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01 septembre 2019 - Actualités

Loi énergie-climat adoptée : quelques belles avancées mais un texte encore trop timide

L'Assemblée nationale a adopté mercredi 11 septembre le projet de loi sur l'énergie et le climat qui avait fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire (CMP) le 25 juillet dernier.

L'Assemblée nationale a adopté mercredi 11 septembre le projet de loi sur l'énergie et le climat qui avait fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire (CMP) le 25 juillet dernier.

 

Les grands points à retenir du texte sont les suivants :

 

●               Rénovation énergétique des bâtiments

 

○      Pour les passoires thermiques : on relève l’obligation de rénovation des logements de classe F et G à partir du 1er janvier 2028.Plusieurs dérogations sont prévues, soit en raison de contraintes techniques, architecturales et patrimoniales, soit au motif que les coûts sont disproportionnés par rapport à la valeur du bien. En outre, cette obligation ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2033 pour les copropriétés qui :

■     ont fait l’objet d’un plan de sauvegarde visant à restaurer le cadre de vie des occupants et usagers d'un groupe d'immeubles bâtis ou d'un ensemble immobilier déterminé ;

■     sont situées dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat ;

■     sont situées dans le périmètre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées (art. 3 septies).

Le régime de sanction en cas de non-respect de ces dispositions sera précisé lors du prochain quinquennat.

 

 

○      Un critère de consommation d’énergie finale est intégré dans la définition du logement décent (à fixer par décret).  Les députés avaient effectivement adopté un amendement qui prévoyait qu’un seuil de consommation énergétique au-delà duquel un logement serait considéré comme indécent, et donc impropre à la location, serait défini par décret. Cet amendement issu d’une proposition d’AMORCE visait à relancer les travaux sur le décret décence pour que celui-ci contraigne réellement les bailleurs de passoires thermiques à rénover leurs logements. Toujours sur proposition d’AMORCE, les sénateurs étaient allés plus loin en fixant directement dans la loi un seuil de 330 kWh/m2/an en énergie primaire (correspondant aux catégories F et G du diagnostic de performance énergétique). Toutefois la commission mixte paritaire a supprimé cet amendement pour revenir au texte de l’Assemblée nationale. Dans le décret à venir, le gouvernement entend fixer un seuil de 600 à 700 kWh par m2 et par an en énergie finale. 200 000 logements seront ainsi concernés, alors que la moitié du parc locatif privé est constituée de passoires thermiques !

 

La CMP s’accorde finalement sur ce compromis qui laisse encore beaucoup d’incertitude sur la rénovation des passoires thermiques, qui a le mérite d’inscrire dans la loi une obligation de rénovation des passoires thermiques, mais renvoie à des échéances particulièrement lointaines, avec des sanctions qui sont supposées être définies dans une loi prévue pour 2023. Pour AMORCE, cela ne suffira pas à accélérer significativement le rythme de rénovation des logements en France dans les prochaines années.

 

À noter que le projet de loi adopté par la CMP ne contient aucune disposition sur le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). AMORCE regrette vivement que les propositions relatives au renforcement, à la pérennisation et à la généralisation du SPPEH porté par les collectivités locales n’aient pas pu être discutées, alors que l’enjeu est majeur et que la mise en place d’un programme C2E pour financer les plateformes ne répond que très temporairement et superficiellement à la question de l’avenir du SPEEH plusieurs fois remis en question ces derniers mois. AMORCE participe activement à la mission dévolue à Marjolaine Meynier Millefert et Alain Maugard co-animateur du Plan National de Rénovation sur l’avenir du SPEEH.

 

●               Certificats d’économies d'énergie

 

○      Le texte prolonge la 4e période d’obligation d’économies d’énergie jusqu’au 31 décembre 2021 (art. 1erbis A).

