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02 janvier 2023 - Actualités

Les contours encore flous des mesures visant à l'accélération du développement des EnR

L’Assemblée nationale a achevé, le 15 décembre, sa première lecture du projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables faisant ainsi suite aux travaux du Sénat sur ce texte. Ce projet de loi doit désormais passer en commission mixte paritaire (CMP), après le vote global de l'Assemblée, prévu le 10 janvier prochain. Après de nombreux débats, les mesures principales commencent à se dessiner même si des questions subsistent quant au contour final de certaines d’entre-elles, à leur mise en pratique par la suite et à l’impact réel de ce texte sur le développement des EnR pour l’avenir.

Pour rappel, ce texte s'inscrit dans une séquence très particulière de crise énergétique qui a mis en lumière le retard de la France dans le développement des EnR. L'objectif était donc d'accélérer en la matière. Pour autant, cette action du Gouvernement intervient avant même que la loi de programmation attendue en 2023 et la PPE ne fixe des objectifs réévalués pour les années à venir. Ces mesures d'accélération devront en conséquence être complétées par la suite. Nous serons, également, attentifs à ce que les moyens mis en place pour les EnR soient équivalent à ceux qui pourraient être prévus pour le développement de l'énergie nucléaire.

 

Des nouveaux travaux de planification à venir et des appels d’offres régionalisés

 

Alors que le sujet n’était pas évoqué dans le projet de texte initial du Gouvernement et sous l’impulsion du Sénat, la planification territoriale des énergies renouvelables fait l’objet de mesures nouvelles. 

Ce que le texte prévoit pour l’heure :

  • Un chantier qui devra être lancé dès la publication de la Loi puis tous les 5 ans pour permettre de coller aux objectifs des PPE successives.
  • Des zones opposables, retracées dans une cartographie départementale et inscrites dans les documents d'urbanisme.
  • Communes et EPCI seront à la manœuvre au départ. Ils se baseront sur les données et les objectifs transmis par les services de l’État pour planifier des zones permettant d’atteindre, par technologie, les objectifs PPE qui leur sont assignés.
  • Le comité régional de l’énergie aura un rôle de contrôle à l’échelle régionale sur cet objectif sans pouvoir définir directement des zones par lui-même. S’il estime que les zones qui lui sont soumises ne suffisent pas, les communes seront appelées à revoir leurs copies. Elles détiennent un pouvoir d’avis conforme sur les zones définies sur leur territoire. Les députés n’ont pas retenu, en revanche, le droit de véto des maires sur les projets, ce que nous pouvons souligner positivement.

 

Sur ce point, le texte fait écho aux travaux de l’Union européenne sur la Directive relative aux énergies renouvelables. Les Députés européens, Ministres des États et la Commission semblent alignés sur le point de demander aux États-membres de définir des zones « propices » pour le développement des EnR.

 

En l'état, AMORCE rappelle l'importance que la somme de ces zones corresponde effectivement et par technologie aux objectifs nationaux et régionalisés de la PPE. De plus, il nous paraît nécessaire que le développement des projets dans ces zones soit facilité de manière pérenne, notamment d'un point de vue procédural et financier.

 

Un référent préfectoral aux projets d’énergie renouvelable devrait être mis en place à la suite de la promulgation de la Loi dans chaque département. Il aura pour rôle d’appuyer les collectivités à la définition de ces zones d’accélération. Il doit aussi faciliter les démarches administratives des porteurs de projets en attirant leur attention sur les recommandations préconisées par les pouvoirs publics, coordonner les travaux des services chargés de l’instruction des autorisations et faire un bilan annuel de l’instruction des projets sur son territoire.

 

Sur le sujet de la planification toujours, en séance publique, les députés ont, finalement, supprimé l'inscription dans la Loi des plans de paysages territoriaux. Ils ont, en contrepartie, renforcé la prise en compte des paysages dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Nous pouvons souligner positivement cet équilibre trouvé qui évite l’alourdissement et le ralentissement des projets.

 

En complément de cette planification territoriale des EnR, les travaux parlementaires ont permis d’introduire une mesure attendue de longue date par les porteurs de projets et les collectivités : des appels d'offres régionalisés pourront être lancés pour accélérer le développement de certaines technologies à la peine ou équilibrer le mix énergétique local. Il reste à voir comment le Gouvernement va se saisir de cette possibilité inscrite dans le texte et faire le lien avec les zones d'accélération qui seront définies (par une bonification par exemple). De même, nous appelons à ce que les les collectivités jouent un rôle prépondérant dans ces nouveaux types d’appels d’offres. Ce point devra être précisé par la suite et dans le cadre de la loi de programmation énergie-climat à venir et la future PPE. Nous pouvons, en tous les cas, appeler les Parlementaires et le Gouvernement à maintenir cette avancée demandée de longue date par AMORCE notamment.

 

Des facilitations procédurales pour certains projets

 

Afin d'accélérer les procédures, les députés ont réintroduit, finalement, le principe d'intérêt public majeur pour les projets renouvelables et hydrogène, ce qui permettra de bénéficier de certaines dérogations dans l’octroi des autorisations liées notamment aux espèces protégées. Toutefois, ce point fait l’objet d’un débat nourri. Aussi, il n’est pas certain que la CMP puisse s’accorder sur une rédaction commune.

