04 février 2021 - Actualités
Vous avez jusqu’au 11 février 2021 pour sauver le compostage des boues d’épuration !
Un projet de décret, en cours de consultation du public jusqu’au 11 février 2021, met en péril la filière de compostage des boues d’épuration en limitant drastiquement la possibilité d’utiliser les déchets verts comme structurant : pourtant, lors du e-congrès d’AMORCE, les représentants du ministère de la transition écologique ont laissé entendre que selon le résultat de cette consultation du public, le texte pouvait encore évoluer : alors à vous de jouer !
Pourquoi ce texte met en péril la filière compostage des boues urbaines ?
Alors que la version du texte qui nous avait été proposée lors d’une consultation informelle en novembre 2020 proposait une limitation des structurants dans leur globalité et à un taux conforme aux bonnes pratiques habituelles (c’est-à-dire une moyenne annuelle de l’autre de 1 tonne de boues pour 1 tonne de structurant, très majoritairement des déchets verts), le projet de texte mis à la consultation du public depuis mi-janvier s’avère très différent.
En effet, il introduit une limitation des déchets verts uniquement et non des structurants, avec une dégressivité qui très rapidement met en péril le principe même du compostage. Ainsi avec ce projet de décret, les plateformes du bassin Rhône Méditerranée Corse (RMC), territoire où le compostage est largement majoritaire, seraient largement impactées et ce dès cette année :
- Le taux prévu au 1er juillet 2021, à savoir 800 kg de déchets verts pour 1 tonne de boues n’est pas respecté par 37% des plateformes du bassin RMC (données 2019), remettant en cause la gestion de 18% des boues du bassin (en volume);
- Le taux prévu en 2024, à savoir 450 kg de déchets verts pour 1 tonne de boues, n’est pas respecté par 68% des plateformes du bassin RMC (données 2019) : ce sont 65% des boues produites sur le bassin qui verraient leur débouché remis en cause.
- Et enfin, le taux annoncé pour 2027, à savoir 300 kg de déchets verts pour 1 tonne de boues, impacte la quasi-totalité des plateformes (89% sur le bassin RMC - données 2019) ; avec un tel taux c’est la filière entière qui s’effondre, puisque 83% des boues (en volume) du bassin RMC qui n'auraient plus de débouché.
Pourquoi une telle contrainte sur les déchets verts ?
Pourquoi mettre à mal une filière de compostage, qui permet de produire un compost avec de bonne qualité agronomique, alors même que la filière est plébiscitée depuis le début de la crise sanitaire puisqu'elle permet également d’hygiéniser les boues d’épuration?
D’après l’exposé des motifs qui accompagne la consultation du public, ce texte permettrait d’éviter une supposée pénurie de déchets verts qui ne permettrait pas de développer des filières de compostage des bio-déchets des ménages et de compostage de déchets verts seuls, en lien avec une demande croissance d'agriculture biologique.
Évidemment, AMORCE soutient le développement de ces filières. Pourtant le compostage des boues d’épuration, filière principalement répandue dans le sud de la France et dans les DROM, consomme annuellement moins de 3 millions de tonnes de déchets verts, quand le gisement global est évalué à près de 60 millions de tonnes par an et est encore très peu capté.
AMORCE demande à ce que le gouvernement envisage de soutenir le développement de cette filière déchets verts plutôt que de se servir dans la "petite" part utilisée par nos boues urbaines.
Quelles seraient les conséquences si le texte n’évolue pas ?
En l’état de rédaction du texte et sans inclure les difficultés liées à la mise en place du socle commun (cf actualité du 26/01/2021), le texte aurait les conséquences suivantes : Les plateformes de compostage devraient trouver des structurants alternatifs comme les écorces ou les broyats de palette de classe A. Pourtant la substitution n’est pas si évidente :
- D’une part ces structurants ont déjà un débouché en plein développement, en ligne avec les objectifs nationaux de la PPE, comme les chaufferies biomasse ; il ne s’agit donc pas d’un flux orphelin et leur prix est donc en conséquence assez élevé ;
- D’autre part, les propriétés de ces structurants alternatifs ne permettent pas une montée en température aussi rapide que les déchets verts : le temps de traitement des boues en plateforme serait alors augmenté ce qui, mécaniquement réduirait le volume de boues accepté en entrée de plateforme ou nécessiterait des extensions ; D'autres travaux de couverture pour lutter contre les odeurs seraient probablement également nécessaires.
- Enfin, comme la mise en œuvre de la généralisation du tri à la source des biodéchets s’avère complexe sur le terrain et a été retardée par la crise COVID, il est à craindre que les 4,3 millions de tonnes de déchets verts collectés en déchetterie publiques connaissent une panne de débouché. On se retrouverait alors dans une situation ubuesque où les collectivités devraient en même temps, acheter des palettes pour composter leurs boues et payer très cher pour traiter les déchets verts collectés en déchetterie. Un non-sens en terme d’argent public.
Dans les faits, il est probable que ce texte détourne une large part des boues d’épuration du retour au sol (alors qu’actuellement 36% des boues sont compostées) et obligent les collectivités à envisager des solutions d’élimination, comme l’incinération, avec un impact "prix de l'eau" conséquent (et au détriment d'autres actions) et parfois des bilans environnementaux globaux nettement moins bons.
Adhérents d’AMORCE, vous pouvez encore agir en contribuant à la consultation du public avant le 11 février 2021 !
Le 3 février, lors du e-congrès d'AMORCE, Cédric Bourillet, le DGPR, a clairement laissé entendre que le décret pourrait évoluer selon les résultats de la consultation du public : collectivités compostant leurs boues, professionnels de la filière, c’est le moment de faire remonter votre réalité de terrain pour faire bouger les choses !
En parallèle, AMORCE poursuit son action, en stabilisant des contre-propositions à ce projet de décret en partenariat avec les acteurs des filières assainissement et compostage.
Contact : Muriel FLORIAT (mfloriat@amorce.asso.fr)