27 mars 2020 - Actualités
Loi d'urgence face au Covid-19 et ordonnances : quelles conséquences pour les collectivités ?
La loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ainsi qu'une loi de finances rectificative visant à tenir compte de l'impact de la crise sanitaire sur le budget national ont été promulguées le 23 mars, et plusieurs ordonnances ont été publiées le 26 mars. Ces textes prévoient de nombreuses mesures relatives aux collectivités territoriales.
Le Gouvernement a publié une synthèse des éléments concernant les collectivités dans la loi d'urgence, ainsi qu'une note sur le maintien des services publics locaux dans le cadre de l'urgence sanitaire.
Gouvernance des collectivités territoriales suite au report des élections municipales
La loi d'urgence fixe les conditions de gouvernance des collectivités locales suite au report du deuxième tour des élections municipales. Le mandat des assemblées délibérantes et de l'exécutif des communes et EPCI est prorogé jusqu'à la prise de fonction des nouveaux conseils municipaux.
La date de cette prise de fonction varie selon les situations :
- pour les communes dans lesquelles l'élection est acquise après le premier tour, un décret définira la date de prise de fonction, au plus tard en juin, suite à un rapport qui sera publié avant le 23 mai. Il en va de même pour les EPCI dont le conseil communautaire est déjà constitué suite au 1er tour : le conseil communautaire devra se réunir dans un délai de 3 semaines après le décret.
- pour les communes qui doivent encore organiser un second tour, la prise de fonction aura lieu après celui-ci (prévu pour juin).
- pour les EPCI dont le conseil communautaire n'est pas constitué après le 1er tour, une période transitoire sera mise en place, au cours de laquelle siègeront à la fois les conseillers communautaires élus directement au 1er tour des élections 2020, et les conseillers élus en 2014 (pour les communes qui doivent encore organiser un 2ème tour).
Les délégations au maire prises par les conseils municipaux élus en 2014 sont prorogées jusqu'à la prise de fonction des nouveaux conseils municipaux, et les représentants des communes et intercommunalités à l'extérieur (y compris Comité des finances locales ou CNEN), sont également prorogés jusqu'à désignation de leur remplaçant par le nouvel organe délibérant.
Mesures visant à assurer la continuité budgétaire des collectivités territoriales pendant la crise
Initialement fixées dans la loi, les règles concernant le budget des collectivités territoriales pour l'année 2020 ont finalement été précisées par ordonnance :
- les collectivités auront jusqu'au 31 juillet pour adopter le budget 2020, avec transmission des informations indispensables à l'examen du budget d'ici le 15 juillet (les délais habituels relatifs à la transmission des orientations budgétaires ou rapports ne s'appliquent pas);
- les collectivités auront également jusqu'au 31 juillet pour arrêter les comptes de l'année 2019
L'ordonnance prévoit également plusieurs mesures visant à permettre à l'exécutif des collectivités de prendre des décisions sur les dépenses dans l'attente de l'adoption du budget 2020 :
- le code général prévoit déjà une possibilité, pour l'exécutif des collectivités, d'engager, liquider et mandater des dépenses d'investissements, dans l'attente du vote du budget, sur autorisation de l'organe délibérant. L'ordonnance assouplit considérablement les modalités de ce dispositif : l’exécutif pourra, dans l'attente de l'adoption du budget, et sans autorisation de l'organe délibérant, engager, liquider ou mandater la totalité des dépenses d'investissement prévues par le budget de l'exercice 2019. Les règles restent les mêmes pour les dépenses de fonctionnement (l’exécutif peut les engager, liquider ou mandater dans la limite des dépenses prévues au budget de l'exercice précédent), ainsi que pour les dépenses relatives au recouvrement de la dette (l’exécutif peut les mandater) et pour les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d'engagement votée pour un exercice antérieur ( l'exécutif peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l'exercice par la délibération d'ouverture de l'autorisation de programme ou d'engagement).
- L’exécutif des collectivités pourra, dans l'attente du budget 2020, sans autorisation de l'organe délibérant et dans la limite de 15 % des crédits de chaque section, procéder à des mouvements de crédits de chapitre à chapitre (à l'exception des crédits relatifs aux dépenses de personnel).
- Pour les communes, métropoles, la Métropole de Lyon, les régions, l'Assemblée de Martinique, la Collectivité territoriale de Guyane et la Collectivité territoriale de Corse : la part des crédits pour dépense imprévue que les collectivités pourront porter au budget, dans les sections fonctionnement ou investissement, est portée à 15 % des dépenses réelles de chaque section (ou des crédits correspondant aux dépenses prévisionnelles de la section pour les communes).
Par ailleurs, la loi d'urgence permet aux collectivités de déroger des accords de Cahors concernant la hausse des dépenses de fonctionnements, en raison des dépenses supplémentaires qui seront générées par le coronavirus. Les collectivités pourront donc dépasser le plafond des dépenses prévu dans leur contrat avec l'État (ou notifié par le représentant de l'État) pour l'année 2020, sans que cela n'entraîne de reprise financière.
