12 avril 2023 - Actualités
Plan Eau - Décryptage et mise en oeuvre des mesures
Le Plan Eau dévoilé par le Président de la République le 30 mars dernier montre de réelles ambitions de partager l'effort entre tous les usages. Si les grandes lignes de ce Plan sont cohérentes et ambitieuses, il reste désormais à les mettre en œuvre rapidement sur le terrain et préciser les moyens financiers alloués. AMORCE vous décrypte quelques mesures phares.
Le Plan eau, fruit de la consultation de l'ensemble des acteurs de l'eau durant plusieurs mois, se structure autour de 53 mesures. Si plusieurs d'entre elles étaient déjà issues des Assises de l'eau, de nouvelles ambitions démontrent un priorité stratégique pour toute la nation portée au plus haut niveau de l'Etat.
AMORCE, qui était partie prenante de tous les groupes de travail au sein du Comité National de l'Eau, se félicite que plusieurs de ces propositions soient struturantes dans ce Plan, notamment la déclinaison des objectifs, par territoire et par acteurs.
Organiser la SOBRIÉTÉ des usages de l’eau pour tous les acteurs
- 2030 : -10% d’eau prélevée pour tous les acteurs
Cet objectif concerne bien les prélèvements d'eau souterraines et de surfaces, et l’ensemble des usages. Il deviendra un objectif partagé et structurant s'il est transcrit législativement.
Ce niveau d'objectif est un minimum lorsque les prospectives d'évolution des masses d'eau renouvelées annuellement peuvent diminuer de 30 à 40% d'ici 2050. Enfin, l'objectif initial des assises de l'eau était de -10% d'ici 15 ans, soient 2024, et -25% d'ici 2034. Il est important de ne pas prendre du retard sur ce nouvel objectif moins ambitieux que les précédents.
En 2023, ce objectif de réduction de prélèvement doit être transcrit par bassin versant dans les SDAGE, puis d'ici 2027 dans les SAGE et PTGE existants. AMORCE regrette que les SAGE n'aient pas été généralisés pour garantir la déclinaison de ces objectifs sur l'ensemble des sous bassins-versants.
- 2023 : 1 plan de sobriété par filière
Chaque acteur doit présenter un plan de sobriété avant l'été 2023. Si la méthode de présélection des 50 industries les plus consommatrices en eau est détaillé, la démarche n'est pas précisée pour les autres acteurs que sont l'eau potable, l'agriculture, les canaux... En ce sens AMORCE propose un plan sobriété basé sur 10 actions à court et moyen terme pour l'engagement des collectivités territoriales dans cet objectif de sobriété.
- 2027 : Généralisation compteurs avec télétransmission pour prélèvements autorisés
Cette mesure était appelée par AMORCE notamment pour permettre un suivi efficace des prélèvements autorisés ou déclarés (>7000m3/an dans les zones sous tension hydrique - ZRE, 10 000 m3 sinon). Enfin, le moyen de coercition reste la limitation de ces autorisations de prélèvements s'ils ne sont plus « soutenables » lors de leurs renouvellement d'ici 2027.
Optimiser la DISPONIBILITÉ de la ressource
- 2024 : 180M€ aide investissement pour 170 « points noirs » avec rendement <50% et pour sécuriser les ressources AEP
Cette mesure qui complète les mesures des agences de l'eau dans le cadre du décret fuite, ne répond que partiellement à l'enjeu de renouvellement des réseaux, dont le financement est évalué entre 0,5 et 2,5Md€.
- 2027 : 1000 projets de réutilisation ENC
AMORCE se félicite qu'un objectif national n'ait pas été généralisé sur l'ensemble des territoires, mais un objectif de moyens. Pour ce faire le gouvernement indique la levée des freins réglementaires (agro-alimentaires, industrie et domestique). Des décrets sont en cours de rédaction et seront accompagnés de circulaire pour le traitement des dossiers dans toutes les préfectures.
Les freins économiques subsistent et AMORCE propose une compensation de rémunération sur ces 1000 projets afin de sécuriser un équilibre économique non éprouvé à ce jour.
