16 septembre 2024 - Actualités
Les activités déchets à l'origine de 20% des évènements technologiques en 2023 en France
Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (BARPI) de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), a fait le point sur l’état de l’accidentologie issue des événements enregistrés dans la base de données ARIA en 2023. Les installations de traitement de déchets sont considérées comme un véritable point noir de l’accidentologie industrielle en France ! L’analyse de ces évènements, y compris climatiques, doit permettre aux collectivités de mieux anticiper les risques et d'adapter leur organisation et leurs installations en conséquence. Le Congrès AMORCE abordera ces enjeux, à concilier avec la transition écologique.
Mise en exploitation depuis 1993, la base de données ARIA est unique au monde. Elle recense les événements qui ont, ou auraient pu, porter atteinte à la santé publique, à la sécurité publique ou à l’environnement. Ce recensement dépend largement des sources d’informations publiques et privées. Il n’est donc pas exhaustif. Mais ce travail réalisé par le BARPI, spécialisé dans la collecte, l’analyse et le partage d’expérience tirée des accidents industriels, permet d’apporter à tous (exploitants, bureaux d’études, chercheurs, journalistes, collectivités, autorités et acteurs d’autres pays, grand public et bien sûr services de l’État en France) des informations détaillées ou des synthèses.
Si le nombre d’accidents enregistrés dans la base de données ARIA en 2023 est stable (de l’ordre de 400 accidents par an dans les ICPE, dont environ 80 sur des sites Seveso), le nombre d’incidents est en progression (840 incidents en ICPE en 2023, contre 400 identifiés il y a dix ans). Cette progression s’explique principalement par une meilleure remontée d’information ces dernières années.
Le secteur des déchets en tête des secteurs accidentogènes
L’année 2023 a été à nouveau marquée par la prépondérance de l’accidentologie liée au secteur des déchets. Le nombre d’événements de ce secteur connaît une tendance à la hausse depuis 10 ans, avec cependant une stabilisation observée ces 5 dernières années. Ce secteur représente plus de 20% des événements (accidents et incidents) enregistrés dans la base ARIA sur les installations industrielles françaises pour cette période. Cette proportion se confirme en 2023, avec plus de 250 événements enregistrés, dont près d’un quart d’accidents.
Plus précisément, le secteur des déchets et des eaux usées représente 15% des accidents. Les rejets de matières dangereuses constituent le phénomène prépondérant des accidents de l’année 2023 avec 73% des cas (comme en 2022), suivis des incendies (dans 45% des cas, contre 48% en 2022).
Les événements déchets répertoriés dans la base de données ARIA sont marqués par une spécificité : la prépondérance de l’incendie, phénomène par ailleurs accentué par les fortes chaleurs et les épisodes caniculaires. Ce secteur doit, en outre, faire face à la présence de déchets non conformes (bouteilles de protoxyde d'azote, batteries, etc.) qui arrivent dans les installations, notamment lorsque le tri en amont est réalisé par des particuliers. L'une des cause des accidents ou des incidents rencontrés sur les sites est souvent des batteries orientées vers des filières non appropriées. La maîtrise de l’incendie est plus complexe et plus longue et nécessite des moyens plus importants.
Les batteries au lithium sont aujourd’hui au cœur de l’effort de transition écologique et la multiplication de leurs usages constitue un défi de taille pour la prévention des risques. L’année 2023 confirme cet enjeu : le fait d'en retrouver partout dans la plupart des objets du quotidien s’accompagne d’une augmentation notable des risques associés : les batteries et/ou condensateurs lithium sont impliqués dans 41 évènements recensés en 2023, soit presque le double qu'en 2022. Environ 60 % des événements liés à ces batteries concernent les filières déchets. Dans la majorité des cas, l’orientation des piles ou des batteries lithium vers des filières non appropriées est en cause (erreur de tri des particuliers, mauvaise dépollution amont des DEEE…) et leur présence fortuite en mélange avec d’autres déchets peut être à l’origine de départs de feu. Ces derniers peuvent survenir aussi bien au cours d’opérations spécifiques (broyage, déchargement…) que durant les phases de stockage (départ de feu différé, choc, incompatibilité avec d’autres déchets, court-circuit, auto-échauffement…). Le rapport signale qu'une attention particulière des exploitants est nécessaire pour limiter l’occurrence des incendies mais également pour la détection et l’extinction rapide de ceux qui ne peuvent pas être évités. Des textes réglementaires visant certaines ICPE ont d'ailleurs été récemment publié (certains sont encore en cours de modification) pour renforcer les prescriptions applicables concernant la gestion des déchets, la surveillance des installations et les dispositifs d'extinction des incendies.
Un focus du BARPI sur les conséquences des évènements climatiques de 2023
L’année 2023 a par ailleurs été marquée par de violentes tempêtes en novembre, de la Bretagne au nord de la France, qui ont eu des conséquences très importantes pour les citoyens, mais qui n’ont pas généré d’accidents industriels notables. Au-delà des épisodes de pluie en continu dans certains secteurs, trois tempêtes se sont enchaînées (Ciarán, Domingos, Frederico), accompagnées de rafales de vent parfois très importantes, suivies d’une dépression, Elisa, générant un fort cumul de précipitations. Les conséquences ont été visibles sur les installations industrielles, avec une augmentation notable du nombre d’événements liés à des conditions climatiques extrêmes enregistré dans la base de données ARIA, que ce soit en raison du vent important et/ou des pluies et des inondations. 29 événements ont été recensés.