Adaptation de la fiscalité locale
Les ordonnances prévoient plusieurs mesures relatives à la fiscalité locale, qui visent notamment à adapter les délais pour fixer certains tarifs ou taux.
Plusieurs de ces mesures concernent la fiscalité locale :
- concernant le vote des taux et le tarif des impôts locaux (TEOM, TFPB, TFPNB, CFE, GEMAPI...), la date limite est reportée au 3 juillet (la date classique, celle du 15 avril, qui est reportée lors des années de renouvellement des conseils municipaux au 30 avril, est donc modifiée au 3 juillet). A défaut, les impositions seront recouvrées selon les décisions de l'année 2019.
- concernant la TEOMI : les collectivités ayant mis en place la TEOMI auront jusqu'au 3 juillet de l'année d'imposition (et non jusqu'au 15 avril), pour faire connaitre aux services fiscaux le montant en valeur absolue de la part incitative par local perçue au cours de l'année précédente.
- concernant la REOM : les EPCI ayant la compétence et qui adhèrent à un syndicat mixte peuvent instituer et de percevoir la redevance pour leur propre compte, à condition que le syndicat ne l'ai pas lui même institué avant le 1er juillet d'une année pour être applicable l'année suivante. Ce délai a été repoussé au 1er septembre. L'institution de la REOM par un syndicat est donc possible jusqu'au 1er septembre.
- concernant les taxes locales sur la consommation finale d'électricité, une modification prévue par la loi de finances pour 2020 modifie la date avant laquelle les collectivités doivent fixer le tarif de la taxe pour être applicable l'année suivante : les collectivités devront fixer le tarif avant juillet, et non plus avant octobre. Cette modification, qui devait s'appliquer dès 2020, n'entrera en vigueur qu'en 2021 (donc pour les taxes prélevées en 2022), en raison de la crise sanitaire.
Adaptations potentielles des règles sur l'exercice des compétences territoriales dans les futures ordonnances
Par ailleurs, la loi d'urgence prévoit des ordonnances qui viseront notamment à adapter les conditions de gouvernance et l'exercice des compétences des collectivités territoriales. Le champ des adaptations potentielles est très large. En effet, le texte indique que le gouvernement sera habilité, "afin, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, de prendre toute mesure permettant de déroger : [...] c) Aux règles régissant l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;". Nous vous tiendrons informés des mesures qui seront prises dans ce cadre concernant l'énergie, les déchets et l'eau.
Ces ordonnances pourraient notamment permettre de préciser les conditions de maintien du service public de gestion des déchets pendant la crise sanitaire. Toutefois, le ministère de la Transition écologique, qui échange quotidiennement avec les représentants des collectivités, dont AMORCE, ne semble pas favorable à cet option (voir à cet égard notre article détaillant la situation). La ministre de la Transition écologique a adressé un courrier aux collectivités sur ce sujet, mais celui-ci ne clarifie pas totalement la situation. Il indique notamment que les collectivités doivent "fournir leur meilleurs efforts pour maintenir, aussi longtemps que possible" les collectes sélectives et les activités des centres de tri". Ce courrier n'indique donc pas clairement si la fermeture des centres de tri et l'arrêt des collectes sélectives, en vue de protéger les agents, est possible à ce stade, et ne prévoit rien pour créer les conditions du maintien de ces activités en assurant la sécurité du personnel. AMORCE poursuit donc les échanges avec le ministère pour obtenir des directives claires. Nous avons publié un résumé des conclusions de ces échanges à date du 26 mars, nous vous tiendrons informés de l'évolution des discussions.
Simplification de la réglementation ICPE par voie d'ordonnance
A noter que la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 permet au gouvernement d’adapter, par voie d’ordonnance, “les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naître” (article 11 I 2° a.). La réglementation ICPE pourra donc être simplifiée par voie d’ordonnance.
Prorogation des délais et adaptation des procédures pendant la période d'urgence sanitaire
Une ordonnance spécifique a été publiée pour proroger l'immense majorité des délais qui auraient du échoir pendant la période d'urgence sanitaire. Cela concerne notamment, pour les collectivités territoriales, l'ensemble des délais "à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis peut ou doit intervenir", qui auraient du échoir pendant l'état d'urgence sanitaire. Tous les délais qui n'étaient pas échus au 12 mars sont suspendus pendant l'état d'urgence sanitaire, et reprendront une fois que celui-ci sera levé.
Suspension des factures de gaz, d'électricité et d'eau pour les locaux professionnels et commerciaux des microentreprises
Une ordonnance a été publiée pour permettre aux "aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation." de bénéficier d'une suspension d'une partie de leurs frais. Cette mesure concerne également les entreprises qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Il sera interdit pour les fournisseurs de suspendre, d'interrompre ou de réduire la fourniture d'eau, d'électricité ou de gaz pour les entreprises visées jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire. Les fournisseurs, y compris les collectivités en charge du service d'eau potable, seront également tenus de reporter, sur demande des entreprises visées, les échéances de paiement exigibles entre le 12 mars et la fin de l'état d'urgence sanitaire. Aucune pénalité ne pourra être appliquée pour ces reports.
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Contact : Julien BARITAUX