20 novembre 2023 - Actualités
Prise en charge des dépôts sauvages illégaux par les filières REP : la résolution du casse-tête en ligne de mire ?
Il s'agissait d'une avancée significative de la loi AGEC au niveau de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Les filières REP doivent couvrir les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés en dehors des dispositifs de collecte. Deux types de déchets abandonnés - ou plus communément appelés dépôts sauvages - sont visés : si la prise en charge des dépôts sauvages plus diffus lors des opérations de nettoiement est en cours sur deux filières REP, celle des gros dépôts sauvages dits "illégaux" fait l'objet de travaux pour simplifier la procédure, une étape indispensable pour AMORCE.
La prise en charge des déchets abandonnés par les filières REP est encadrée par le paragraphe 5 du décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs. Il définit les deux types de déchets abandonnés suivants :
- 1° “ Dépôt illégal de déchets abandonnés ” : un amoncellement de déchets abandonnés dont la quantité totale estimée de déchets le composant excède le seuil fixé à l'article 2 du décret n° 2019-1176 du 14 novembre 2019 pris pour l'application du b du 1 octies et du 1 terdecies du II de l'article 266 sexies du code des douanes, pour les dépôts comprenant des déchets relevant de la responsabilité élargie du producteur. Attention cependant à bien les distinguer des décharges illégales hors périmètre qui relèvent d'une prise en charge spécifique !
- 2° “ Opérations de nettoiement ” : les opérations de ramassage de déchets abandonnés ou déposés dans les espaces publics, y compris naturels, en méconnaissance des prescriptions relatives à la gestion des déchets. Ces opérations visent 4 catégories : les déchets des produits du tabac, les déchets d'emballages, les textiles sanitaires à usage unique et les déchets de gommes à mâcher non biodégradables.
La prise en charge par les filières REP de cette 1ère catégorie des dépôts illégaux recouvre les dépôts sauvages très concentrés. La quantité doit dépasser 100 tonnes tous déchets confondus (y compris hors REP) ou 50 tonnes après tri comme précisé par le code des douanes précité. Le seuil bas de déclenchement de la prise en charge par les filières REP est de 0,1 tonne lorsqu'il s'agit de déchets dangereux, et de 1 tonne lorsqu'il s'agit de déchets non dangereux ou inertes.
Ces filières ne peuvent intervenir que si le cahier des charges des éco-organismes le prévoit, et donc au fil du renouvellement des agréments des filières REP, avec leurs subtilités. Par exemple, pour la filière REP des déchets du bâtiment, le cahier des charges prévoit (article 6.4) une progressivité de la prise en charge des déchets de PMCB abandonnés : "jusqu'au 31 décembre 2024, l'éco-organisme peut différer d'au plus deux ans le versement de sa contribution financière à la prise en charge d'une opération de résorption de dépôts de déchets de PMCB abandonnés".
À noter pour rappel, que le code des douanes prévoit une exonération de TGAP pour les déchets "en provenance d'un dépôt non autorisé de déchets abandonnés dont les producteurs ne peuvent être identifiés et que la collectivité territoriale chargée de la collecte et du traitement des déchets des ménages n'a pas la capacité technique de prendre en charge".
Une procédure d'identification et déclenchement auprès des filières REP, qui présente de nombreux défis de clarification et simplification !
Deux cas de figure sont prévus par le décret, avec des niveaux de soutiens différenciés : la prise en charge du dépôt illégal par une collectivité ou par la filière REP. Dans les deux cas, la collectivité doit respecter certaines étapes dont l'établissement d'un procès-verbal de constat d'infraction, l'estimation de la quantité totale de déchets, l'évaluation de la présence de déchets issus de produits soumis à REP et une évaluation du coût des opérations de gestion de ces déchets.
Les principales difficultés identifiées se situent au niveau de l'estimation de la quantité totale de déchets et de l'évaluation de la présence de déchets issus de produits soumis à REP, ce qui revient à une caractérisation des déchets constituant le dépôts sauvage. En effet, le dépôt est généralement localisé en pleine nature, potentiellement dispersé, avec des matériaux partiellement dégradés et/ou recouverts par la végétation.
