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14 mars 2023 - Actualités

Vers une filière REP des textiles sanitaires au rabais ? C'est du propre !

Les premiers résultats de l'étude de préfiguration de la future filière REP des textiles sanitaires à usage unique, démarrée en décembre 2022, viennent d'être présentés. D'après les premières estimations, le service public de gestion des déchets (SPGD) collecterait près de 90% de l'ensemble des déchets de textiles sanitaires à usage unique. A ce stade des réflexions, la filière ne prévoit pas de soutenir les textiles sanitaires collectés en mélange ni dans les déchets résiduels ni dans les réseaux d'assainissement. Impensable pour AMORCE !

L'article 62 de la Loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) a acté en 2020 la mise en place d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) appliquée aux textiles sanitaires à usage unique, avec sa mise en place au plus tard le 1er janvier 2024. Cette filière REP couvre bien les produits destinés à être utilisés par les particuliers et les professionnels, comme l'a rappelé la DGPR, même si cela n'est pas clairement précisé dans la loi.

 

AMORCE, qui a été à l'origine de la mesure qui concerne l'un des plus gros gisements de déchets des français lors des discussions de la loi AGEC,  a intégré le comité de suivi des travaux de l'étude de préfiguration, et a été auditionnée par le bureau d'études missionné par l'ADEME pour mesurer tous les enjeux de la filière (cf. précédent article Newsletter). Les premiers résultats de l'étude de préfiguration ont été présentés le 14 mars aux parties prenantes pour recueillir leur avis.

 

Le champ d'application de cette REP couvre les produits de textiles sanitaires à usage unique utilisés pour différents usages (hygiène, protection, nettoyage, etc.) et par différents utilisateurs (ménages, industries agroalimentaires, crèches, établissements de soins, médico-sociaux, etc.). Les produits réutilisables (couches lavables, lingettes réutilisables, etc.) ne sont donc pas dans le champ, idem pour les produits non composés de fibres (équipements jetables en plastiques par exemple). Un doute subsiste pour les textiles sanitaires complexes avec fibres et plastiques en multi-couches qui doit encore être arbitré.

 

Les quantités mises sur le marché ont été évaluées à plus de 1 080 000 tonnes dont :

  • 790 000 tonnes (73%) de produits d'hygiène papier qui recouvrent le papier toilette, les sets et serviettes de table, l'essuie-main, les draps d'examen...
  • 190 000 tonnes de produits d'hygiène absorbants à usage unique (couches, protections féminines, produits d'incontinence, etc.)
  • 80 000 tonnes de lingettes préimbibées (lingettes bébé, d'hygiène corporelle, d'entretien des surfaces, etc.)
  • 12 000 tonnes d'équipements de protection individuelle, linges et vêtements jetables (dont masques, sur-chaussures, charlottes, etc.)
  • 5 000 tonnes de cotons-tiges et cotons jetables
  • moins de 1 000 tonnes d'autres lingettes (protection du linge, lingette dépoussiérante, etc.).

Le gisement des dispositifs de soin est en cours de consolidation. 

 

Ces quantités mises sur le marché sont évaluées en matières sèches. Par contre, les quantités de déchets générés par ces produits sont elles estimées en matière brute, c'est-à-dire après leur utilisation et une fois collectées dans les bacs d'ordures ménagères. Ces déchets, composés de matières très absorbantes, captent l'humidité qui augmentent leur poids. Au final, les déchets issus des textiles sanitaires à usage unique représente un gisement de 2 451 000 tonnes, soit un poids doublé par rapport à celui des produits mis sur le marché, qui se répartissent de la façon suivante : 

  • 2 200 000 tonnes collectées en mélange avec les OMR par le SPGD,
  • 130 000 tonnes collectées en mélange avec les déchets résiduels par des prestataires privés,
  • 60 000 tonnes collectés en mélange avec les DASRI,
  • environ 6 000 tonnes en collecte conjointe avec les biodéchets,
  • 500 tonnes en collectes séparées,
  • environ 5 000 tonnes en gestion par le service public d'assainissement collectif via les produits jetés dans les toilettes,
  • 50 000 tonnes en autres destinations (déchets abandonné, etc.).

 

La REP ne couvrirait que la prise en charge des déchets solides. La question du papier toilette subsiste puisque qu'il se décompose dans le réseau d'assainissement et "disparait" alors qu'il génère un flux de matières en suspensions en entrée de station de traitement des eaux usées.

 

Le SPGD gère donc 90% des déchets issus des textiles sanitaires à usage unique. La dernière campagne de caractérisation des déchets ménagers et assimilés menée par l'ADEME démontre en effet qu'ils représentent près de 14% des ordures ménagères résiduelles (OMR), soit plus de 35 kg/hab/an (contre 11,9 kg en 1993). Il s'agit de la 3ème catégorie de déchets la plus importante dans les OMR, après les déchets putrescibles et les plastiques. Ces données sous-estiment vraisemblablement le gisement actuel ; elles ne tiennent pas compte en effet de la crise sanitaire qui a eu pour effet d'augmenter les quantités collectées (chiffres en attente de consolidation).

