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09 novembre 2023 - Actualités

Projet de Loi de finances pour 2024 : des déceptions et des espoirs après l’examen à l’Assemblée

Début octobre, le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour 2024. Ce mardi 7 novembre, le gouvernement a mis un terme aux débats à l’Assemblée nationale, en première lecture, en faisant usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et engageant sa responsabilité. Lors de cet examen écourté, le gouvernement a repris certains amendements discutés et en a écarté d’autres dans nos domaines de compétences. L’examen au Sénat en première lecture a débuté en parallèle, cette fin de semaine. Ce premier round se clôture sur un bilan en demi-teinte au regard des propositions portées par AMORCE, la bataille continue !

Retrouvez les propositions d’amendements d’AMORCE via ce lien.

 

Pour rappel, nous faisions un détail des dispositions contenues dans le projet du gouvernement dans un précédent article, qui reprenait les annonces faites par les différents ministres durant l’été. Ce projet de loi est assez encourageant sur certains aspects sans pour autant répondre, selon notre analyse, à l’ensemble des enjeux qui vont se présenter en matière de transition écologique.

 

Même si l’examen à l’Assemblée était d’emblée sous le coup de l’utilisation du 49.3, le gouvernement s’était dit prêt à quelques ajouts qui viendraient par amendements. Aussi, dès le 8 novembre, le gouvernement a indiqué les amendements des députés qu’il reprendrait. 

 

Aussi, dans les domaines de compétence d’AMORCE et relativement à nos propositions, nous relevons les principaux points suivants.

 

D’un point de vue transversal à nos domaines d’expertise

 

  
 
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Les autorisations d’engagement de l’État en faveur de la transition écologique et énergétique sont accrues, pour l’heure, de 10 milliards d’euros par rapport à l’année 2023. Le gouvernement a détaillé la répartition de ces engagements supplémentaires comme présenté dans le tableau ci-contre :

Sur ce point, il convient de relever particulièrement :

 

  • L’augmentation du budget alloué à la rénovation énergétique des logements de 1,6 milliards d’euros portant ce dernier à un total de 4,5 milliards d’euros. Au regard des propositions d’AMORCE portées notamment dans le scenario PPE des territoires, cette augmentation si elle doit être soulignée positivement ne représente que la moitié des financements nécessaires selon nos estimations.

 

  • Une pérennisation et une revalorisation du « Fonds vert » à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Cette augmentation des engagements viendra en priorité pour la rénovation des bâtiments publics (écoles). Là encore, cette augmentation apparaît positive sans toutefois être à la hauteur de nos propositions qui visaient a minima un budget de 2 milliards d’euros dédié à la rénovation des bâtiments publics. Par ailleurs, les éléments annoncés par le gouvernement laissent entendre une évolution des critères d’attribution de ce Fonds pour les rapprocher des nouveaux CRTE que la Première ministre souhaite relancer. Ce dernier point peut être souligné positivement tant il reprend nos propositions, même s’il reste nécessaire d’en suivre la concrétisation.

 

La prolongation de la taxation de la rente inframarginale des producteurs d’électricité ajoutée par amendement en commission et conservée par le gouvernement. Cette taxation devrait être prolongée en 2024 avec les aménagements suivants : 

  • la taxation ne sera plus que de 50% des revenus au-dessus du plafond (contre 90% en 2023) ;
  • les plafonds sont relevés de l’inflation (5%) ce qui aboutit notamment à un plafond à 152 euros / MWh pour les UVE et 183 euros / MWh pour la production d’électricité à partir de biogaz.
  • Par ailleurs, les exemptions que nous avions négociées pour les recettes perçues par les collectivités en charge de la gestion des déchets sont maintenues.

 

Il est mis fin progressivement aux boucliers tarifaires pour tous les types de clients finals d’électricité et de gaz. Par rapport à notre proposition d’instauration d’un amortisseur socio-environnemental sur le prix des énergies, cette proposition du gouvernement n’est pas pleinement satisfaisante.

