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19 juillet 2021 - Question adhérent

Un élu peut-il participer à une délibération attribuant une subvention à une association dont il est membre ?

Les limites concernant la participation d’un élu à une délibération portant attribution d’une subvention à une association et la détermination d’un conflit d’intérêts d’un élu à une délibération sont parfois floues. La jurisprudence est pourtant sévère quant à l’appréciation des critères de conflit d’intérêts, et les sanctions concernent aussi bien l’acte vicié que la responsabilité pénale de l’élu intéressé.

Pour rappel, l’article L2131-11 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. » La participation d’un élu membre d’une association peut donc entraîner l’annulation de la délibération illégale. La participation à une délibération comprend évidemment le vote mais également le simple fait de participer aux travaux préparatoires ou encore aux délibérations précédant le vote.

 

Par principe, le Conseil d’État estime qu’il peut y avoir conflit d’intérêts dès lors que l’élu a un intérêt personnel distinct des intérêts de la collectivité, mais aussi si l’intérêt personnel converge avec celui de la collectivité ou si l’intérêt personnel peut être considéré comme un intérêt général. C’est le cas lorsque des associations sont créées à l’initiative de la collectivité (ou que la collectivité soutient), par exemple lorsque des tiers-lieux sont formés sous forme d’association, ou encore des associations de citoyens pour des projets d’énergies renouvelables ou de rénovation énergétique. Il peut également s’agir d’associations destinées au nettoyage des rives et des cours d’eau, ou d’entretien de certaines zones de la collectivité. Ces exemples permettent de soulever un point de vigilance important : un élu membre à titre personnel d’une telle association peut se retrouver en situation de conflit d’intérêts, lorsque la collectivité a des liens avec cette association.

 

Dans sa jurisprudence, le Conseil d’État a ainsi estimé que la simple qualité de membre ou d’adhérent à une association pouvait suffire à qualifier l’élu d’intéressé s’il participe à une délibération allouant une subvention de la collectivité à cette association. Il importe peu du rôle de l’élu au sein du conseil (absence de délégation par exemple) ou de son implication dans l’association concernée. Le Conseil d’État précise toutefois que la participation de l’élu intéressé doit être de nature à exercer une influence décisive sur le résultat du vote pour vicier la délibération. Il convient par exemple de ne pas participer aux débats ou aux travaux en amont de la délibération. Les élus intéressés ne doivent donc pas participer au vote et ne doivent pas être pris en compte dans le calcul du quorum. 

 

Dans certains cas, notamment si le bénéfice du vote pour l’élu et l’association est important, la qualification pénale de délit de prise illégale d’intérêt pourra être retenue à l’encontre de l’élu intéressé, engendrant des sanctions prévues à l’article 432-12 du Code pénal, pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 000€ d’amende. La prise illégale d’intérêt ne se manifeste pas forcément par un gain pour l’élu intéressé ou si la collectivité a été lésée. L’intention frauduleuse est constituée à partir du moment où l’élu a agi sciemment. L’intérêt personnel est défini de manière très large, il peut s’agir d’un intérêt moral, financier, direct ou indirect. A noter que les sanctions prévues par l’article 432-12 du Code pénal peuvent être accompagnées par des peines complémentaires comme l’inéligibilité (article 432-17 du Code pénal).

 

Que ça soit du point de vue de l’annulation de la délibération ou du délit pénal, la jurisprudence en matière de conflit d’intérêts est sévère quant à l’appréciation des critères, et la possibilité d’une sanction telle que l’annulation d’une délibération ou les sanctions pénales reste une menace importante pour la collectivité qu’il convient d’anticiper autant que possible. 

 

 

Contact : Robin FRAIX-BURNET