Bien que sans conséquences humaines sur les installations industrielles (aucun mort ni blessé recensé), ni phénomène dangereux notable (incendie, explosion ou rejet de matières dangereuses ou polluantes), ces événements climatiques ont eu de nombreuses conséquences matérielles. Pour les ICPE déchets, il a été relevé un rejet estimé de 960 m3 de biogaz lors de la déchirure de la membrane d’un casier d’une installation de stockage de déchets non dangereux. Ils ont, par ailleurs, mis en exergue les difficultés pouvant être rencontrées par les industriels à la suite de la perte de l’alimentation électrique, avec des systèmes de secours internes parfois limités et questionnant le caractère suffisant de leur autonomie, au regard de la durée de la crise. Ces évènements ont rappelé également la disponibilité limitée des services de secours publics lorsqu’une catastrophe naturelle impacte toute une zone géographique. Il est donc important pour les sites industriels de se préparer à ce type d’événements climatiques violents et de pouvoir faire face seuls à une gestion de crise en premier niveau. Le BARPI a publié récemment une synthèse du retour d’expérience tiré de ces événements avec les enseignements à en tirer.
- À noter : Par ailleurs et pour rappel, le CEREMA a publié en 2019 un guide spécifique sur la gestion des déchets issus des catastrophes naturelles. Cette publication, conçue à partir de retours d'expériences, présente les étapes à suivre et propose des fiches d'application pour mettre en œuvre une stratégie de gestion efficace de ces déchets. Au plan réglementaire, en termes de planification, les conseils généraux et régionaux doivent désormais prendre en compte ces déchets dans le cadre de la révision des plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux et dangereux.
En terme de gestion, une rubrique ICPE n°2719 existe, dédiée aux sites d’entreposage temporaire de déchets issus de catastrophes et de pollutions accidentelles marines ou fluviales. D’un point de vue opérationnel, la gestion des déchets issus de catastrophes, est portée par les collectivités, EPCI et communes adhérentes ayant la compétence déchets.
Les conséquences de l’accidentologie des ICPE en 2023
Les conséquences économiques restent le plus fréquemment observées. Environ 75 % des accidents en 2023 ont causé des pertes financières. Ces conséquences économiques peuvent entraîner des ruptures temporaires d’exploitation mais aussi, dans certain cas, une cessation totale des activités.
Les conséquences environnementales arrivent en seconde position et concernent 68 % des accidents en 2023. Les impacts sur l’air et l’eau concernent chacun environ un tiers des accidents. A noter sur ce sujet que les travaux du BARPI ont permis d’orienter en 2023 les priorités de contrôle des inspecteurs ICPE, notamment sur le sujet de la gestion des shunts et by pass, ou encore d’accompagner les actions de contrôle, par exemple celle relative au confinement des eaux d’extinction d’incendie. Ces contrôle ont notamment abouti à la parution d'un "Flash Incendie et eaux d’extinction". Les eaux d’extinction peuvent contenir des additifs dangereux pour la santé ou l’environnement, et peuvent être polluées par les produits ou déchets pris dans l’incendie, comme les hydrocarbures déposés sur des voies de circulation, les matériaux polluants présents dans des bâtiments... Si ces eaux d’extinction ne sont pas correctement gérées, par défaut de confinement sur site notamment, elles peuvent donc conduire à une pollution des sols, des eaux souterraines et des surface, et entraîner une mortalité de la faune aquatique, ce qui vient se rajouter aux conséquences directes de l’incendie. La gestion des eaux d’extinction doit donc être anticipée par les exploitants et faire partie intégrante de la lutte contre le risque incendie. Ce flash met en avant des cas concrets dont en centre de tri des déchets pour formuler des recommandations, notamment sur l'anticipation de la gestion des eaux d’extinction incendie (estimation des volumes, confinement, analyses).
Environ 25% des accidents en 2023 ont eu des conséquences humaines
Une téléprocédure est en cours de développement afin que les exploitants puissent déclarer les incidents et accidents, et transmettre leurs rapports d’accident de façon dématérialisée à l’inspection des ICPE. Cette évolution permettra d’améliorer encore la collecte et l’analyse des incidents et accidents, tout en simplifiant les formalités pour les déclarants. Les parties prenantes seront associées à ce projet, pour disposer de l’outil le plus simple et pertinent. Après une phase de test courant 2025, la généralisation de la télédéclaration est prévue le 1er janvier 2026.
Retrouvez cette thématique lors de notre prochain Congrès AMORCE !
AMORCE soutient les démarches du BARPI pour améliorer la connaissance et l'analyse des évènements industriels, dont ceux qui peuvent survenir à la suite d'évènements climatiques. Il s'agit de favoriser le progrès continu en matière de sécurité industrielle, à des fins d’amélioration des pratiques opérationnelles.
Le 38ème Congrès AMORCE, qui se déroulera à Montpellier du 9 au 11 octobre et organisé en partenariat avec Montpellier Méditerranée Métropole avec le soutien d’Altémed, permettra en effet aux collectivités et acteurs locaux de s’intéresser aux stratégies et méthodes pour concilier transition écologique et énergétique avec les crises engendrées par le changement climatique. De nombreuses plénières et ateliers ou forum, complétés de retours d'expérience, permettront aux territoires de s'interroger sur comment lutter contre les pollutions émergentes, s'adapter aux dérèglement climatique et au renforcement des normes environnementales en développant une culture de la gestion du risque (Consultez le programme du congrès ici).
Contact : Christelle RIVIERE