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28 avril 2022 - Actualités

Proportion minimale d'emballages réemployés à mettre sur le marché annuellement : large flou quant à la mise en œuvre et le monitoring des exigences sur les metteurs en marché

Un décret relatif à la proportion minimale d’emballages réemployés à mettre sur le marché annuellement par les metteurs en marché vient d'être publié par le Ministère de la Transition Ecologique, un an après les premiers échanges à ce sujet. Meme si des évolutions intéressantes en termes de trajectoire d'emballages réemployés à mettre sur le marché sont à noter, AMORCE pointe de lourds écueils au niveau du monitoring et contrôle de ces nouvelles exigences sur les organismes assujettis, ainsi qu'un détournement de la vocation première du Fonds Réemploi.

Les articles 9 et 67 de la loi AGEC prévoient que « (…)la France se dote d'une trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique, de manière à atteindre une proportion de 5 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2023, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente, et de 10 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2027, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente. » et « une proportion minimale d'emballages réemployés à mettre sur le marché annuellement en France ». C’est bien en application de ces dispositions qu’un projet de texte avait été mis en consultation par le Ministère et donc publié au JO le 8 avril 2022. A ce titre, AMORCE avait déjà pointé le caractère insuffisamment précis et contraignant de ce texte pour les producteurs et types de produits assujettis à ces obligations.

 

1. Fixation d’un périmètre et d’une trajectoire de proportion d’emballages réemployables à mettre sur le marché

 

Le décret précise la définition d’un « emballage réemployé ou réutilisé », à savoir : un emballage qui fait l'objet d'au moins une seconde utilisation pour un usage de même nature que celui pour lequel il a été conçu, au point de vente dans le cadre de la vente en vrac, ou à domicile de l’usager s'il s'agit d'un dispositif de recharge proposé par le producteur.

L’unité de mesure définie est l’unité de vente consommateur (UVC). Seules deux cas sont exclus de l'obligation de réemploi : les emballages encadrés par une réglementation qui interdit le réemploi ou la réutilisation en raison d'impératifs d'hygiène ou de sécurité du consommateur ; et les emballages portant certains signes d'identification de la qualité et de l'origine du produits (indication d'origine, label rouge, etc.), pour ceux dont le cahier des charges de l'indication interdit le réemploi des emballages.

 

Au niveau de la trajectoire, le décret publié détermine finalement trois trajectoires distinctes d’objectifs à atteindre par les metteurs en marché et producteurs d’emballage, axées selon le chiffre d'affaires (CA) de ces derniers. Or, initialement, le projet de décret prévoyait plutôt une trajectoire unique pour tous les producteurs et metteurs en marché. Ainsi : 

  • Pour les producteurs dont le CA annuel est supérieur à 50 millions d'euros (M€), la proportion minimale d’emballages réemployables à mettre sur le marché est d’au moins 5 % en 2023, 6 % en 2024, 7 % en 2025, 8 % en 2026 et 10 % en 2027.
  • Pour les producteurs dont le CA annuel est compris entre 20 et 50 millions d'euros (M€), la proportion minimale d’emballages réemployables à mettre sur le marché est d’au moins 5 % en 2025, 7 % en 2026 et de 10 % en 2027.
  • Pour les producteurs dont le CA annuel est inférieur à 20 millions d'euros (M€), la proportion minimale d’emballages réemployables à mettre sur le marché est d’au moins 5 % en 2026 et 10% en 2027.

Pour AMORCE ces objectifs sont conformes à l’esprit de la loi AGEC et fixent bien le cadre d'une trajectoire progressive et claire à atteindre en matière de réduction de mise sur le marché d’emballages à usage unique. On rappelle que le gisement annuel d’emballages ménagers mis sur le marché s’élève à près de 4,9 millions de tonnes, et représente en aval une importante quantité de déchets pris en charge par le service public de gestion des déchets. 

 

2. Imprécisions quant au rôle, modalités de suivi et monitoring des exigences à mettre en œuvre au niveau des EO et détournement de l’objet des Fonds dédiés au Réemploi

 

Le texte prévoit en effet que l’obligation de mettre sur le marché des emballages réemployables qui s'applique aux producteurs et importateurs d'emballages ménagers ou non ménagers puisse être transférée éventuellement aux éco-organismes. Par ailleurs, le texte fixe en ce sens que pour atteindre les objectifs d'emballages réemployés ou réutilisés à mettre sur le marché, tout éco-organisme agréé pour les emballages met en œuvre les modulations nécessaires et contribue au développement de solutions de réemploi et de réutilisation, notamment en s'appuyant sur le Fond Réemploi associé à la filière emballage. 

 

Pour AMORCE une attention particulière doit être apportée à ce point. 

 

S'il semble louable de donner aux Eco-Organismes l’opportunité d’intervenir sur le développement de solutions de réemploi, l’intervention de l’éco-organisme à la demande d’un producteur d’emballages pour des flux relevant de son périmètre d’agrément (et de surcroît pour des opérations de réemploi portant sur des flux d’emballages qui ne relèveraient pas de son agrément) ne peuvent pas relever des obligations liées au cahier des charges pour lequel l’éco- organisme a été agréé. Pour AMORCE, cette mission doit êtredimensionnée, suivie et financée en dehors du cadre de l’agrément. De plus, les éco-contributions et éco-modulations (bonus, malus) qui seraient créées pour accompagner le réemploi ne peuvent servir un intérêt particulier limité aux producteurs d'emballages qui confieraient cette mission à l'éco-organisme, mais fixent bien le cadre d'un signal prix applicable à l'ensemble des producteurs d'emballages du périmètre d'agrément.

 

Deuxièmement, l’engagement de l’éco-organisme dans une mission de développement de solutions de réemploi pour le compte de producteurs d'emballages, ne doit pas soustraire ni détourner l’éco-organisme de ses obligations en matière de prévention et de réemploi fixées au cahier des charges pour lequel il est agréé. Egalement, pour AMORCE la possibilité d’utilisation par l’EO de l’assiette du Fonds Réemploi (qu’il abonde lui-même) pour financer la mise sur le marché d’emballages réemployables pour ses obligataires, crée une totale rupture avec la volonté et l’esprit de la Loi AGEC. Pour rappel, la création des Fonds Réemploi abondés par certains EO concernés, visait avant tout le développement et la promotion de solutions de réemploi et réutilisation des produits mis sur le marché, ici des emballages, mais parallèlement aux obligations des opérateurs qu’ils regroupent. 

 

Troisièmement, le texte publié apparait comme décevant et incomplet car il ne définit aucune modalités précises d’intervention de l’éco-organisme quand cette mission lui est confiée. De plus, il manque des précisions sur les modalités de suivi, d’évaluation et de contrôle de cet objectif (mesure spécifique de cet indicateur réemploi distinct des objectifs de la REP emballages). 

 

Pour AMORCE il est fondamental que la contribution de l’éco-organisme à cet objectif de réemploi pour le compte d’un producteur, soit fixée dans un contrat à part, prévoyant ses modalités spécifiques de mise en oeuvre et un financement dédié, et non au travers de l’assiette du Fonds Réemploi destiné à d’autres fins. Le cahier des charges doit également prévoir précisément les sanctions en cas de non respect de ses obligations. AMORCE regrette que ses observations et demandes n’aient pas été suivies. Un courrier adressé aux services de la DGPR visant à alerter des possibles impacts et dérives mentionné ci-dessus est en cours de rédaction. 

 

La note de contribution d'AMORCE envoyée en avril 2021 à la DGPR est à retrouver en intégralité : ici.

 

Contact : Delphine Hervier