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26 mars 2020 - Actualités

Les conséquences du Covid-19 sur les contrats publics (à jour de l'ordonnance du 25/03)

L'épidémie de Covid-19 et les mesures de confinement empêchent les opérateurs comme les entreprises de s'acquitter normalement de leurs obligations contractuelles. Quelles mesures prendre pour adapter l'exécution et la passation des contrats publics à la crise sanitaire en cours ?

Face à une crise sanitaire majeure, les autorités organisatrices et opérateurs de service public sont confrontés à la nécessité d’assurer la continuité de leurs activités tout en s’adaptant aux conditions exceptionnelles. L’épidémie et le confinement ont ainsi des conséquences très concrètes sur les entreprises et les contrats publics.
 

Le Gouvernement a communiqué très tôt sur la nécessité, en cas d’impossibilité d’exécuter le contrat, de ne pas appliquer les pénalités de retard normalement prévues (communication du 17 mars). La Direction des Affaires Juridiques de Bercy a également précisé, dans une fiche dédiée, les critères et justifications à apporter pour considérer que la pandémie du Covid-19 et le confinement national constituent un cas de force majeure. Enfin, l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 prise sur le fondement de la loi d’urgence du 23 mars 2020 acte un certain nombre de mesures dérogatoires au droit commun de la commande publique qui seront applicables jusqu’à 2 mois après la fin du confinement. Ses mesures sont seulement applicables dans les situations liées à l’épidémie et au confinement : elles ne s’appliquent en aucun cas aux retards d’exécution ou aux résiliations de contrats sans lien avec la crise sanitaire (article 1er).
 

1. Les conséquences sur l’exécution des contrats publics en cours

À la suite du confinement, les gestionnaires comme de nombreuses entreprises titulaires de contrats publics ne peuvent plus, partiellement ou totalement, continuer à honorer leurs engagements et à assurer leurs prestations. L’épidémie de Covid-19 peut ainsi amener un acheteur public ou un prestataire/délégataire à devoir stopper temporairement l'exécution d'un contrat public. L’article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 prévoit des mesures dérogatoires qui ont pour objectif principal de sécuriser les entreprises titulaires en difficulté. Elles s’appliquent de plein droit, sauf clauses plus favorables au titulaire prévues au contrat.

 

Les mesures applicables lorsque le titulaire du contrat ne peut pas exécuter normalement le contrat :

  • Lorsque le titulaire ne peut pas respecter le délai d’exécution : sur sa demande avant l’expiration du délai d’exécution prévu au contrat, le délai est prolongé jusqu’à 2 mois après la fin du confinement.
  • Lorsque le titulaire est dans i’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat : il ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.

 

Les mesures applicables lorsque l’acheteur public suspend ou résilie le contrat :

  • Lorsque l’annulation d’un bon de commande ou la résiliation d’un marché par l’acheteur public est la conséquence de l’état d’urgence sanitaire et du confinement, le titulaire peut être indemnisé des dépenses engagées et directement en lien avec l’exécution du marché ou bon de commande.
  • Lorsque l’acheteur suspend un marché à prix forfaitaire en cours d’exécution, il procède sans délai au règlement du marché pour les montants prévus au contrat. À l’issue de la suspension, un avenant devra être conclu pour déterminer les éventuelles modifications du contrat, sa reprise à l’identique ou sa résiliation ainsi que les sommes dues au titulaire ou à l’acheteur.
  • Lorsque le concédant est conduit à suspendre l'exécution d'une concession, tout versement d'une somme au concédant est suspendu et, si la situation de l'opérateur économique le justifie et à hauteur de ses besoins, une avance les sommes dues par le concédant peut lui être versée.
  • Lorsque, sans aller jusqu’à la suspension, le concédant est conduit à modifier significativement les modalités d’exécution prévues au contrat, le concessionnaire a droit à une indemnité destinée à compenser le surcoût de la mise en œuvre de moyens supplémentaires non prévus et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire.
     

Si ces mesures dérogatoires permettent de donner un cadre juridique aux nécessaires aménagements des contrats publics pendant la période de confinement, en pratique nous vous recommandons fortement de réaliser une revue de contrat et d'engager un dialogue avec vos prestataires avant toute décision de suspension ou résiliation sur les mesures à prendre et les adaptations à apporter pendant la période de confinement. Par exemple, les autorités organisatrices de l'eau et de l'assainissement devront trouver avec leurs délégataires des aménagements pour la remise du rapport annuel normalement prévue d’ici juin 2020. 

 

D’une manière générale, la crise sanitaire semble pouvoir justifier également des adaptations des contrats de la commande publique en cours sur le fondement du 3°) du L.2194-1 complété par le R.2194-5 (marchés) ainsi que du 3°) du L.3135-1 complété par le R.3135-5 du code de la commande publique (concessions). Les modifications contractuelles ainsi actées par avenant devront être strictement limitées aux conséquences de la crise sur le contrat. Elles devront notamment n'être que temporaires.

 

Pour les contrats qui arrivent à terme pendant le confinement et jusqu’à 2 mois après sa fin, l’article 4 de l’ordonnance prévoit qu'ils peuvent être prolongés par avenant lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Pour les contrats de concession d’eau potable, d’assainissement et de déchets, si l’avenant à une concession a pour effet de faire dépasser une durée totale de 20 ans, l’ordonnance dispense de l’examen préalable prévu à l’article L. 3114-8 du Code de la commande publique. Dans tous les cas, les avenants ne peuvent pas prolonger la durée des contrats au-delà de la durée d’application de ces mesures dérogatoires (2 mois après la fin du confinement) et de la durée nécessaire à une remise en concurrence après leur expiration.
 

Enfin, le taux des avances peut aller au-delà de 60% du montant du marché ou du bon de commande. Les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30% du montant du marché (article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020).

 

2. La possibilité de mettre en œuvre les procédures de passation accélérées pour assurer les besoins urgents

Lorsque le titulaire du contrat ne peut assurer l’exécution de tout ou partie des prestations, l’acheteur peut conclure à ses frais et risques un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ses besoins qui ne peuvent prendre du retard. Le titulaire initial ne pourra pas engager sa responsabilité, même si le contrat initial contient une clause d’exclusivité (article 6 de l’ordonnance du 25 mars 2020).

En cas d’urgence, si la valeur du besoin dépasse les seuils de procédure formalisée (214 000 € pour les fournitures et services, 5 350 000 € pour les travaux), la durée de publication de l’appel d’offres peut être réduite à 10 jours sur le fondement de l’article R. 2161-8 du Code de la commande publique.

En cas d’urgence absolue, l’article R. 2122-1 du Code de la commande publique prévoit la possibilité de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables.

 

3. L’aménagement des procédures de passation en cours

L’article 2 de l’ordonnance prévoit que les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours sont rallongés d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de soumissionner.

Lorsque les modalités de mise en concurrence prévues par le code de la commande publique ne peuvent pas être respectées, par exemple l’impossibilité de mettre en œuvre une visite prévue par le règlement de consultation, l’acheteur public peut aménager la procédure en cours à condition de respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.

 

Si vous avez des interrogations, le pôle juridique d'AMORCE reste mobilisé pour vous accompagner dans cette période de crise sanitaire. N'hésitez pas à contacter Florent COSNIER (fcosnier@amorce.asso.fr) ou Joël RUFFY (jruffy@amorce.asso.fr).