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05 juin 2024 - Actualités

Bilan de la loi AGEC : entre un constat partagé et des propositions divergentes

Le 8 novembre 2023, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l'Assemblée nationale instaurait une mission d’évaluation de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC). La commission désignait Véronique Riotton (RE, Haute-Savoie) et Stéphane Delautrette (SOC, Haute-Vienne) comme rapporteurs. Cette mission, qui avait pour objet de faire un état des lieux des conséquences environnementales, économiques, sociales, juridiques et financières de la loi ainsi que des éventuelles difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre, a rendu son rapport ce mercredi 29 mai. Celui-ci, ainsi que les 100 propositions qu’il contient ont été adoptés à l’unanimité. AMORCE y a largement contribué en proposant ses analyses chiffrées et en formulant ses propositions. Si le constat est partagé par les rapporteurs, les propositions sont en demi teinte selon notre analyse. Elles reprennent, en partie, celles d'AMORCE mais plusieurs d'entre-elles franchissent des lignes rouges.

Il faut souligner, tout d'abord, qu'en dépit du manque de données pour évaluer réellement les effets de la loi AGEC - ce que déplore AMORCE - le constat des échecs de la loi AGEC est partagé par les rapporteurs. En reprenant les analyses d'AMORCE, ils soulignent les écarts qui se creusent par rapport aux objectifs fixés, mais également l'impact économique pour les collectivités de ces écarts. Les rapporteurs formulent en conséquence 100 propositions pour se donner les moyens de la réussite et atteindre les objectifs. 

 

Parmi celles-ci (détaillées dans le rapport), près du quart sont issues des propositions faites par AMORCE. Dans leur majorité, ces propositions sont positives pour l’économie circulaire et les collectivités locales. Pour autant, plusieurs d'entre-elles franchissent des lignes rouges et nous déplorons une lacune majeure : le financement des collectivités locales.

 

De nouvelles propositions en faveur de l'économie circulaire ou issues des propositions d’AMORCE

 

En matière de prévention :

  • Proposition 17 : Imposer la réalisation de plans de réduction des bouteilles plastiques par les metteurs en marché
  • Proposition 27 : Élaboration par l’État d’une Stratégie nationale du réemploi
  • Proposition 43 : Intégrer dans les cahiers des charges des filières de REP des objectifs de réduction de la production des déchets et des pénalités associées
  • Proposition 78 : Mettre en œuvre une "TVA circulaire"

 

En matière de REP :

  • Proposition 44 : Revoir la gouvernance de la CIFREP, notamment en lui redonnant un rôle de planification
  • Proposition 45 : Transformer la Cifrep en « Commission transversale des filières REP », guichet unique de l’ensemble des filières
  • Proposition 46 : Intégrer une approche régionale dans les cahiers des charges des filières de REP
  • Proposition 56 : Assurer la mise en œuvre des sanctions en appliquant systématiquement les sanctions prévues par la Loi
  • Proposition 91 : Mise en place d'une instance indépendante de contrôle et de régulation des filières REP
  • Proposition 92 : Mise en place de pénalités pour les plastiques non-recyclables dans les REP

 

Spécifiquement en matière d’Emballages :

  • Proposition 19 : Prévoir un soutien dédié des éco-organismes de la REP emballages ménagers à la promotion de la vente en vrac
  • Proposition 22 : Adapter les modes de production et la logistique des entreprises du secteur des emballages afin de permettre le déploiement massif du réemploi dans tous les territoires
  • Proposition 29 : Renforcer les objectifs de réemploi des emballages dans le prochain décret « 3R »
  • Proposition 93 : Interdiction à terme des emballages plastiques non recyclables

 

En matière de Biodéchets :

  • Proposition 81 : Augmentation du financement pour les collectivités du tri à la source des biodéchets

 

Concernant la Fausse consigne :

  • Proposition 86 : Mise en place immédiate des actions identifiées par l’Ademe pour respecter l’objectif européen d’un taux de collecte de 90 % des bouteilles en plastique et des canettes en 2029

 

Visant les Collectivités :

  • Proposition 76 : Considérer les dépenses des collectivités territoriales liées à l’économie de la fonctionnalité comme des dépenses d’investissement
  • Proposition 87 : Allègement du coût de déploiement de la tarification incitative avec un financement complémentaire de l’État

 

En matière de Boues d’épuration :

  • Proposition 95 portée uniquement par S. Delautrette : Créer un observatoire national des sols
  • Proposition 97 : Privilégier le retour au sol par rapport à l’incinération des boues d’incinérations

 

En matière de Dépôts sauvages :

  • Proposition 88 : Abaisser le seuil de 100t à 20t à partir duquel les REP doivent prendre en charge les dépôts sauvages
  • Proposition 91 : Mise en place d’une plateforme de suivi national des dépôts sauvages

 

AMORCE déplore une absence majeure dans les propositions formulées

 

Malgré les alertes d’AMORCE (repris par le rapport parlementaire) sur l’impact de la TGAP sur la hausse du coût de gestion des déchets et sur ses effets négatifs, le rapport ne fait aucune mention d’une réforme pourtant indispensable de la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes). Hormis quelques exceptions, le volet financement de la transition écologique de la loi AGEC, et des actions à la charge des collectivités, est passé sous silence.  

 

AMORCE constate enfin le franchissement de plusieurs lignes rouges dans les propositions formulées

 

En particulier, AMORCE s'oppose fermement aux propositions :

  • n°85 (V. Riotton uniquement) : Poursuite des réflexions et travaux engagés pour la consigne des bouteilles en plastique pour recyclage
  • n°100 : Une fin programmée du TMB (Tri Mécano-Biologique) en 2027
  • n°79 : Accélérer le déploiement du tri hors foyer, notamment en imposant aux collectivités d’avoir engagé une démarche de mise en place du tri hors foyer en 2024

 

AMORCE souligne l’importance des travaux d’évaluation qui ont été menés et rejoint les rapporteurs sur le manque de données fiables et publiques pour évaluer concrètement les effets de la loi AGEC, notamment financièrement et quant à l’impact sur les collectivités. 

 

Nous partageons l’avis des rapporteurs dans leur constat d’une application insuffisante de la loi AGEC et de l’écart qui est en train de se creuser par rapport aux objectifs. AMORCE se félicite qu’une majorité de propositions formulées par les rapporteurs puissent être considérées comme positives pour l’économie circulaire et les collectivités locales et/ou directement issues des propositions formulées par AMORCE. Leur mise en œuvre doit désormais se faire le plus rapidement possible.

 

Pour autant, AMORCE déplore l’absence de toute proposition concernant une réforme de la TGAP dans le rapport ainsi que l’absence de recommandation quant à la mise en débat d’une loi AGEC 2 pour traduire les propositions relevant du domaine législatif formulées par les rapporteurs. D'après les rapporteurs eux-mêmes, près d'une trentaine de propositions exigent un véhicule législatif. Pas sûr que le projet de loi de finances ou des amendements dans des projets de loi suffisent pour satisfaire ce besoin. 

 

Contacts : Stéphane DURU et Joël RUFFY