 

Ce point fait également écho au règlement européen temporaire publié le 22 décembre dernier et qui reconnait cet intérêt public supérieur pour les projets de production, de stockage et les ouvrages de raccordement des EnR.

 

Cette reconnaissance doit entrainer des facilités procédurales pour les projets et notamment dans l’obtention d’autorisations quand plusieurs intérêts sont en balance. En contrepartie, un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité devrait être créé, au plus tard un an après la promulgation de la Loi. Cet observatoire devrait avoir pour mission de réaliser un état des lieux de la connaissance des impacts des énergies renouvelables sur la biodiversité, les sols et les paysages, des moyens d'évaluation de ces impacts et des moyens d'amélioration de cette connaissance.

 

Ensuite, plusieurs mesures visent à raccourcir les délais de procédure, pour les projets déposés dans les 48 mois suivant le promulgation de la Loi, en accentuant la dématérialisation et en dispensant certains projets de procédures. Un décret doit préciser les projets éligibles et les mesures complémentaires qui seront applicables.

 

Le texte prévoit également des facilités procédurales pour la construction d’ouvrages de raccordement et de renforcement des réseaux. Nous souhaitons que ces nouvelles dispositions, notamment portant sur les S3REnR soient mises en lien avec les zones d'accélération qui seront adoptées. Cela doit permettre dans ces zones une accélération significative du raccordement des projets.

 

Enfin, le texte prévoit la création d’un fonds de garantie pour les porteurs de projets, qui valorisent leur énergie dans le cadre des dispositifs de soutien de l’État. Il doit permettre une indemnisation en cas d’annulation d’une autorisation. Nous souhaitons que ce fonds soit ouvert, quel que soit le mode de développement des projets, y compris en dehors des dispositifs de soutien.

 

Du foncier disponible pour les projets solaires

 

Le projet de loi contient plusieurs mesures, que nous soutenions, visant à libérer du foncier et accentuer le déploiement du photovoltaïque et du solaire thermique sur les zones artificialisées :

  • Des dérogations à la loi Littoral pour l'installation du solaire sur des terrains en friche sont prévues. Ces friches devront être répertoriées.
  • Les délaissés routiers et autoroutiers pourront également être utilisés.
  • Les entreprises publiques et les sociétés dont l’effectif salarié est supérieur à 250 personnes au 1er janvier de l’année de promulgation de la Loi devront établir un plan de valorisation de leur foncier en vue de produire des énergies renouvelables.

 

Les députés ont également abaissé le seuil rendant obligatoire l'installation d'ombrières sur les parkings de 2 500 à 1 500 m2. L’originalité de cette mesure réside dans le fait qu’elle concerne tant les nouveaux parkings que ceux déjà existants.

Une obligation de solarisation pour les bâtiments nouvellement construit (de plus de 250m2) est également inclue dans le projet de Loi actuel , nous souhaiterions que cette obligation puisse porter aussi sur les bâtiments existants.

 

Le texte définit et encadre également l'agrivoltaïsme en fixant des principes de base pour ces projets.

 

A l’inverse, les députés ont adopté un amendement précisant qu'aucune installation photovoltaïque ne sera autorisée sur des terres agricoles, hors terres réputées incultes ou non exploitées depuis plus de dix ans. En commission, les députés avaient déjà restreint le développement du photovoltaïque en zones forestières nécessitant un défrichement.

 

Un champ du texte quelque peu élargi aux EnR thermiques

 

Les débats ont également conduit à adopter des amendements pour l’accélération des EnR thermiques. Nous dénoncions l’absence de ces dernières dans la version initiale du texte et nous pouvons noter des dispositions intéressantes qui figurent dans le texte voté pour l’instant :

  • Le doublement des objectifs PPE de livraison d’énergie renouvelable et de récupération par réseaux de chaleur d’ici 2030. Nous appelons le Gouvernement et les Parlementaires à conserver cette proposition dans la suite des débats et à mettre en face les moyens financiers à la hauteur de cet objectif.
  • L’ensemble des mesures prévues pour le photovoltaïque décrites ci-dessus ont été étendues au solaire thermique, de même que les mesures de simplification procédurale, ce qui faisait partie des propositions d’AMORCE.

 

Nous pouvons regretter, toutefois, que notre proposition visant à préciser que la définition des zones d’accélération des EnR doit aussi prendre en compte les EnR thermiques n’ait pas été retenue. Selon notre analyse, ce point pouvait être précisé dans le texte qui semble surtout applicable à l’électricité et au gaz. Nous continuons de porter cette proposition pour la suite des débats et en tout état de cause, nous rappelons l’importance que les futurs travaux de planification intègrent pleinement les objectifs de développement de la chaleur renouvelable.

