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25 février 2021 - Actualités

Projet de loi convention citoyenne : grandes ambitions, premières déceptions

Le 10 février, le projet de loi issu des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le Climat a été présenté en Conseil des ministres. Cette étape marque, sur le papier, la fin de l’exercice de démocratie participative initiée par le gouvernement il y plus d’un an, et le début d’une phase de concrétisation qui doit désormais passer par « le filtre » du Parlement. Après avoir soutenu cette initiative novatrice et après avoir été auditionnée par la Convention climat début 2020, AMORCE regrette le contenu plutôt décevant du projet de loi sur les thématiques déchets, énergie et eau, et travaille actuellement à l’élaboration d’une série d’amendements pour nourrir les discussions parlementaires autour de ce projet de loi qui apparaît comme l’un des derniers textes du quinquennat en matière de transition écologique.

Actualité extraite de la Lettre aux Adhérents n°70 de janvier-février 2021

 

Procédure accélérée pour un texte adopté à l’été

 

L’avant-projet de de loi « climat et résilience*» reprend les 5 grands thèmes sur lesquels ont travaillé les 150 membres de la Convention citoyenne : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir. Il intègre également un dernier volet pour renforcer la protection judiciaire de l’environnement en créant un délit d’écocide. Le gouvernement table sur un début d’examen du texte à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars dans le cadre d’une procédure accélérée, avec une adoption d’ici à la fin été. Un calendrier ambitieux, au vu du nombre de dossiers inscrits à l’agenda parlementaire sur le premier semestre.

 

En parallèle, un projet de loi constitutionnel présenté en Conseil des ministres le 20 janvier dernier prévoit de compléter l’article 1er de la Constitution en inscrivant que « [La République] garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Une mesure qui revêt une dimension essentiellement symbolique en complétant les dispositions déjà prévues dans la Charte de l’environnement. Le texte doit maintenant être adopté dans les mêmes termes par les deux Chambres du Parlement avant d’être soumis au référendum promis par Emmanuel Macron. Les débats s’annoncent déjà houleux au Sénat, la majorité Les Républicains ayant déjà fait part de ses réserves sur l’écriture actuelle.

 

La fiscalité carbone, grande absente du texte

 

Bien qu’elle ait déclenché le mouvement des gilets jaunes à l’origine de la Convention citoyenne pour le Climat, la fiscalité écologique, et en particulier la fiscalité carbone, reste la grande absente du texte. AMORCE regrette que le sujet ait été écarté dès les premières réunions avec la convention citoyenne pour le climat. Ce travail collaboratif représentait pourtant une occasion rare de créer les conditions d’un débat apaisé sur une fiscalité véritablement au service de la transition écologique, plus juste, mieux comprise et plus protectrice des Français, mais surtout plus redistributive en affectant massivement la recettes de cette fiscalité à son objet premier : la transition écologique.

 

Du côté des 150 citoyens tirés au sort, l’avant-projet de loi suscite également beaucoup de déceptions. Bien que le texte n’ait vocation à retranscrire que 40 % de leurs 146 propositions, une partie d’entre-elles n’ont été que partiellement reprises, édulcorées, voire supprimées. Matignon a indiqué que certains sujets n’étaient pas encore arbitrés et que le texte pourrait être enrichi durant les débats parlementaires. Pour autant, il reste difficile de savoir quelles seront les marges de manœuvre pour le faire évoluer avec des propositions qui n'émanent pas directement de celles du collectif citoyen.

 

Un projet de loi en demi-teinte sur la rénovation énergétique

 

En matière de logement, l’article 38 donne une assise juridique plus solide aux différentes étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE), pour le rendre opposable au 1er juillet 2021. Le gouvernement profite du texte pour réaffirmer que les passoires énergétiques correspondent aux logements ou bâtiments étiquetés « F et G », qui consomment plus de 331 kWh par m2 par an actuellement. Toutefois, la réforme toujours en cours du DPE doit redéfinir les seuils de consommation correspondants à chaque étiquette.

 

C’est sur ces nouveaux seuils que reposeront notamment deux mesures phares du projet de loi : l’interdiction de location des passoires thermiques à compter de 2028 (article 41) et l’interdiction, un an après l’entrée en vigueur de la loi, d’augmenter le loyer d’un logement considéré comme une passoire énergétique (classés F et G) lors du renouvellement de son bail ou de sa remise en location (article 40).

 

Le décret publié le 13 janvier 2021 constitue une première étape vers ces interdictions. Il fixe à 450 kWh/m2/an le plafond de consommation d’énergie finale au-delà duquel un logement sera considéré comme « indécent » au 1er janvier 2023 (soit une étiquette F). Avec ce nouveau seuil, près de 90 000 logements considérés comme les plus énergivores par le gouvernement, ne pourront plus faire l’objet de nouveaux contrats de location en 2023. De nouveaux seuils plus contraignants, encore inconnus à ce jour, seront fixés pour 2025, et 2028 pour exclure l’intégralité des passoires énergétiques du marché locatif.

