Celui-ci serait constitué d’un prix plancher et d’un prix plafond.
L’ensemble de ces finances permettront notamment de financer l’ingénierie nécessaire pour la transition écologique et notamment à travers les PCAET, mais aussi de financer les dépenses supplémentaires d’incitation et d’investissements des pouvoirs publics, chiffrées entre 25 et 34 Mds €/an.
Contacts : Aodrenn LAGADEC, Joël RUFFY, Maxime SCHEFFLER