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01 juillet 2019 - Actualités

Loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales (EPL) : soulagement pour les collectivités et appel à la vigilance de la Cour des Comptes

Actualité extraite de la LAA 61 de Juillet 2019

 

Une promulgation de la loi sur les EPL attendue de pied ferme

La loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales (EPL) a été promulguée au journal officiel le 18 mai dernier. Cette loi issue d’une proposition sénatoriale a pour finalité de restaurer la situation des actionnaires des EPL mis à mal par un arrêt du Conseil d’État.

 

Le juge de l’administration avait, par un arrêt rendu en fin d’année 2018, largement limité les conditions de participation d’une collectivité au capital des entreprises publiques locales que sont les sociétés d’économie mixte locales (SEML) et les sociétés publiques locales (SPL). Dans cet arrêt qui concernait une SEML, mais qui est également applicable aux SPL, le Conseil d’Etat fait une interprétation stricte de l’article L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et considère qu’une collectivité ne peut être actionnaire d’une SEM dont l’objet social excéderait ses compétences. 

Le problème étant qu’un grand nombre de collectivités sont actionnaires de SEM ou de SPL sans pour autant détenir toutes les compétences relatives à l’objet social de ces sociétés, notamment car la collectivité et son groupement sont parfois actionnaires de la même EPL. La Direction générale des collectivités locales a ainsi estimé à 40% la proportion de collectivités ne respectant pas la règle se dégageant de l’arrêt du Conseil d’État.

 

Face à l’urgence de la situation un texte a été déposé par un groupe de sénateurs, et a été très rapidement adopté, avec le soutien du gouvernement. La loi publiée au journal officiel le 18 mai prévoit que les collectivités ou groupements de collectivités actionnaires de SEM ou de SPL doivent seulement détenir l’une des compétences correspondant à une ou plusieurs activités de l’objet social des sociétés. Cet assouplissement est un soulagement pour un grand nombre de collectivités, et une bonne nouvelle pour les projets de territoire de production d’énergie renouvelable (notamment). Le nouveau texte donne à nouveau la possibilité aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et à leurs communes membres de participer conjointement au capital d’entreprises publiques locales et donc de porter des projets de territoire. Les assouplissements prévus par le texte autorisent à demeurer dans une stratégie de mutualisation des moyens, évitant la multiplication et l’éparpillement des structures qu’aurait pu causer la mise en conformité des collectivités avec la jurisprudence du Conseil d’Etat. 

 

Une loi en contradiction avec le principe de spécialisation posé par la loi NOTRe selon la Cour des Comptes

L’engouement pour la loi du 17 mai tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales n’est pas totalement partagé par la Cour des comptes qui s’est exprimée le 29 mai dans un rapport sur les SEML. 

Si la Cour reconnaît que la loi a répondu aux inquiétudes des acteurs locaux, la juridiction financière souligne cependant que cette loi s’oppose au principe de spécialisation des compétences des collectivités posé par la loi NOTRe. La Cour considère en effet qu’en autorisant une collectivité ou un groupement de collectivités à devenir actionnaire d’une entreprise publique locale dont l’essentiel des activités peut se trouver en dehors de son champ de compétence, elle peut être amené, via ses élus représentant, à prendre des décisions en dehors de son champ de compétence. 

 

Amorce rappelle que la loi NOTRe n’a fixé de principe de spécialité des compétences que pour les régions et les départements ; les communes conservant leur clause de compétence générale. Pour les régions et les départements, ou encore pour les communes qui aujourd’hui transfèrent une grande partie de leurs compétences à leurs groupements, cette entorse au principe de spécialité paraît nécessaire afin de pouvoir mener des projets de territoire permettant d’impliquer différents échelons, de mutualiser les moyens et de présenter des objectifs ambitieux permettant de répondre aux objectifs de la loi de transition énergétique. 

La plus grande préoccupation de la Cour des comptes est la conséquence que cette dérogation au principe de spécialité pourrait avoir pour les contribuables.  Ils peuvent en effet être sollicités en cas de difficulté financière d’une entreprise publique locale, et ce même si l’activité qui a causé les difficultés de l’EPL ne fait pas partie des compétences de la collectivité dont dépendent les contribuables. 

Sur ce point la Cour des comptes a raison d’appeler à la vigilance. La prise de participation par une collectivités dans une EPL possédant un objet social plus large que le champ de compétence de la collectivité doit être encadrée par des gardes fou afin de protéger l’équilibre financier de la collectivité et ses contribuables. La Cour des comptes en propose d’ailleurs plusieurs et fait référence au livre blanc que la fédération des entreprises publiques locales présentera en octobre 2019 et qui devrait également proposer des mesures d’accompagnement. 

Parmi les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport, il y a, à titre d’exemple la proposition de création d’un dispositif statistique indépendant de suivi et d’évaluation des SEM et de leurs filiales directes ou indirectes ainsi que de leurs participations via un mécanisme de déclaration accompagné de sanctions en cas de manquement. 

Les juges financiers comptent également sur les acteurs qui accompagnent les SEM (préfet, chambre régionale des comptes, commissaire aux comptes, actionnaires des SEM représentant des collectivités) pour exercer un rôle de contrôle et de régulation sur ces entreprises. 

En plus de tout cela, AMORCE rappelle que la participation au capital d’une société pour une collectivité doit être le fruit d’une réflexion et d’une stratégie mûrement réfléchie, au regard des risques financiers notamment. Afin de limiter ces risques il est utile de veiller à la rationalisation des outils employés, en observant les structures déjà existantes et en s’inspirant de retours d’expérience d’autres collectivités.