 

Un décret est également attendu pour préciser le contenu du nouvel audit énergétique rendu obligatoire par l’article 39 du projet de loi pour les maisons individuelles et immeubles en monopropriété classés F ou G et faisant l’objet d’une mutation ou d’une mise en location. Le DPE devient lui aussi obligatoire pour les bâtiments de logements collectifs dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013.

 

Par ailleurs, le président de la République l’avait annoncé le 14 décembre dernier, l’obligation de rénovation globale des logements pour les propriétaires de passoires énergétiques a été écartée du texte, l’une des mesures phares des citoyens. Le gouvernement a renvoyé l’arbitrage définitif au mois de mars, pour laisser le temps à la mission pilotée par Olivier Sichel, Directeur de la Banque des Territoires, de ficeler une solution de financement qui permettrait de faciliter l’application et l’acceptation de cette mesure.

 

Enfin, l’article 42 ambitionne de repréciser les missions du service public pour la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Une demande formulée depuis plusieurs années par AMORCE. Toutefois, le texte ne fait ni mention du rôle des Régions ni des moyens prévus pour la mise en œuvre de ce service public par les collectivités territoriales qui sont appelées à jouer un rôle clé dans la massification des rénovations.

 

Quelques avancées sur la transition énergétique locale

 

Le gouvernement reprend à l’article 21 une proposition défendue depuis plusieurs années par AMORCE : la mise en place d’objectifs régionalisés pluriannuels pour atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables fixés dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette mesure avait été portée par AMORCE, pour tendre vers une meilleure répartition de l’effort et des responsabilités entre territoires, notamment dans le cadre du groupe de travail ministériel « pour un développement harmonieux de l’éolien ». Il conviendra toutefois de compléter le texte pour assurer une place à l’ensemble des acteurs locaux dans les concertations locales qui permettront d’établir ces objectifs régionalisés par décret.

 

L’article 22 prévoit également d’inclure dans la PPE une feuille de route pour développer les communautés d’énergies renouvelables (CER). Même si aucun objectif précis n’est mentionné dans le texte à ce stade, cette mesure va, elle aussi, dans le sens des propositions soutenues par AMORCE aux côtés du Collectif pour l’énergie citoyenne.

 

Vers une consigne pour réemploi des emballages en verre

 

En matière d’économie circulaire, les mesures de l’avant-projet de loi restent limitées. Plusieurs propositions de la convention citoyenne ont été écartées au motif que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) prévoyait déjà des dispositions ambitieuses.

 

Parmi les mesures à souligner figure l’obligation pour les metteurs sur le marché d’emballages en verre de mettre en place une consigne pour réemploi qui « pourra » être généralisée à partir de 2025. Bien que cette disposition ait été défendue par AMORCE lors des débats sur la loi AGEC, l’écriture actuelle laisse planer un sérieux doute sur sa mise en application qui dépendra de la seule décision du gouvernement en exercice et qui ne fait mention d’aucun cadre contraignant.

 

Le projet de loi prévoit également l’expérimentation d’un dispositif « Oui Pub » dans les collectivités territoriales volontaires afin de réduire la quantité d’imprimés publicitaires sans adresse, distribuées dans les boîtes aux lettres. Si AMORCE n’est pas opposée à l’expérimentation de dispositifs complémentaires au « Stop Pub », elle plaide en revanche pour un engagement plus fort impliquant la filière REP pour monitorer, contrôler et prévenir la distribution de ces imprimés publicitaires.

 

L’article 11 fixe un objectif intéressant de 20 % de surfaces de ventes dédiées au vrac d'ici 2030 dans les commerces de vente au détail de plus de 400 m2 pour réduire la quantité de déchets. Assez peu précis à ce stade, le texte renvoie à un décret qui précisera les modalités d’augmentation progressive de la surface de vente consacrée au vrac et établira « des objectifs plus précis pour certains secteurs et produits ».

 

Autre mesure notable, l’article 6 du projet de loi décentralise le pouvoir de police de la publicité aux maires des communes pour réglementer la publicité papier et numérique extérieure. Les maires qui le souhaitent pourront transférer cette compétence au Président de l’EPCI. L’article 7 complète la mesure en élargissant le pouvoir de régulation des maires aux publicités et enseignes situées derrière les vitrines des commerces, destinée à être visibles depuis une voie ouverte à la circulation publique.

 

Peu d’ambitions sur la protection et la gestion de la ressource en eau

 

Sans surprise au regard du faible nombre de propositions initiales de la Convention citoyenne, l’avant-projet de loi comporte très peu de mesures visant la protection ou la préservation de la ressource en eau. Un seul article, peu concret, concerne la protection de la ressource en eau. Il vise à « affirmer (…) l’importance de la préservation et la restauration des milieux naturels qui découlent directement des processus naturels du grand cycle de l’eau (…) ». AMORCE étudie actuellement les possibilités d’intégrer dans le projet de loi des propositions répondant aux enjeux de la prévention et du traitement des micropolluants.

 

*Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

 

Contact : Romain JACQUET