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01 avril 2020 - Actualités

Pluvial: Les délais d'urbanisme gelés pendant l'état d'urgence sanitaire

L'état d'urgence sanitaire lié au Covid-19 et le confinement général chamboulent les activités des collectivités territoriales. En adoptant des mesures exceptionnelles de suspension et de prolongation des délais administratifs et juridictionnels qui auraient dû courir, l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 vient sécuriser l'action des services instructeurs des demandes d'urbanisme, ce qui laisse le temps d'une instruction normale du volet pluvial.

La loi d'urgence sanitaire du 23 mars 2020 a permis de déclarer un état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 mai 2020, et a autorisé le gouvernement a prendre des ordonnances pour régler ses conséquences. Notamment, l'ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période prévoit de suspendre ou proroger les délais d'urbanisme.

Champ d'application de l'ordonnance n°2020-306

D'un point de vue matériel, l'ordonnance a un champ d'application très large. Elle s'applique à "Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, qui devaient être réalisés dans la période d'état d'urgence sanitaire" (article 2).

D'un point de vue temporel, elle s'applique aux "délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire" soit jusqu'au 23 juin inclus. L'article 4 de la loi du 23 mars déclare en effet l'état d'urgence sanitaire pour une durée de 2 mois à compter de sa publication.

Conséquences de l'ordonnance n°2020-306

1/ Les délais de recours contre les autorisations d'urbanisme prorogés

L'article 2 de l'ordonnance prévoit que tout acte "sera réputé avoir été 'fait à temps' s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois".

Cette disposition permettra aux recours en matière d'urbanisme d'être considérés comme non-tardifs s'ils sont réalisés dans les délais légaux à compter de la fin de l'état d'urgence et au maximum dans les deux mois suivant cette date. Ainsi, pour un permis de construire affiché le 15 mars 2020, le délai de recours ira jusqu'au 23 juillet 2020 et non jusqu'au 15 mai 2020.

2/ Les délais d'instruction en cours suspendus

L'article 7 de l'ordonnance dispose :

"Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.

Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public."

En conséquence :

  • Les délais d'instruction en cours au 12 mars 2020 sont suspendus et recommenceront à courir pour le délai restant un mois après la levée de l'état d'urgence (pour l'instant à partir du 24 juin).
  • Les délais qui auraient dû débuter après le 12 mars ne commenceront à courir qu'à partir d'un mois après la levée de l'état d'urgence (pour l'instant à partir du 24 juin).

Cet article permet de sécuriser l'action des collectivités territoriales : aucune décision tacite ne pourra naître pendant l'état d'urgence sanitaire et l'instruction des autorisations d'urbanisme peut si nécessaire être suspendue. Si elles le souhaitent, elles peuvent cependant toujours notifier leurs décisions aux demandeurs. Les délais de recours contre ces décisions ne débuteront cependant qu'à l'issue de l'état d'urgence.

Par ailleurs, l'article 9 de l'ordonnance prévoit que le gouvernement peut adopter un décret pour déterminer les catégories d'actes, de procédures et d'obligations pour lesquels le cours des délais reprend pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse.

3/ La validité des autorisations d'urbanisme arrivant à échéance prorogée

L'article 3 de l'ordonnance dispose :

"Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l'article 1 sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période :

1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;

2° Mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;

3° Autorisations, permis et agréments ;

4° Mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

5° Mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.

Toutefois, le juge ou l'autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu'elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020."

Les autorisations d'urbanisme qui auraient dû expirer entre le 12 mars et un délai d'un mois après la levée de l'état d'urgence (24 juin à date) sont prorogées jusqu'à deux mois après la fin de l'état d'urgence soit jusqu'au 24 juillet.

3/ La possibilité de mener des enquêtes publiques totalement dématérialisées

L'article 12 de l'ordonnance n°2020-306 s'applique aux enquêtes publiques déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisées pendant une période allant jusqu'à 1 mois après la levée de l'état d'urgence sanitaire (24 juin à date).

Il prévoit que, lorsque le retard résultant de l'interruption de l'enquête publique est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l'autorité compétente pour l'organiser peut adapter ses modalités et la poursuivre uniquement par voie dématérialisée.

 

Contact : Florent Cosnier (fcosnier@amorce.asso.fr)