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31 décembre 2020 - Actualités

Projet de loi de finances 2021 : un « budget vert » sans concession

Le jeudi 17 décembre, les députés de l’Assemblée nationale ont adopté le texte définitif du projet de loi de finances pour 2021. Les discussions budgétaires ont été fortement marquées cette année par la crise sanitaire et ses impacts sur l’économie du pays. Par ailleurs, les 43 milliards d’euros de « dépenses favorables à l’environnement » prévus dans ce « budget vert » n’ont laissé que peu de place à de nouvelles concessions gouvernementales en matière de transition écologique.

Actualité extraite de la Lettre aux Adhérents #69 de novembre / décembre page 25. 

 

Dans notre LAA 68 (p. 26), nous vous avions détaillé les propositions formulées par AMORCE en marge de l’examen du PLF 2021, qui s’annonçait très verrouillé. La suite des débats parlementaires n’a fait que confirmer les difficultés à infléchir les positions du gouvernement sur un grand nombre de mesures proposées par AMORCE ou défendues aux côtés d’autres acteurs. Il convient toutefois de souligner que plusieurs propositions marquant de réelles avancées ont été adoptées lors de l’examen en première lecture au Sénat avant d’être supprimées par les députés au cours de la navette parlementaire. Les 30 milliards d’euros du plan de relance dégagés en faveur de la transition écologique ont souvent été mis en avant par le gouvernement pour exclure tout nouvel effort budgétaire. AMORCE revient ici sur certains arbitrages dans les domaines de l’énergie, de l’eau et des déchets.

 

  • Populaire au Sénat, la réaffectation de la taxe carbone ne passe toujours pas chez les députés 

Après avoir été jugée irrecevable à l’Assemblée nationale, la proposition historique d’AMORCE visant à affecter une part de la TICPE au financement de la transition écologique dans les territoires a été adoptée par le Sénat en première lecture. Une fois encore, cette proposition qui est adoptée depuis plusieurs années à la chambre haute, a fait l’objet d’un amendement de suppression du Rapporteur général de la Commission des finances à son retour à l'Assemblée nationale. Ce dernier estimant que cette mesure coûterait près d’un milliard d’euros à l’État par an et que des moyens conséquents avaient déjà été alloués à la transition écologique dans le cadre du plan de relance.

 

  • Vers une harmonisation des taxes sur la consommation finale d’électricité

Après des débats houleux à l’Assemblée nationale, les sénateurs avaient voté la suppression de l'article 13 du projet de loi de finances, visant à unifier les coefficients des taxes locales sur la consommation finale d'électricité (TDCFE et TCCFE) et à transférer leur gestion à la Direction générale des finances publiques (voir notre article dédié en page 72 : Projet de loi de finances 2021,une évolution de la fiscalité locale sur la consommation d’électricité en vue). Lors de l'examen du texte en première lecture, AMORCE avait interpellé le Ministère de l'Économie sur l'absence de concertation avec les collectivités et le manque de transparence sur cette mesure. Les sénateurs ont par la suite voté sa suppression, arguant notamment que l'unification des tarifs accentuerait la pression fiscale sur les contribuables dans certains territoires. Cet article 13 a finalement été réintroduit par le Rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale dans le texte définitif au motif que cette mesure d'harmonisation résulte d'une Directive européenne.

 

  • La révision des tarifs d’achat pour la filière solaire confirmée

En réponse à un amendement déposé par le gouvernement visant à revenir sur les tarifs d'achats garantis par l’État pour la filière photovoltaïque, AMORCE avait pris part à une action pilotée par le collectif Solidarités Renouvelable en signant une tribune publiée par le collectif. AMORCE avait également interpellé plusieurs députés et sénateurs sur les conséquences de cette remise en cause de la parole de l’État pour le développement des énergies renouvelables. En effet, cette décision crée un précédent, qui pourrait ouvrir la porte à de nouvelles négociations sur les tarifs d’achats pour d’autres filières d’énergies renouvelables (biogaz, éolien, etc.) et freiner le développement de projets menés par les collectivités. À la lumière de ces arguments, les sénateurs avaient ainsi supprimé l'amendement gouvernemental en première lecture. Mais la majorité de l’Assemblée nationale l’a finalement réintroduit dans le texte définitif, en dépit de la mobilisation et des propositions alternatives de la filière solaire.

