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01 mai 2018 - Actualités

Quelles limites à la différenciation des compétences des collectivités territoriales ?

Actualité extraite de la LAA de mai 2018

 

 

Le Conseil d’Etat, par un avis consultatif du 1er mars 2018, saisi par le Premier Ministre, s’est prononcé sur les possibilités de différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice de ces compétences.

 

  • Le cadre juridique applicable à l’attribution et à l’exercice des compétences des collectivités territoriales et sur son évolution

 

A cette occasion, le Conseil d’Etat rappelle le cadre juridique applicable à l’attribution et à l’exercice des compétences des collectivités territoriales (CT) et son évolution. Ainsi, par principe, les règles d’attribution des compétences et les règles d’exercice des compétences sont les mêmes au sein de chaque catégorie de CT de droit commun au nom du principe d’égalité.

 

Cependant, la justification de dispositions particulières à certaines collectivités territoriales s’apprécie au regard de l’existence de caractéristiques et contraintes particulières. A titre d’exemple, en raison des caractéristiques géographiques et économiques de la Corse, des dispositions particulières peuvent être prises par les lois et règlements.

De plus, la coopération intercommunale a évolué dans ce cadre légal en développant la différenciation des compétences entre les communes. En effet, par exemple, elles ne conservent pas les mêmes compétences selon la catégorie de l’établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre (EPCI) auquel elles adhèrent.

 

Au-delà de savoir si les collectivités disposent légalement d’une compétence, le Conseil d’Etat s’attarde sur la façon dont elles exercent opérationnellement cette compétence. Sur ce point, la Haute juridiction souligne le fait que l’application de règles différentes pour les collectivités de même catégorie est largement admise sans qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité. Des critères de différenciation démographiques et géographiques en raison d’une situation particulière justifient cet exercice différencié des compétences.

 

  • La possibilité de moduler les compétences de CT relevant d’une même catégorie et de transférer des compétences entre CT relevant de catégories différentes

 

Le Gouvernement a soumis au Conseil d’Etat une proposition de modification de la Constitution pour ouvrir des possibilités de modulation des compétences et de leur exercice au sein d’une même catégorie. Cette idée a été appuyée pour assurer la prise en compte des caractéristiques et des contraintes particulières à certains territoires. Cette modification serait possible tant qu’elle ne remet pas en cause la pertinence de la distinction entre les trois catégories de collectivités territoriales de droit commun. Elle ne doit pas non plus remettre en cause la règle selon laquelle les possibilités de différenciation sont plus importantes pour les CT à statut particulier et les collectivités d’outre-mer que pour les collectivités territoriales de droit commun.

 

En l’état actuel des choses, la loi ne peut prévoir l’attribution de compétences différentes à des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie.

Cependant, le Conseil d’Etat a délimité le cadre d’une modification législative prévoyant directement l’exercice de compétences dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie pour certaines collectivités préalablement désignées par le législateur. Il serait nécessaire que l’objet soit limité, que les principes de libre administration et d’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre soient respectés notamment par l’accord des collectivités entre elles, qu’il ne soit pas remis en cause l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. A ceci s’ajoute le fait qu’un droit à une compensation financière en cas de transfert, qui a pour conséquence d'accroître les charges des collectivités territoriales ou de leurs groupements, doit être effectif. En outre, le transfert de compétences envisagé doit permettre à ce que l’échelon choisi rende la mise en œuvre de la compétence meilleure et plus efficace, au meilleur coût rendant effectif le principe de subsidiarité garanti par la Constitution.

 

Le Conseil d’Etat considère qu’il n’est pas possible de prévoir le transfert à titre définitif des compétences par analogie avec le dispositif de transfert de compétences des régions et des départements aux métropoles de l’article L. 5217-2 du CGCT au motif de la méconnaissance du principe d’égalité d’un tel dispositif. Le dispositif de l’article L. 5217-2 avait été validé par le Conseil constitutionnel par la décision n° 2013-687 DC du 23 janvier 2014 du fait de l’importance démographique et économique des métropoles et de leur rôle particulier en matière d’équilibre du territoire. La particularité de la métropole légitime donc la possibilité de différenciation des compétences par le transfert définitif de la compétence de la Région ou du département à la métropole.

 

  • La possibilité de différencier les règles applicables à l’exercice des compétences des CT

 

Une autre proposition de modification constitutionnelle soumise par le Gouvernement porte sur la possibilité de déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences dans les conditions prévues par la loi. Le Conseil d’Etat a soutenu cette initiative qui permettrait une plus grande souplesse et efficacité de l’exercice des compétences sous réserve de l’articuler avec les dispositions de l’expérimentation existantes depuis la réforme de la Constitution de 2003 (art. 37-1 et 72 al. 4).