 

○      Il prévoit une première évaluation du gisement des économies d’énergie pouvant être réalisées dans le cadre du dispositif des CEE par l’ADEME d’ici le 31 juillet 2022, avec une mise à jour tous les cinq ans (art. 5) à partir de 2024 (auparavant 3 ans par voie réglementaire). La période 2022 et 2023 sera une période transitoire (fixation par décret) ;

 

○      Il renforce par ailleurs les modalités de contrôle des opérations bénéficiant de certificats d’économie d’énergie et les sanctions potentielles pour les opérateurs qui s’en seraient faits délivrer indûment ;

 

○               Notons enfin qu’il élargit le champ d’application des programmes CEE à des programmes de rénovation énergétique des bâtiments publics au bénéfice des collectivités. Des précisions devront toutefois être apportées sur l’application de cette mesure, les programmes visant à accompagner la rénovation des bâtiments publics étant a priori déjà possibles avant ce projet de loi.  

 

●               Distribution d’énergie (chaleur, gaz, électricité)

 

Deux dispositions relatives aux réseaux de chaleur et de froid ont été maintenues dans le texte de la CMP :

 

○   Est désormais automatique le classement des réseaux de chaleur et de froid à compter du 1er janvier 2022. Les critères restent inchangés : alimentation à plus de 50% d’énergies renouvelables et de récupération, comptage des quantités d’énergie livrées par point de livraison, et équilibre financier de l’opération du réseau. Sur délibération motivée, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut décider de ne pas classer un réseau de chaleur situé sur son territoire. (art. 6 undecies). AMORCE salue cette avancée majeure dont elle a été à l’origine dans les négociations du GT Wargon sur les réseaux de chaleur qu’elle a portées devant les députés et les sénateurs.

 

○     Modalités d’élaboration du schéma directeur des réseaux de chaleur et de froid. Le premier schéma doit être réalisé au plus tard 5 ans après la mise en service du réseau, et révisé tous les 10 ans. Pour les réseaux mis en service entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2019, le schéma directeur est à réaliser avant le 31 décembre 2021. Il est précisé que le schéma directeur devra évaluer l’opportunité de créer un service public de distribution de froid (art. 3 ter A).

 

L’amendement porté par AMORCE sur l’inscription des conclusions des schémas directeurs des réseaux de chaleur et de froid dans les PLU n’a pas été adopté. Quant à celui porté par AMORCE sur le bonus pour les réseaux de chaleur participatifs dans les dispositifs de soutien financier, il n’a finalement pas été retenu par la CMP alors que les Sénateurs l’avaient adopté. Pour mémoire, cet amendement visait à ce que les projets de réseau de chaleur dont une part du capital est détenue par les abonnés ou les collectivités bénéficient d’un soutien financier majoré au même titre que les projets d’électricité renouvelable participative. Le financement participatif constitue en effet un atout non négligeable pour améliorer les relations avec les abonnés.

 

L’accès aux aides du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ) est désormais possible pour les collectivités autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE) :

○       qui développent des projets permettant d’éviter directement ou indirectement des extensions ou des renforcements de réseau :

■    dans les communes rurales (définies par décret). Ces opérations porteront sur la maîtrise de la demande en électricité, la production d’électricité par des énergies renouvelables et de toute autre solution permettant d’atteindre les objectifs de transition énergétique de la France ;

■   dans les zones non-interconnectées au réseau métropolitain continental. Il s’agira de la réalisation des installations de production de proximité.

○      pour la réalisation d’opérations exceptionnelles en lien avec le réseau public de distribution d’électricité qui concourent à la transition énergétique, présentent un caractère innovant et répondent à un besoin local spécifique (art. 3 bis B).

 

Pour AMORCE, cette avancée va dans le bon sens mais reste relativement limitée alors que notre association défendait un vrai renforcement des objectifs et moyens en faveur de la transition énergétique dans le cadre du TURPE pour l’ensemble des AODE, étant persuadé que le service public de distribution d’électricité et de gaz peuvent jouer un rôle beaucoup plus important en matière de transition énergétique si on lui en donne les moyens juridiques et financiers. AMORCE a récemment rencontré le président de la CRE qui a accepté l’idée de travailler dès le mois de septembre sur une meilleure prise en compte de la transition énergétique dans les missions des GRD.

