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30 août 2023 - Actualités

Le décret relatif aux usages et aux conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées est publié

Le Décret n° 2023-835 relatif aux usages et aux conditions d'utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées a été publié le 29 août 2023. Plusieurs changements depuis la version déposée en consultation publique en juin 2023 sont à noter. AMORCE les décrypte dans cet article.

Ce décret abroge le décret du 10 mars 2022 mais précise toutefois que les autorisations délivrées sur son fondement demeurent valables jusqu'à leur échéance.

 

La logique du législateur en fait un décret socle sur les conditions d’utilisations et procédure d’autorisation des Eaux de Pluie (EdP) et des Eaux Usées Traitées (EUT). Il sera complété par des arrêtés par usages dont les premiers seront pour l’utilisation d’EUT pour l’arrosage des espaces verts et pour l’irrigation agricole. Ils étaient en consultation publique au mois de juin 2023. L’analyse de ces textes a fait l’objet d’un webinaire AMORCE dont le replay est accessible ici.

 

Les dispositions communes sur les EdP et aux EUT

 

Le décret précise que les EdP peuvent être utilisées sans procédure d’autorisation. Dans ce décret les EdP sont définies comme telle : « Pour l'application de la présente section, on entend par “eaux de pluie” celles issues des précipitations atmosphériques collectées à l'aval de surfaces inaccessibles aux personnes en dehors des opérations d'entretien et de maintenance. »

 

Les utilisations d’EUT sont soumises, elles, à autorisation selon les conditions de ce décret et des arrêtés par usages. Les EUT dont l’utilisation est possible avec traitement complémentaire sont issues :

  • Des systèmes d’assainissement dont ont la charge brute de pollution organique est supérieure à 1,2 kg de demande biologique en oxygène sur cinq jours (DBO5) par jour et dont les niveaux de traitement fixés par l'arrêté d'autorisation ou de prescriptions particulières sont respectés ;
  • Des installations classées ICPE
     

Sont exclues les eaux usées issues d'une installation de traitement reliée à un établissement de collecte, d'entreposage, de manipulation après collecte ou de transformation des sous-produits animaux de catégories 1 ou 2, à moins que ces eaux usées aient été préalablement traitées thermiquement à 133°C pendant vingt minutes sous une pression de trois bars.

 

Enfin cette section donne une liste des lieux d’utilisation et usages ou les EdP et les EUT ne peuvent être utilisées.

 

Sur la partie EdP en particuliers, les informations inscrites dans ce décret contredisent très fortement l'arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments et, à première lecture, va dans le sens contraire d'une facilitation de leur utilisation. 

 

La sous-section 2 est dédiée à la procédure d’autorisation pour les EUT uniquement

 

Elle précise que le dossier de demande d’autorisation contient :

  • Une lettre de demande et l’engagement des différents acteurs « producteurs », « utilisateurs » d’EUT et « parties prenantes ».
  • Une description du milieu récepteur
  • Une évaluation des risques et des mesures préventives et correctives
  • Description des modalités de contrôle surveillance entretien
  • Les informations sur les conditions écologiques du projet
  • Description des informations du cahier sanitaire
     

Le décret ajoute qu’un arrêté du ministre de l’Environnement précise le contenu du dossier de demande d’autorisation. À noter que, pour le moment, l’arrêté du 28 juillet 2022 relatif au dossier de demande d'autorisation d'utilisation des eaux usées traitées est toujours en vigueur même s’il fait encore référence au décret du 10 mars 2023. On peut attendre qu’il soit abrogé et remplacé par un nouvel arrêté sur ce point.
 

Le silence du préfet dans les 6 mois à compter de la réception du dossier de demande d’autorisation vaut refus. Ces 6 mois sont étendus à 8 mois si besoin de l’avis de l’ARS. A ce sujet il avait été remonté que cela pouvait décourager les porteurs de projet.

 

Pas de changement dans le contenu de l’arrêté préfectoral d’autorisation par rapport à ce qui était inscrit dans le décret du 10 mars 2022 hormis le retrait de l’autorisation à durée limitée.

 

Ce qui change

 

Ce décret poursuit la même logique que la version qui avait été soumise à la consultation du public tout en clarifiant certains points dans sa forme et son fond. 

 

On peut noter :

  • le retrait de la limitation au caractère épandable des boues pour l’utilisation d'EUT qui était présent dans le décret du 10 mars 2022 et la version en consultation publique du nouveau décret. AMORCE s’en félicite car c’est un point qu’AMORCE avait été soulevé depuis plusieurs mois car il limitait l’émergence de projet au vue de l’évolution réglementaire attendues sur le socle commun.
  • le retrait de la notion d’Eaux Non Conventionnelles (ENC) qui était introduite dans la version en consultation. AMORCE avait souligné que la définition donnée n’était pas en accord avec la définition partagée par le groupe de travail national sur les ENC animé par l’ASTEE et les Ministères de la Transition Écologique et de la Santé. Toutefois cela permettait d’introduire une notion générale sur les ENC et l’espoir d’un cadrage réglementaire pour toutes les ENC et non siloté par type d’eau.
  • La procédure d’autorisation est relativement similaire à celle du décret du 10 mars 2022 mais modifie les points suivants :
    • le décret permet l’usage de l’EUT sur d’autres départements avec le dépôt de dossier dans le département de production ;
    • les avis du CODERST et de l’ARS ne sont plus nécessaires dans le cas où les exigences de qualité pour les usages fixées par arrêtés sont respectée
    • il supprime la demande d’avis de la CLE sur le projet ;
    • il met fin à l’autorisation à durée limitée introduite par le décret du 10 mars

 

Ainsi dans le même sens que ce qui avait été remonté lors de la consultation publique de ce décret, AMORCE note que ce texte lève certains des freins qu’AMORCE a soulevé ces derniers mois notamment la fin de l'autorisation à durée limitée. 
 

Le texte ne reprend pas cependant les recommandations principales du groupe de travail national sur les Eaux Non Conventionnelles dont AMORCE était copilote du sous-groupe de travail sur les usages urbains avec ECOFILAE.
 

AMORCE souhaite une simplification pour sortir d’une réglementation silotée par type d’eau et type d’usage afin de permettre le multi-source et le multi-usages qui sont essentiels à la pertinence technique et économique des projets de recours aux ENC. AMORCE recommande d’appliquer la logique du règlement européen en définissant des niveaux de qualité attendus par usages et des barrières pour y déroger. Il y a de fortes attentes des acteurs à voir émerger un cadre réglementaire clair sur l’ensemble du territoire pour le recours à d’autres types d’eaux comme les eaux de vidange de piscine, eaux d’exhaure ou encore eaux pluviales...

 

AMORCE s'interroge sur le sens donné à ce décret sur les EdP qui semble être un recul sur les possibilités d'usages et de lieux et va travailler à la clarification de ces éléments avec le MTE et le MSS.

 

AMORCE alerte toutefois sur le fait que des réflexions doivent être menées sur la définition du modèle économique des projets de recours aux eaux non conventionnelles dont le coût est souvent prohibitif en faveur de l’utilisation d’eau potable. 

 

AMORCE organise un webinaire sur l'acceptabilité sociale des ENC le jeudi 23 novembre 2023 de 14h30 à 16h30. Ce sera l'occasion de partager le décryptage des nouveaux textes réglementaires.

 

Contact : Claire Forite