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29 août 2024 - Actualités

Document d’urbanisme et disponibilité de la ressource en eau : des précisions quant aux attendus de l’État

Mars 2023, plusieurs élus de communes du Var annonçaient geler toute nouvelle construction sur leur territoire pour cause de manque d’eau pour les prochaines années dans le souhait, avant tout, d’afficher une volonté politique forte d’interpeller l’État et de sensibiliser les populations en réponse à leurs inquiétudes liées à une urgence climatique de plus en plus prégnante. Si le juge a pu apporter des précisions depuis, la préfecture du département des Alpes Maritimes a précisé, quant à elle, les attendus de l’État pour évaluer la bonne prise en compte de la disponibilité de la ressource en eau dans les documents d’urbanisme qui lui seront soumis. Qu’en est-il ?

Contexte et enjeux quantitatifs de l’eau

 

Le département des Alpes-Maritimes a connu des sécheresses historiques en 2022 et 2023. Des mesures de restriction ont été appliquées à l’ensemble des communes et 10 des 12 sous-bassins versants ont été placés au stade de crise sécheresse. Et de tels épisodes pourraient devenir courants à l’avenir : les travaux prospectifs prévoient une baisse d’environ 30% des débits des cours d’eau du département d’ici 2050 et une baisse drastique du manteau neigeux d’ici la fin du siècle (Voir article sur Projections sur les ressources en eau en 2100). 

 

Les Assises départementales de l’eau qui ont eu lieu en janvier 2023 ont permis d’identifier des actions structurelles dont la nécessité de conditionner urbanisation nouvelle et disponibilité de la ressource en eau.

 

En réponse, le préfet des Alpes-Maritimes a décidé d'établir un « Dire de l’État » qui expose clairement les attentes de l'État pour concrétiser cet objectif de manière opérationnelle. Le document sera communiqué de manière systématique dans le porter à connaissance des collectivités qui engagent une procédure d’élaboration ou de révision de leur document d’urbanisme sur le territoire du département.

 

Les services étatiques, lors du rendu de l’avis relatif audit document, mais également lors du contrôle de légalité, se baseront sur les éléments demandés par le « dire de l’État » et en cas d’absence ou d’insuffisance de motivation dans les diagnostics territoriaux émettront un avis négatif.

 

Par ailleurs, la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) aura pour mission de mettre également en application ce « dire » de l’Etat par le biais des avis qu’elle rend (simples ou conformes) sur les procédures d’évolution des documents d’urbanisme.

 

Il faut bien préciser que ces instructions ne traitent que du volet quantitatif de l’eau. Que prévoient-elles ? 

 

Le « Dire de l’État » pour concilier urbanisme et disponibilité de la ressource

 

Dans le cadre de la révision ou l’élaboration des documents d’urbanisme et de leur soumission pour avis aux services étatiques, les collectivités territoriales devront réaliser un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande (entre la ressource en eau disponible et les besoins des usagers) en prenant en compte des phénomènes de pointe de consommation, ainsi que des flux d’eau aussi bien entre l’amont et l’aval au sein d’un bassin versant que via les interconnexions des gestionnaires de réseau.

 

Cette démonstration devra être réalisée à une échelle suffisamment large afin d’intégrer d’éventuels effets de l’urbanisation envisagée sur les territoires extérieurs au périmètre concerné par le document d’urbanisation. Il sera également opportun qu’elle s’appuie sur le diagnostic territorial du document d’urbanisme et sur le schéma directeur d’alimentation en eau potable (SDAEP) en vigueur. 

 

Pour cela, un bilan sur les 5 dernières années et une évaluation sur l’horizon temporel de la planification sont attendus avec : 

 

  • Concernant la demande / consommation d’eau : nombre de consommateurs finaux et type, consommation pour chaque type de consommateur en moyenne annuelle et en période de pointe et augmentation éventuelle de consommation due au plan d’aménagement.

 

  • Concernant le volet offre et réseau : les volumes prélevés et mis en distribution pour alimenter le territoire concerné, l’autorisation de prélèvement correspondante et les volumes maximum prélevables réglementairement ; pour le futur, l’évolution prévisible de la ressource en eau disponible compte-tenu des effets du changement climatique ; les rendements des réseaux alimentant le territoire concerné, et les volumes de perte correspondants.

 

Sur la base de ce bilan prévisionnel, les services étatiques formuleront leur avis en se basant sur une grille d’analyse (explicitées dans le document de la préfecture) comprenant trois cas de figure types : 

 

  • Cas 1 – équilibre quantitatif sans nécessiter de nouveaux prélèvements ni d’achats d’eau : avis favorable.
  • Cas 2 – équilibre quantitatif à condition d’augmenter les prélèvements ou les achats d’eau : différentes conditions seront à respecter et programmes d’actions à mettre en place pour que l’avis rendu soit favorable.
  • Cas 3 – déséquilibre quantitatif : avis défavorable.

 

AMORCE promeut une gestion durable et plus sobre de la ressource en eau et encourage les territoires à mobiliser des outils juridiques pour lutter contre la sécheresse tant au niveau de leurs documents de planification que de leurs documents d’urbanisme et leviers d’aménagement du territoire.  

 

Pour relire nos précédents articles à ce sujet : 

 

  • Faible disponibilité de la ressource : quand le permis de construire tombe à l’eau, disponible en ligne.
  • Refus de permis de construire et disponibilité de la ressource : le juge a tranché, disponible en ligne.

 

Une publication AMORCE dédiée aux outils juridiques disponibles pour la sobriété hydrique des territoires est, par ailleurs, en cours d'élaboration.

 

Contact : Anna FIEGEL