 

Dans ses interventions, le Ministère a rappelé que la vocation des REP était en premier lieu de soutenir la mise en place de dispositifs de collecte séparée mais pas de soutenir financièrement la part des déchets collectés en mélange dans les déchets résiduels. Pour AMORCE il s'agit d'un premier point de divergence car cette position exonèrerait de facto les metteurs sur le marché de leur obligation sur 90% du gisement sous REP.  Par ailleurs, d'autres filières comme les emballages soutiennent, même partiellement, la gestion des déchets sous REP dans les déchets résiduels. 

 

Si la hiérarchie des modes de traitement a bien été prise en compte, notamment au niveau des enjeux de prévention et d'éco-conception (réduction du poids ou volume à la source, augmenter la recyclabilité...), le développement de la valorisation matière par la mise en place de collectes séparées est jugé pertinent mais sur certains lieux de production. Ce principe de collecte séparée doit concerner les plus gros producteurs (établissements de santé, crèches, etc.) pour massifier la collecte sur les gisements importants. Il s'agit là du 2ème enjeu identifié par AMORCE : détourner du SPGD un maximum de déchets de textiles sanitaires issus d'activités économiques et assimilés aux OMR. Un objectif de déploiement rapide de ces collectes séparées devra donc être identifié, et quelle que soit la finalité du traitement (valorisation matière ou non). 

 

Par ailleurs, la filière REP couvrira bien, en plus des collectes séparées, les coûts de nettoiement des déchets abandonnés de textiles sanitaires comme le précise le décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 chapitre 2 paragraphe 5 qui introduit au code de l'environnement l'article R. 541-116 : "Pour les produits mentionnés aux 1° (emballages), 19° (produits du tabac), 20° (gommes à mâcher) et 21° (textiles sanitaires à usage unique) de l'article L. 541-10-1, les éco-organismes contribuent financièrement aux coûts de la gestion des déchets issus des produits relevant de leur agrément qui sont supportés par les personnes publiques dans le cadre des opérations de nettoiement...". Or les opérations de nettoiement sont définies au décret comme ” : les opérations de ramassage de déchets issus des produits mentionnés à l'article R. 541-116 abandonnés ou déposés dans les espaces publics, y compris naturels, en méconnaissance des prescriptions relatives à la gestion des déchets".

 

C'est sur cette définition que le Ministère s'appuie pour écarter de la prise en charge des coûts de nettoiement, des dispositifs techniques tels que dégrillages et  filets de rétention de macro-déchets sur les réseaux d'assainissement. On peut supposer par contre que les grilles sur les avaloirs d'eaux pluviales sur la voie publique pourraient en faire partie mais pas sûr... Pour AMORCE comme pour d'autres organismes - dont le CEREMA - associés aux discussions préliminaires, la prise en charge des dispositifs techniques de prévention des déchets de textiles sanitaires dans les milieux aquatiques est indispensable. Il s'agit d'un moyen efficace pour éviter leur fractionnement dans les milieux naturels et la production d'une pollution de micro-plastiques très impactante pour l'environnement. AMORCE a rappelé cette mesure de bon sens qui devrait être intégrée dans le périmètre de la REP ! 

 

De la même façon, il est difficile de ne pas intégrer les coûts de collecte des déchets sanitaires récupérés en entrée de STEU sous forme des refus de dégrillage. C'est le 3ème point d'achoppement. Si la REP a bien prévu de prendre en charge des campagnes de communication sur le bon geste de collecte à la source des textiles sanitaires (pas dans les toilettes !), c'est un service minimum. Les campagnes récurrentes des collectivités sur le sujet n'ont pas été évaluées. Malgré les efforts portés localement, il reste toujours une part importante de déchets de textiles sanitaires dans les réseaux ! 

 

AMORCE rappelle les enjeux de cette filière qui doit avoir des objectifs contraignants pour réduire les déchets produits, et à défaut les rendre moins impactant sur l'environnement et davantage valorisables, tout en garantissant une prise en charge les couts supportés par les collectivités. Cette REP doit être construite avec une vision globale, en intégrant tous les canaux de collecte. 

 

Enfin, au niveau du calendrier de mise en œuvre de la REP, le Ministère a annoncé un première version du décret et du cahier des charges des éco-organismes de la filière au 2ème trimestre 2023 pour tenir les délais très serrés d'un démarrage opérationnel au 1er janvier 2024.

 

Contacts : Christelle RIVIERE et Stéphane DURU au pôle déchets, Baptiste JULIEN au pôle eau