31 août 2023 - Actualités
Quotas carbone gratuits pour les industriels livrant de la chaleur à des réseaux de chaleur urbains : quelles conditions d’attribution ?
Plusieurs collectivités ont souhaité avoir un complément d’information sur le développement de leurs réseaux de chaleur à partir de la chaleur issue du tissu industriel de leur territoire. L’attribution de quotas carbone gratuits peut être un argument de taille pour inciter les industriels à mettre à disposition des réseaux une chaleur issue du process, et ces collectivités se demandent dans quelles mesures les industriels peuvent bénéficier de ces quotas.
Un gisement de chaleur fatale sous exploité
Les sites industriels possèdent des gisements de chaleur perdue très importants, 100 TWh/an, dont 53 TWh/an à plus de 100°C. A ce jour, seule une petite partie de cette chaleur est valorisée, notamment dans les réseaux de chaleur. La chaleur fatale industrielle représente environ 1,3 % des sources de chaleur des réseaux de chaleur et de froid, soit environ 0,5 TWh en 2021. La consommation globale de chaleur en France étant de l’ordre de 700 TWh/an (2019), les gisements de chaleur fatale encore disponibles pourraient permettre de réduire de 10 à 15 % les consommations de chaleur fossiles en France.
Le marché européen du Carbone
Introduit en 1997 avec le Protocole de Kyoto, le système d’échange de quotas d’émission (« SEQE », et en anglais ETS Emissions Trading Scheme) a été décliné au sein de l’Union européenne par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003[2]. En vertu du ce dispositif, les États membres de l’Union européenne plafonnent les émissions de CO2 de 11 500 entreprises les plus émettrices. Ces quotas d’émission doivent être compris comme le droit transférable d’émettre une tonne d’équivalent CO2 au cours d’une période spécifiée, en général une année. Les entreprises ayant émis pendant la période fixée une quantité d’émissions inférieure à celle prévue par les quotas peuvent vendre leurs excédents aux entreprises rencontrant des difficultés pour respecter les valeurs limites assignées. Les entreprises peuvent également dépasser les quotas assignés si elles ont acheté préalablement des quotas supplémentaires sur les marchés.
Le marché européen du carbone a vu le prix du CO2 très fortement varier ces dernières années. Alors qu’il se situait en dessous de 10 €/tonne avant 2018, il a augmenté jusqu’à 30 €/tonne en 2019, avant de bondir à 90 €/tonne en 2022. La diminution des quotas gratuits, ainsi que des effets de marché ont causé cette augmentation.
Valorisation de chaleur fatale et quotas de CO2 gratuits
Les industriels, afin de garantir leur compétitivité, cherchent donc à réduire leurs émissions de CO2 ou à avoir des quotas gratuits. Si elle ne permet pas de réduire les émissions des process industriels, la valorisation de la chaleur fatale sur un réseau permet d’éviter des émissions de CO2 pour la production de chaleur sur le réseau de chaleur. C’est dans ce contexte que la livraison de chaleur fatale à un réseau de chaleur peut permettre l’attribution de quotas gratuits supplémentaires. Ces attributions ne sont pas automatiques et sont soumises à conditions.
Voici les différents cas de figure possibles :
- L’industriel est soumis à l’ETS et fournit de la chaleur à un réseau de chaleur non soumis à l’ETS : l’industriel dispose de quotas gratuits supplémentaires ;
- L’industriel soumis à l’ETS fournit de la chaleur à un réseau de chaleur soumis à l’ETS :
- Si la chaleur est directement injectée dans le Réseau de Chaleur, alors c’est l’industriel qui dispose de quotas gratuits supplémentaires ;
- Si la chaleur n’est pas directement injectée dans le Réseau de Chaleur (nécessité de rehausser la température de la chaleur via une chaudière, une pompe à chaleur, ou tout autre équipement) alors c’est le réseau de chaleur qui dispose de quotas gratuits supplémentaires.
La définition et le calcul du nombre de quotas alloués est établi dans le cadre du Règlement Délégué 2019/331 de la Commission Européenne, tandis qu’un guide facilite la compréhension de ce texte.
Évolutions à venir du marché du carbone (ETS2)
Le marché du carbone en Europe est en cours de changement puisque le 18 avril dernier, le parlement européen a voté en faveur de la mise en place d’un second marché du carbone (ETS2), prévu pour 2027. Le changement majeur réside dans l’intégration du chauffage et du carburant routier dans ce second marché du carbone. La loi est en attente de transcription dans la loi française, voici les quelques informations présentes dans le texte européen :
- Les achats des quotas d’émission se feront en amont de la vente finale par le fournisseur d’énergie,
- Pas d’allocation de quotas gratuits,
- Plafonnement à 45 €/tonne, soit 10 €/MWhPCS sur du gaz.
- Les recettes financeront un fonds social pour les entreprises et les ménages économiquement vulnérables en situation précaire, le fonds devra permettre des mesures de soutien aux acteurs vulnérables et des investissements dans l’efficacité énergétique, son allocation devra être précisée par chaque gouvernement.
AMORCE souligne que la mise en place de l’extension du marché du carbone permettra d’effacer la différence de traitement entre la chaleur provenant des réseaux de chaleur, qui peuvent être soumis, à la chaleur provenant d’une chaudière gaz individuelle qui n’est pas soumise. AMORCE estime que la mise en place du fonds social est une nécessité pour les ménages modestes, et surveillera de près les propositions du gouvernement à ce sujet.
Contact : Rémi CAILLATE et Rémi BEAULIEU