 

●               Energies renouvelables

○      Concernant les investissements des collectivités dans les sociétés de production d’énergie renouvelable, la participation des collectivités dans les sociétés dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables a été clarifiée. Le code général des collectivités territoriales précisait que cette participation ne pouvait se faire que “sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité”. Elle a été remplacée par “territoires limitrophes”, qui est plus restrictive mais sécurise la participation des collectivités. Par ailleurs, le texte élargit également le dispositif en permettant, outre l’investissement direct, l’investissement via une société intermédiaire. Enfin, l’octroi d’avances en comptes courants sera désormais possible.

 

○      Concernant le biogaz, le texte transpose la directive européenne sur les énergies renouvelables, qui encadre notamment les garanties d’origine pour le biogaz. Avec cette mesure, les producteurs de biogaz qui bénéficient des dispositifs de soutien nationaux ne pourront plus valoriser de garanties d’origine. Cela entraînera donc une perte financière pour les producteurs qui s’ajoute à la baisse des soutiens prévue par la PPE. Bien que la réforme soit inévitable car prévue par une directive européenne, plusieurs acteurs de la filière ont regretté son caractère précipité. Un délai d’un an avant l’entrée en vigueur a été prévu, mais cela reste court pour permettre à la filière de s’adapter.

Par ailleurs, le texte ouvre la possibilité de recourir au financement participatif pour les projets de production de biogaz, à l’instar de ce qui est en place aujourd’hui pour l’électricité et contraint les fournisseurs représentant au moins 10% du marché à accepter tout contrat d’obligation d’achat demandé par un producteur de biogaz. La CMP a retenu un article prévoyant un rapport sur l’opportunité de prendre en compte les externalités positives des projets de méthanisation dans le cadre des dispositifs de soutien au biogaz : ce rapport évaluera donc s’il est pertinent de soutenir davantage les projets de biogaz vertueux, présentant plus d’externalités positives.

○      Le texte crée également un dispositif spécifique pour les projets innovants portant à la fois sur les projets d’électricité renouvelable et de biogaz : les contrats d’expérimentation. Ces derniers seront attribués via un appel à projets et les lauréats bénéficieront d’un contrat d’obligation d’achat (art. 4 bis A).

 

○      Le texte prévoit un dispositif de soutien pour l’hydrogène bas carbone, ainsi qu’un système spécifique de garanties d’origine, qui sera défini par ordonnance.

 

○      Plusieurs mesures visant à encourager le déploiement de l’électricité photovoltaïque ont été adoptées : obligation de consacrer 30% de l’emprise au sol de la construction et des ombrières des surfaces commerciales à des projets soit de production d’électricité renouvelable, soit de végétalisation, implantation de projets solaires aux abords des autoroutes facilitée, possibilité de délivrer un permis de construire dérogeant au PLU pour des installations ENR sur des ombrières de parking. Ces mesures étaient prévues par le plan « Place au soleil » publié en 2018 par le gouvernement consistent notamment en des simplifications administratives.

Alors qu’il s’agissait initialement d’un texte restreint, visant principalement à repousser l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique prévu par la loi de transition énergétique, afin de pouvoir publier la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie, ce texte est finalement bien plus riche. Un certain nombre de thématiques y ont été ajoutées, à la fois par l’Assemblée nationale et par le Sénat : rénovation des passoires thermiques, réseaux de chaleur et de froid, développement des énergies renouvelables, de l'hydrogène bas-carbone… Si plusieurs mesures méritent d’être saluées car elles sont, sur le principe, de nature à faciliter la transition énergétique dans les territoires (classement automatique des réseaux de chaleur et de froid, clarification du cadre juridique pour les collectivités souhaitant prendre des parts au capital de sociétés de production d’EnR, élargissement des programmes CEE à la rénovation des bâtiments publics, DPE accessibles aux collectivités, etc.), on peut regretter que les dispositions relatives aux passoires thermiques n’aillent pas assez loin et que le SPPEH n’y soit pas traité. Réussir à résoudre cette question de la rénovation énergétique des logements qui se pose aujourd’hui dans tous les territoires, sans exception, n’en sera que plus difficile dans les années à venir. 

Contacts : Julien BARITAUX et Julie PURDUE