 

  • La franchise de TGAP adoptée par le Sénat, mais rejetée par les députés

Cette année, AMORCE s’est mobilisé pour une avancée significative pour les collectivités en charge du service public de gestion des déchets. Les sénateurs ont en effet adopté en première lecture notre amendement visant à introduire une franchise de TGAP pour les déchets ménagers correspondant aux déchets résiduels inévitables. Cette mesure de bon sens aurait permis d’alléger la pression fiscale des collectivités qui sont totalement captive de ce gisement de déchets qui ne dispose à l’heure actuelle d’aucune solution de recyclage. Malgré la mobilisation d’AMORCE auprès des députés pour conserver cette mesure lors de la seconde lecture, l’Assemblée nationale a finalement supprimé cette mesure du texte au motif largement contestable que cet allégement fiscal serait “défavorable à l’environnement”.

 

  • Pas de report de l’augmentation de la TGAP

AMORCE regrette que le report d'un an de la TGAP, l’une de ses propositions phares, n'ait pas été retenue par les parlementaires. En effet, ce report nous semble relever du bon sens tant au regard de la crise sanitaire que du retard pris dans l'élaboration et l'adoption des décrets d’application de la loi AGEC. Il est en effet injuste que les collectivités soient impactées, alors que l’augmentation de TGAP devait être compensée à la fois par la diminution de la TVA et par les nouvelles mesures de la loi AGEC. AMORCE s'est appuyée sur l'adoption de la franchise de TGAP au Sénat pour tenter de réintroduire la question du report de TGAP dans les discussions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie le mercredi 9 décembre. Mais celle-ci n'a finalement pas été concluante et l’espoir d’un report en seconde lecture a donc été écarté.

Toutefois, parmi les avancées à souligner, un  amendement révisant la trajectoire de la TGAP pour Mayotte et Guyane a été adopté. Il prévoit, au regard des spécificités économiques et géographiques locales, une augmentation de la réfaction de TGAP pour les deux territoires ainsi que le maintien du tarif de 3€ / tonne pour les sites de stockage isolés guyanais, non accessibles par voie terrestre.

 

  • Des avancées sur la TEOM

Inspiré d’une proposition d’AMORCE, un amendement du Rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale étendant à 7 ans l'expérimentation de la part incitative de la TEOM avait été adopté en première lecture. A noter également la prolongation jusqu'au 31 décembre 2024 du délai accordé aux EPCI issus de fusion pour parvenir à l’harmonisation de leur tarification des déchets (pour rappel, le délai était jusqu'alors de 5 ans). L’amendement adopté au Sénat donnant la possibilité pour les collectivités d'instaurer un abattement d’au maximum un tiers sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères notamment pour les personnes ayant un revenu modeste (selon le revenu fiscal de référence de l’année précédente) a été supprimé à l’Assemblée nationale.

 

  • La proposition de redevance micropolluants fait une entrée remarquée au Sénat

Bien que la proposition d’AMORCE d’élargir la redevance pour pollutions diffuses aux micropolluants n’ait pas été adoptée dans ce PLF, ils convient de souligner que l’amendement a été déposé par une vingtaine de députés et soutenu par près de 80 sénateurs en première lecture (voir notre article dédié en page 87 : PLF 2021 : des parlementaires soutiennent le projet d’une redevance micropolluants). Ce soutien n’a pas manqué de faire réagir les acteurs de la filière cosmétique, directement visés par cette mesure. En effet, les sénateurs ayant déposé l’amendement d’AMORCE ont été contactés par plusieurs fédérations cosmétiques leur demandant de retirer leur amendement au prétexte que cette proposition de redevance devait faire l’objet d’une concertation préalable avec les acteurs de la filière.

 

Contacts : Romain JACQUET & Delphine MAZABRARD