Préserver la QUALITÉ de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels
Sur le volet pollution le Plan Eau se contente de quelques mesures sur les enjeux de pollution diffuses d'origine agricoles sans aborder les pollutions émergentes telles que les micropolluants.
- 2023 : Adaptation des usages sur AAC lors des renouvellements d’exploitation
Cette mesure aura un impact très progressif et non coercitif. Si aucune mesure d'interdiction de produits phytosanitaires sur les AAC n'est proposée dans ce cadre, c'est dans la construction du plan Ecophyto 2030 que les enjeux structurant la préservation des AAC seront détaillés.
Un soutien financier aux pratiques à bas niveau d'intrants est de nouveau proposé mais sans objectifs de résultats. Enfin, en cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les EDCH par un pesticide toujours utilisé, le préfet sera dans l’obligation de proposer des mesures spécifiques en compléments de l'action de suivi par l'ARS. Ces leviers ne semblent pas à la hauteur des enjeux.
- 2023 : +50M€ pour mise aux normes des STEU non conformes
Ce montant est dérisoire face au nombre de systèmes non conformes à ce jour.
Améliorer la GOUVERNANCE de la gestion de l’eau
Le Plan propose de renforcer l'échelon des sous-bassins versant pour porter la nouvelle politique de l'eau. AMORCE propose de généraliser les SAGE. Le gouvernement choisit de généraliser les Comité Locaux de l'Eau pour porter un projet politique de territoire. La gouvernance de l'eau par sous-BV doit permettre de bien transcrire ces objectifs sur chaque territoires et surtout les répartir par acteurs.
Le gouvernement s'engage à une simplification des CLE et conforter la portée du règlement SAGE. Ces premières évolutions doivent voir le jour très prochainement par décret.
Assurer une TARIFICATION et un niveau de FINANCEMENT de la gestion de la ressource en eau adéquats
- 2024 Hausse du plafond de recette des AE - 2025 Suppression du plafond de dépenses des AE
L'ensemble des mesures proposées dans le Plan reposent sur une hausse de 475M€ des recettes des agences de l'eau. Le gouvernement conserve la plafond mordant des recettes qu'il augmente très favorablement.
Cependant il ne précise pas quels seront les évolutions des redevances entre différents usages pour permettre ces recettes dès 2024.
AMORCE sera attentif au nouveaux taux fixés dans le cadre de la loi de planification des finances 2024 pour assurer un équilibre de perception auprès des différents usages. A ce jour les redevances prélèvements sont 10 à 20 fois plus faibles sur les secteurs de production de l'énergie ou agriculture que pour les usages de production d'eau potable.
Enfin AMORCE appelle à renforcer les redevances responsabilisant les metteurs sur le marché de produits phytosanitaires et l'élargir aux produits générant des micropolluants.
- Politique tarifaire progressive
Si la tarification progressive ne peut être généralisée, en 2023 le CESE sera missionné pour établir les évolutions nécessaires pour la tarification progressive de l’eau.
Ce sujet mérite d'être approfondi pour massifier une tarification permettant de taxer les surconsommations d'eau. AMORCE engage plusieurs travaux à ce sujets pour ses adhérents et s'implique au niveau national.
- 2023 : Nouvelle offre « aquaprêts » de la BDT
Les nouveaux taux et durées d'amortissement des aquaprêts deviennent cohérents avec la durée de vie des installation d'eau potable et d'assainissement.
Passer de la planification à l'action
Si l'ambition de certaines mesures permettent d’engager une prise en compte au niveau national, de nombreuses mesures de financement et sur la gestion des pollutions ne demeurent pas à la hauteur des enjeux.
Si plusieurs de ces mesures vont donner lieu à des décrets ou circulaires, il apparait désormais essentiel de soumettre au débat parlementaire une grande loi de transition écologique de la gestion de l'eau, établissant les objectifs proposés par le Plan Eau, ainsi que les conditions et moyens nécessaires pour protéger nos masses d'eau.
AMORCE organise le 10 mai prochain un évènement national dédié à cette nouvelle politique de l'eau en s'appuyant sur les nombreuses initiatives déjà engagées par les collectivités territoriales.