 

Partage de la valeur au niveau local et acceptabilité des projets

 

Les mesures de partage de la valeur ont fait l’objet de nombreuses modifications au cours des différents examens du texte. Il y a fort à parier que cela va se poursuivre dans la suite des débats. Mais pour l’heure nous notons les éléments suivants : 

  • Les porteurs de projets (électricité ou gaz) lauréats d'appels d'offres devront financer des projets en faveur de la biodiversité, ou des projets portés par les communes et EPCI en faveur de la transition énergétique ou écologique, ou encore des aides en faveurs des ménages en situation de précarité énergétique.
  • Ce financement pourra intervenir soit directement auprès des porteurs de projet ou des ménages, soit par l'abondement d'un fonds au profit de l'Office français de la biodiversité (OFB).
  • En revanche, les députés ont supprimé la mesure faisant bénéficier les riverains et les collectivités de réductions sur leurs factures.

 

Dans les autres mesures concernant le partage de la gouvernance des projets, nous pouvons regretter que notre proposition d’ouverture obligatoire du capital des structures privées porteuses de projets aux riverains et aux collectivités n’ait pas été pleinement retenue. Pour l’heure, figure dans le texte une possibilité d’introduire dans les cahiers des charges de la CRE une telle obligation.

 

En matière de partage de la valeur également, un dispositif d’autoconsommation collective est créé en gaz et il est prévu, comme nous le demandions, la possibilité pour les collectivités territoriales de participer à ces opérations. De même, nos propositions permettant le recours à l’achat direct d'énergie (PPA) par les collectivités locales d’électricité et de gaz ont été quasiment toutes retenues. Les collectivités se voient reconnaitre la possibilité de conclure des contrats de la commande publique ayant pour objet spécifique ce type d’achat. Malgré le fait que la possibilité de définir un périmètre géographique pour les installations de production qui alimenteront les collectivités n’ait pas été retenue, ces dispositions constituent une première avancée notable.

 

Enfin en matière d’acceptabilité, nous notons la création, pour chaque catégorie d'énergie renouvelable, d'un médiateur des énergies renouvelables afin de « désamorcer et d'apaiser certaines situations conflictuelles entre les parties prenantes », selon les termes de l’exposé des motifs de l’amendement. Des précisions devront être apportées par la suite sur la qualité des personnes qui seraient nommées et leur indépendance sur lesquelles nous resterons attentifs.

 

Facilitation des projets à gouvernance partagée et publics

 

Plusieurs mesures ont également été adoptées dans le champ de nos propositions pour faciliter les projets à gouvernance locale :

  • Comme nous le demandions, les SEM ont été ajouté dans les membres possibles d’une communauté d’énergie renouvelable.
  • La définition des deux types de communautés énergétiques a été complétée directement dans la Loi par un amendement gouvernemental (à la place du décret d’application qui reste en attente de publication).
  • Un amendement a également été adopté pour inscrire la possibilité de prévoir des dispositifs de soutien particuliers aux communautés énergétiques. Nous pouvons souligner positivement que le projet de texte se saisisse de cette possibilité prévue par les directives européennes, comme nous le soutenions. Il reste, là aussi, à voir comment le Gouvernement se saisira de cette ouverture.

 

Nous regrettons, cependant, que certains points proposés pour les collectivités aient fait l’objet d’une suppression et notamment la possibilité pour une commune et son EPCI de participer à une même société de production d’EnR. De même, le fait de rendre facultatif la création d’un budget annexe pour l’installation et l’exploitation d’ouvrages de production d’énergie solaire par une collectivité a été restreint aux cas où la collectivité autoconsomme majoritairement l’énergie produite, ce qui est, selon nous trop restrictif et contreproductif pour les plus petites collectivités.

 

D’un point de vue global, nous pouvons noter que ce texte a été enrichi par les débats devant les deux chambres et propose désormais des avancées techniques intéressantes pour les projets. Nous soulignons positivement les prémices d’une régionalisation des objectifs et des appels d’offres que nous appelions de nos vœux depuis de nombreuses années. De même, les mesures de partage de valeur et en faveur de la participation des collectivités aux projets vont dans le bon sens, même si elles pourraient aller plus loin encore.

 

Nous rappelons, toutefois, que pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et réellement favoriser les EnR par rapport aux énergies non renouvelables (notamment au regard d’un projet de loi sur le nucléaire en préparation), il conviendra de proposer des solutions pour que les projets soient réellement enclenchés et réalisés si l’initiative privée et des seuls porteurs de projets ne suffit pas. De même, ce texte ne permet pas en l’état un réel basculement dans le développement de la chaleur renouvelable et nous regrettons encore qu’un texte d’accélération des EnR se centre principalement sur l’électricité et le gaz

 

La transition énergétique ne pourra pas reposer uniquement sur une électrification des usages et une production nucléaire, comme nous le fait craindre en l'état le texte, mais ne sera réussie qu'avec un développement massif des EnR&R et des mesures fortes en faveur de la maitrise de la demande en énergie. Nous restons donc mobilisés pour la suite de l’examen du texte et dans le cadre du futur débat sur la PPE et la loi de programmation énergie-climat pour porter ces messages.

 

Contact : Joël RUFFY