Une étude de l'ADEME, à laquelle AMORCE participe, est en cours pour définir une méthodologie de caractérisation "simplifiée" des dépôts sauvages. Ce travail prévoit une phase d'état des lieux avec des tests en situation réelle. Un point d'étape a été réalisé le 10 novembre : il met en avant ces difficultés à résoudre, déjà identifiées par AMORCE. Le seuil des 50 tonnes après tri est le seuil pris en compte au niveau de l'étude ADEME, ce qui se traduirait par la prise en charge de dépôts contenant en majeure partie des déchets non valorisables ou non issus de filière REP. Une difficulté consiste à savoir comment effectuer le tri (sur site ou évaluation après tri sur plate-forme) sur des matériaux potentiellement dégradés.
Au niveau de l'état des lieux, une courte enquête avait été lancée et relayée par AMORCE pour compléter l'inventaire réalisée par le bureau d'études. Cet inventaire présente forcément des limites, dont son exhaustivité sur le territoire nationale et la difficulté à cibler des dépôts de grande envergure qui ne sont pas d’anciennes décharges communales. 136 dépôts ont été déclarés via l'enquête dont 46 hors champ de l'étude. Sur les 90 dépôts conformes au périmètre, la plupart concerne plus particulièrement et sans surprise deux régions (PACA et IDF) et comporte principalement des déchets du BTP et des encombrants, avec une présence notable de VHU (surtout en DROM COM) et de déchets dangereux.
Une procédure de saisie des éco-organismes (EO) passée au crible
En parallèle, un groupe de travail ouvert aux représentants de collectivité dont AMORCE a été constitué, regroupant plusieurs éco-organismes (Ecomaison, Ecologic, Soren, Ecosystem, Ecominero, Valdelia, Valobat, Citeo, Alcome, Adivalor et Cyclevi). Piloté par Rudologia, il vise notamment à travailler sur l'étape de saisie des éco-organismes pour mettre en place un portail unique de déclaration et de répartition de la pris en charge financière, avec un modèle de conventionnement unique. Rudologia déclenchera un test grandeur nature d'ici fin 2023 pour identifier les points de blocage et travailler sur des documents et une méthodologie communs.
Les communes et les collectivités territoriales en charge notamment de la gestion des déchets sont impatientes de trouver un aboutissement, ce qui est partagée par AMORCE, avec des points de vigilance :
- il y a une urgence pour la résorption des gros dépôts sauvages et leur prise en charge financière,
- la méthode de saisine doit être simple et partagée par tous afin notamment de réduire la complexité pour les petites communes,
- il convient de revenir sur le périmètre avec un seuil des 100 tonnes qui concerne au final peu de cas et l'évaluation des 50 tonnes après tri,
- on note une certaine appréhension sur la coordination entre EO et personnes publiques avec l'importance de limiter les risques de contentieux (contre expertise et écarts d'évaluation des quantités, choix d’un opérateur en commun, création d’un organisme indépendant pour centraliser les dossiers),
- la prise en compte dans les coûts et soutiens des aspects logistiques périphériques et sécuritaires (interdiction de l'accès à la zone par balisage, etc.) : une prise en charge financière plutôt qu'opérationnelle est donc souhaitée par les collectivités,
- l'enjeu de la présence de déchets dangereux et la possible contamination d’autres déchets non dangereux.
Côté éco-organismes, la plupart se sentent peu impactés (tonnages faibles au regard des seuils de déclenchement) même si cela ne remet pas en cause leur engagement. Ils s’attendent à être davantage sollicités sur les DROM COM où la problématique est plus prégnante. Le fléau des dépôts sauvages en outre mer et ses impacts sanitaires et environnementaux associés ont d'ailleurs été mis en avant dans un rapport déposé au Sénat fin 2022. Sur la procédure, les attentes sont plutôt côté éco-organismes sur la traçabilité (caractérisation vérifiables, flux triés et valorisés/traités conformément) avec la volonté de privilégier un système opérationnel (poursuite du système actuel de mise à disposition de bennes/ contenants), un mécanisme qu'AMORCE juge moins efficace avec un risque d'allongement des délais face aux urgences.
Contacts : Christelle RIVIERE et Delphine MAZABRARD