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15 avril 2021 - Actualités

Le rapport “Sichel” : quelles évolutions pour le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) ?

Lors des 2e Rencontres des collectivités pour la rénovation énergétique qui sont tenues les 7 et 8 avril dernier, Gil Vauquelin, directeur de la transition énergétique et écologique à la Banque des Territoires et un des co-rédacteurs de ce rapport, est revenu sur les principales mesures proposées, qui pourraient modifier les contours du Service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH).

Le 17 mars dernier, Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires, a remis son « Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés ». Ce document comporte 15 propositions qui ont l’ambition de massifier la rénovation énergétique des logements privés, en particulier les 4,8 millions de passoires thermiques, autour de trois leviers d’action :

 

  • Levier 1 : création de “Mon accompagnateur rénov” : un accompagnement généralisé et réalisé par un acteur agréé
  • Levier 2 : création d’une plateforme digitale unique “MonServiceRénov.fr”
  • Levier 3 : une avance des aides plus large et un financement incluant tous les ménages

 

Le premier levier consiste à généraliser l’accompagnement des ménages via un accompagnateur (« Mon accompagnateur rénov») qui devra être agréé par l’État. Il est proposé que cet accompagnement soit obligatoire et financé, pour les ménages très modestes, par la puissance publique pour obtenir les aides à la rénovation dès 5000 euros de dépenses. Cet opérateur qui pourra être issu du service public, à l’image des Espace Faire, ou du secteur privé, jouera un rôle de chef d'orchestre des travaux de rénovation énergétique, effectuant un suivi de A à Z sur l'ensemble des aspects d'un projet (diagnostic, financement, réalisation des travaux...).

 

Cette mesure soulève un certain nombre de questions, en premier lieu celle de l’articulation des missions entre Mon accompagnateur rénov et le SPPEH, porté par les collectivités ? Pour AMORCE, il ne faut en aucun cas que cette préconisation, si elle était adoptée dans le projet de loi climat et résilience comme l’a proposé la ministre de la Transition écologique, vienne fragiliser le SPPEH déjà en place ou en cours de construction par les collectivités. Nombre d’entre elles sont en effet engagées dans le programme SARE, lancé en septembre 2019, qui vise à déployer, partout en France, un service d’accompagnement aux particuliers sur la rénovation énergétique. Au 31 mars 2021, 12 régions métropolitaines étaient engagées dans le programme et 2 territoires ultramarins sur 6 pour un montant de 147,33 M€ de CEE mobilisés en contrepartie de 174,6 M€ de fonds publics pour 280 000 actes réalisés.

Aussi des garde-fous seraient-ils à mettre en place pour éviter toute concurrence du secteur privé et assurer toute sa place au SPPEH. Celui-ci ne peut être porté que par une entité publique, garante d’une information et d’un accompagnement neutres auprès des particuliers. En d’autres termes, il faudrait interdire tout accompagnement ou démarchage par un acteur privé sans une forme de garantie ou de conventionnement avec la collectivité en charge du SPPEH.

 

Le levier 2 consiste à créer une plateforme digitale unique “MonServiceRénov.fr” permettant à la fois aux usagers d’être mis en relation avec leur accompagnateur (cf. levier 1) et de suivre l’évolution de leur dossier, et aux intervenants (artisans, banques, etc…) d’instruire le dossier, d’y verser et prélever les financements grâce à un compte sécurisé. Le dossier unique de rénovation sera partagé et articulé avec le carnet d’information du logement, transmissible lors des mutations/successions. À côté, le rapport préconise la création d’un “CompteRénovation” ouvert auprès d’une institution financière tiers de confiance pour rassembler l’ensemble des fonds mobilisés et des avances des aides publiques.

 

Le levier 3 propose de mettre en place une avance des aides plus importante et un financement pour tous les ménages. Le rapport propose en effet d’avancer les aides pour les ménages modestes voire intermédiaires et pour les copropriétés ainsi qu’une conditionnalité des aides selon le niveau d’ambition des travaux et des revenus. L’instruction des dossiers techniques sera normalisée avec une fluidification du parcours client entre l’accompagnateur et les banques. Le rapport propose également de créer “Prêt avance mutation +” (prêt assis sur la valeur du bien) pour les ménages n’ayant pas accès aux crédits bancaires, soutenu par le secteur public, adossé et dimensionné à la valeur de l’actif (maison, lot de copropriété…). Cette dernière mesure a été retenue par le gouvernement qui a annoncé la création d'un « prêt avance rénovation » pour les ménages fragiles n’ayant pas accès aux crédits bancaires, sur le modèle du prêt avance mutation. Ce prêt financera le reste à charge des travaux en reportant le remboursement de l'emprunt au moment de la vente du logement.

  

Ce rapport et ses propositions, dont celle sur “Mon accompagnateur rénov” pourraient venir ébranler la mise en place du SPPEH, déjà perturbée par l’arrivée récente du programme SARE pour compenser la perte des financements pour les plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE) octroyés jusqu’alors par l’ADEME. AMORCE restera vigilant dans la mise en place de ces mesures, en continuant à se mobiliser pour que le SPEEH conserve son caractère de service public et puisse garantir un accompagnement de qualité des ménages jusqu’à la phase travaux.

 

 Contacts: Clémence Folleas, Camille Filancia