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20 mai 2024 - Actualités

La rentabilité, cet indicateur incomplet pour accélérer la rénovation énergétique

Au niveau national, le secteur du bâtiment représente 43% de la consommation d’énergie annuelle et génère 27% des émissions de gaz à effet de serre. C’est d’après ce constat que le Gouvernement s’est fixé comme but d’arriver à 900 000 rénovations énergétiques par an en 2030. Pour atteindre cet objectif, la rentabilité des projets de rénovation énergétique doit être assurée, cependant cet indicateur n’est pas un synonyme de passage à l’action.

L’Institute for Climate Economics (I4CE) a publié un article sur la rentabilité de la rénovation énergétique. Décryptage.

 

La rentabilité est l’indicateur privilégié pour décider ou non de réaliser un projet de rénovation énergétique. Elle est souvent calculée dans le secteur du bâtiment via le temps de retour sur investissement (TRI), en d’autres termes, le temps requis pour récupérer l’argent investi dans un projet. Pourtant, les coûts et bénéfices pris en compte dans le calcul de la rentabilité peuvent être très différents entre un projet et un autre ce qui peut conduire à la non réalisation du projet.

 

Un périmètre de coûts très variés

 

Les coûts associés à un projet de rénovation sont une partie essentielle du calcul de la rentabilité économique. La décision d’intégrer un type de coût ou un autre peut avoir un fort impact sur celle-ci. 
On distingue différents types de coût :

  • Le coût de la solution, soit, le coût unique de remplacement d’une chaudière plus performante ou de quelques centimètres d’isolant par exemple ;
  • Les coûts du périmètre énergie, soit, les coûts des travaux affectant la performance énergétique, par exemple les coûts complets de remplacement d’une chaudière (entretien, système de ventilation, chauffage, eau chaude) ;
  • Les coûts connexes, soit, les coûts liés à la rénovation énergétique comme la mise aux normes électriques ou les finitions ;
  • Les coûts indirects, mesurent les différents obstacles extra-financiers tels que le temps investi, les nuisances du chantier, l’aversion à l’endettement, etc.

 

Des bénéfices multiples à différentes échelles 

 

Les bénéfices que peuvent entrainer une rénovation énergétique sont divers et peuvent être individuels (ménage) ou collectifs (collectivité, pays). Les bénéfices choisis dans le calcul de la rentabilité influencent fortement son résultat, cependant certains d'entre eux sont difficilement mesurables. 

 

Parmi les bénéfices de la rénovation énergétique, on peut noter à l'échelle du ménage :

  • La réduction de la facture énergétique due aux économies d’énergie ;
  • La valeur verte, donc, l’augmentation de la valeur du bien dans le marché immobilier liée à l’amélioration de la performance énergétique ;
  • Des bénéfices extra-financiers, comme l’amélioration du confort, du bien-être, de l’esthétique du bâtiment, etc.

 

À l’échelle de la collectivité :

  • Des bénéfices macro-économiques, comme l’augmentation de l’emploi lié directement ou indirectement à la rénovation énergétique, l’augmentation des recettes fiscales ;
  • Des bénéfices élargis hors économiques tels que la réduction des gaz à effet de serre, la réduction de la consommation d’énergie, le bénéfice social (lutte contre la précarité énergétique, réduction des risques de mortalité).

 

Rénovation globale ou mono-geste ?

 

Dans le monde de la rénovation énergétique s’opposent depuis plusieurs années deux visions. La première, purement économique, s’appuie sur le coût d’abattement du carbone, c’est-à-dire l’investissement à réaliser pour éviter l'émission d’une quantité de gaz à effet de serre, exprimé en euros par tonne équivalent de dioxyde de carbone. C’est une approche que défend notamment le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire. 

 

Dans ce cas, le changement de mode de chauffage, sans complément d’autres gestes d’efficacité énergétique, est le geste le plus efficace, notamment lors du remplacement de chaudières fioul par des pompes à chaleur. Pour autant, le calcul de rentabilité d’installation des pompes à chaleur ne prend pas en compte certaines limites, comme l’augmentation nécessaire des moyens de production et l’adaptation des réseaux de transport et de distribution d’électricité pour faire face à l’augmentation de la demande électrique, ou encore la nécessité de faire une bonne isolation thermique pour l’installation des chauffages basse température ou leur inefficacité en cas de très faibles température extérieures (inférieures à 5°C).

 

C'est notamment en se basant sur ces éléments, que RTE et l’ADEME montrent, à travers leurs rapports, que les actions d’électrification doivent être accompagnées d’actions d’efficacité énergétique pour atteindre les objectifs climatiques nationaux.

 

La rentabilité n’est pas suffisante pour passer à l’acte pour les ménages 

 

Comme mentionné précédemment, la rentabilité est souvent calculée par le TRI. Or, cet indicateur est incomplet puisqu’il favorise les travaux à durée de vie faible ou investissement faible. Un meilleur indicateur pour calculer la rentabilité d’un projet est la Valeur Actuelle Nette (VAN). Cet indicateur mesure la somme des flux de trésorerie engendrés par un investissement sur sa durée de vie, le tout actualisé pour réduire sa valeur avec l’éloignement dans le temps. 

 

Même si un projet de rénovation énergétique peut être caractérisé comme rentable (VAN positive par exemple), cela ne signifie pas pour autant que les ménages vont faire aboutir leur projet. En effet, d’autres critères exercent une influence importante dans la décision de rénover. 

 

De cette façon, si le reste à charge (ce qui reste à payer après les aides de l’État et des collectivités) est trop élevé, il peut décourager les ménages d’engager des travaux de rénovation. D’autre part, le taux d’endettement, c’est-à-dire le poids de la dette par rapport aux revenus, joue un rôle important dans la décision de rénover. Enfin, l’aversion aux risques de fraudes liées à la rénovation est un indicateur, certes difficile à quantifier, qui est pourtant bien à prendre en compte.

 

Certaines structures cherchent à proposer des solutions pour lutter contre ces phénomènes. Ainsi, la région Grand Est, à travers sa société de tiers-financement « Oktave », préfinance les aides à la rénovation pour réduire le budget mensuel et le montant du financement à mettre en place. Par ailleurs, certaines collectivités ont mis en place des listes des professionnels de la rénovation, dans le but de défendre une garantie de qualité de travaux. 

 

Ce dernier point est toutefois rendu plus complexe avec l’arrivée de “MonAccompagnateurRénov’” depuis le début de l’année. En effet, le rôle des collectivités dans l’instruction des demandes d’agrément, déjà assez limité, a encore été réduit avec les dernières évolutions de MaPrimeRénov’, entrées en vigueur le 15 mai.

 

Dans ce contexte, AMORCE propose dans son scénario PPE des territoires

  • Une très forte hausse du financement public pour la rénovation énergétique, afin notamment d’atteindre un reste à charge proche de zéro pour les ménages les plus modestes ;
  • Un fort développement du recours aux Contrats de Performances Énergétique (CPE) pour assurer la performance des travaux.

 

Contacts : Dhan DELGADO, Maxime SCHEFFLER