 

Une obligation dès 2024 pour les collectivités territoriales de plus de 3500 habitants d’établir annuellement un « budget vert » pour les dépenses d’investissement a été ajoutée en commission et retenue par le gouvernement.

 

Elles pourront également dans un document annexé à leur budget faire état de leur « dette verte ». Cette proposition vise à ce que les collectivités puissent faire une distinction entre leur « dette verte » allouée à des projets en faveur de la transition écologique et le reste de leur dette. Pour l’heure, il n’est pas prévu d’avantage particulier pour cette « dette verte ». Au regard de nos propositions sur le sujet, il apparaît que cette comptabilisation annexe est un premier pas mais ne correspond pas aux attentes des collectivités qui souhaitent pouvoir bénéficier de contraintes allégées sur cette dette voire de taux bonifiés.

 

Il a également été introduit en commission et conservé par le gouvernement une nouvelle taxation dite « incitative à la réduction de l’intensité d’émission de GES dans les transports » à partir de 2025. Cette taxe serait prélevée sur « les personnes qui mettent à la consommation, en France, les produits relevant des catégories fiscales des gazoles et des essences » en fonction des émissions résultant de l’utilisation de ces produits. Son montant de base à 100 euros par tonne de dioxyde de carbone non évitée serait coefficienté en fonction de la différence entre le pourcentage national cible de réduction de l’intensité d’émission de GES dans les transports (5% en 2025 et progressif jusqu’ 14,5% en 2030) et la réduction effective de cette intensité.

 

Enfin, nous notons que nos autres propositions transversales n’ont pas été reprises durant les débats à l’Assemblée, aussi nous continuons de les porter au Sénat.

 

Dans le domaine des déchets

 

Le projet gouvernemental ainsi que le texte issu de ces premiers débats ne reprennent pas nos propositions d’évolution de la TGAP malgré le dépôt de certains de nos amendements en séance plénière. C’est un des gros points noirs de ce texte qui globalement contient très peu d’avancée en matière d’économie circulaire. Malgré nos alertes répétées cette année sur les défaillances de cette taxation, aucune réforme d’ampleur n’est engagée pour l’heure.

 

Concernant le financement du tri à la source des biodéchets, l’étude des documents budgétaires présentés montre que le financement dédié en 2024 serait de 100 millions d’euros concentrés dans le Fonds vert. Ce montant ne correspond pas à nos propositions qui visaient au moins un montant deux fois supérieur.

 

Dans le domaine de l’énergie

 

Outre les éléments présentés ci-avant, le texte en l’état contient plusieurs points notables.

 

Une augmentation du Fonds chaleur à hauteur de 820 millions d’euros. Cette augmentation ainsi que celle pour la fin 2023 de 50 millions d’euros est à souligner positivement suite à la mobilisation d’AMORCE. Toutefois, nous portions une proposition d’un Fonds à 1 milliard d’euros en 2024 qui bien qu’adoptée en commission des finances n’a pas été retenue par le gouvernement dans le texte du 49.3.

 

Plusieurs amendements portés par AMORCE et le Club de la chaleur ont été adoptés en commission mais finalement rejetés par le Gouvernement :

  • Taux de TVA réduit pour les réseaux de froid justifiant d’un taux d’énergie renouvelable et de récupération supérieur à 50 % ;
  • Possibilité pour les collectivités territoriales qui le souhaitent d’exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation foncière des entreprises (CFE) les petits réseaux de chaleur alimentés à plus de 50 % par des énergies renouvelables ou de récupération ;
  • Fonds de garantie de l’ADEME en cas de défaillance du fournisseur de chaleur fatale ou à l’inverse du client industriel d’un réseau de chaleur.

 

La transformation des exonérations facultatives de taxe foncière en cas de rénovation énergétique préexistantes en exonérations de droit proposée par le gouvernement, tout en laissant la faculté aux collectivités concernées de les limiter ou de les supprimer. Au vu de nos propositions initiales, cet ajout se rapproche de celle visant à introduire une modulation possible de la taxe foncière en fonction de la performance énergétique des bâtiments. Toutefois, il ne reprend pas exactement les termes que nous proposions. Cet ajout pose, selon nous, une nouvelle fois la question de l’introduction d’une nouvelle part de fiscalité locale davantage liée à la transition énergétique et écologique.

 

Un article du projet de loi initial entame la suppression d’avantages fiscaux au profit des énergies fossiles. Au vu de nos propositions, cet article doit être souligné positivement même s’il ne reprend pas l’ensemble de la liste des avantages que nous souhaitions supprimer. Aussi, il est proposé de poursuivre notre action sur ce point.

 

L’introduction en commission mais non-repris par le gouvernement, dans le texte du 49.3, d’une « mission de préfiguration d’une banque de la rénovation énergétique ». Cette proposition reprend les conclusions du rapport parlementaire relatif à la rénovation énergétique des bâtiments qui souhaitait la création d’un établissement spécialisé s’inscrivant dans le développement de l’offre de crédit destinée à la rénovation. Les établissements de crédit bancaire, les sociétés de tiers-financement et les collectivités publiques contribueraient à cette banque. Au vu de nos propositions inscrites dans le scenario PPE des territoires, nous soutenons l’idée d’une mission de préfiguration ou d’un rapport sur ce point qui se rapproche de nos demandes de mobilisation plus large du secteur bancaire et des établissements de crédit dans la rénovation énergétique.

 

Dans le domaine de l’eau

 

La réforme des redevances des Agences de l’eau (sur ce sujet voir notre article « PLF 2024 : que retenir du projet de loi ? ») n’a pas fait l’objet de modification durant les débats à l’Assemblée nationale malgré les amendements déposés. C’est l’autre gros point négatif de ce texte sorti de l’Assemblée nationale, la réforme entamée par le gouvernement, sous l’impulsion d’AMORCE, n’atteint pas, pour l’heure, ses objectifs. Les évolutions proposées laissent subsister tant les disparités entre usagers domestiques et autres que l’absence d’un réel signal prix sur les prélèvements d’eau et sur l’émission de polluants. AMORCE attend des débats au Sénat qu’ils permettent une évolution importante.

 

Toujours dans le domaine de l’eau, il faut noter un amendement ajouté en commission et retenu par le gouvernement. Celui prévoit 10 millions d’euros supplémentaire pour le programme « prévention des risques » au bénéfice de la politique sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), dites « polluants éternels ». Cette enveloppe supplémentaire doit financer le plan PFAS présenté par le gouvernement en janvier 2023. 

Davantage de financements doivent être fléchés vers les recettes des Agences de l’eau pour répondre à ces enjeux. En ce sens, AMORCE défend l’augmentation des recettes issues de la redevance pollution industrielle – absente de la réforme proposée par le gouvernement -(+260M€) et la création d’une redevance micropolluants faisant contribuer les metteurs sur le marché aux recettes des Agences de l’eau (+500 M€) pour couvrir, en particulier, les investissements nécessaires pour le traitement eau potable et avoir un signal incitatif sur les émissions de PFAS. Cette enveloppe supplémentaire de 10 millions d’euros n’apparaît donc pas à la hauteur des enjeux soulevés. 

 

Au vu de ces éléments, AMORCE va concentrer son action au Sénat particulièrement sur les points suivants :

  • La réforme de la TGAP ;
  • La réforme des redevances de l’eau ;
  • L’augmentation du Fonds chaleur.

 

Vous êtes, dans les territoires, nos relais auprès de vos sénateurs et députés, n’hésitez pas, en ce sens, à diffuser les propositions portées par l’Association.

 

Contact : Joël RUFFY