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04 juillet 2024 - Actualités

Le Conseil d'Analyse Économique rend son rapport sur l'efficacité de la politique de rénovation énergétique des logements

La rénovation énergétique est cruciale pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et réaliser des économies d'énergie significatives. La rentabilité est le principal indicateur pour déterminer si les particuliers sont incités à entreprendre des travaux de rénovation. Cependant, selon une analyse du Conseil d’Analyse Économique (CAE), seulement 5 % du parc immobilier est considéré rentable à rénover par les particuliers en raison des multiples freins à l'investissement.

Décryptage de la note du Conseil d’Analyse Économique sur l’efficacité énergétique des logements.

 

La Stratégie Nationale Bas Carbone, s’est fixée comme objectif 370 000 rénovations performantes par an. À partir de 2030, cet objectif passe à 700 000 rénovations pour atteindre d’ici 2050 un parc immobilier presque entièrement composé de logements à basse consommation. Cependant, ces objectifs s’avèrent ambitieux au regard du rythme actuel de rénovations performantes : 66 000 en 2022 d’après l’Agence national de l’habitat (Anah).

 

Coûts et bénéfices privés de la rénovation 

 

Avant de décider d’entreprendre des travaux de rénovation, les ménages doivent prendre en compte les coûts et bénéfices de cette action. La plupart du temps, seuls les bénéfices financiers sont intégrés à leurs réflexions.

 

Coûts des travaux :

  • Les coûts techniques, essentiellement les frais de matériel et la main d’œuvre
  • Le coût d’opportunité de l’épargne utilisée ou le coût de crédit si un emprunt a été fait
  • Les coûts induits (audit énergétique, temps passé à trouver un artisan, élaboration de dossier de demande d’aide...)

 

Bénéfices des travaux : 

  • Économies d’énergies donc réduction de la facture énergétique
  • Amélioration du confort dans le logement et donc parfois de la santé des occupants
  • Augmentation de la valeur « verte » du logement

 

Quel modèle pour la rénovation performante ? 

 

La sortie des énergies fossiles dans le chauffage des logements est un élément important de la décarbonation des logements, mais doit être accompagné de gestes sur l’enveloppe, ainsi que sur la ventilation. En effet, les gains carbone sont moins élevés lors d’un seul changement de chauffage que lors d’une rénovation globale (la décarbonation de la consommation doit être liée à sa réduction). De plus, l’installation généralisée des pompes à chaleur (PAC) sans isolation est incompatible avec les scénarios RTE sur le futur du système électrique. Finalement, une surconsommation d’électricité peut exister avec l’installation de PAC sans isolation entrainant un surcoût pour les ménages.

 

De cette manière, le traitement de l’enveloppe est le geste prioritaire pour une rénovation performante, accompagné de la décarbonation des usages thermiques avec des travaux se limitant au maximum à 3 étapes sur un durée limitée de 5 ans. 

 

L’ampleur de la rentabilité « privée » des rénovations

 

Les premiers résultats montrent que dans un marché de la rénovation parfait, dans 26 % du parc des logements privés la rénovation performante est considérée comme rentable, sans nécessité de faire appel à des aides publiques. Or, la part des logements rentables à la rénovation performante tombe à 5 % si on prend en compte les barrières limitant la rénovation

 

Le premier frein relevé par l’étude est le fait que, en moyenne, les ménages accordent moins d’importance aux bénéfices futurs que les pouvoirs publics. Cela impacte donc négativement la rentabilité privée des rénovations. Un deuxième obstacle est le financement des travaux, en effet certains ménages se voient refuser des crédits pour des raisons de solvabilité. Ensuite, dans le parc locatif, les propriétaires peuvent avoir des coûts supplémentaires liés à l’attente de la vacance du logement pour entreprendre les travaux ou reloger le locataire. Dans le même temps, dans le parc locatif, la répercussion du coût des travaux sur le loyer n’est pas toujours possible. Finalement dans l’habitat collectif, les problèmes de coordination et de répartition disproportionnelle des bénéfices des travaux peuvent ralentir la rénovation.

 

Une meilleure rentabilité grâce aux bénéfices sociaux  

 

En plus des bénéfices privés, la rénovation performante entraîne aussi des bénéfices collectifs. On trouve dans un premier temps des bénéfices environnementaux grâce à l’isolation et au remplacement du système de chauffage vers des alternatives moins carbonées. Dans un deuxième temps, la rénovation énergétique peut provoquer des effets sanitaires positifs. En effet, un logement mal isolé peut exposer son occupant à des températures basses ce qui peut engendrer des maladies cardiovasculaires et augmenter le risque de mortalité. 

 

C’est ainsi que, en prenant en compte les bénéfices sociaux de la rénovation performante et en levant les barrières à la rénovation, la part des logements rentables augmente à 55 % ce qui représente une réduction de 70 % des émissions de CO2 du parc résidentiel. 

 

L’ensemble de ces résultats montre que pour atteindre une partie des objectifs nationaux climatiques et énergétiques, le soutien public à la rénovation performante de logements est essentiel afin de surmonter les obstacles à la rénovation.

 

Rénover l’action publique 

 

À la suite de ces constats, le CAE partage ses recommandations pour changer la situation des aides et l’action publique afin d’accélérer la rénovation performante des logements. Il préconise ainsi : 

  • L’augmentation et la pérennisation pluriannuelle du budget consacré à la rénovation énergétique de l’ordre de 8 milliards d’euros annuel;
  • Le remplacement du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) par une contribution directe des fournisseurs d’énergie au budget de MaPrimeRénov’ ;
  • Le ciblage des passoires énergétiques et le renforcement du financement de la rénovation performante via MaPrimeRénov’ ;
  • L’expérimentation d’une démarche « d’aller-vers » les propriétaires au sein de France Rénov ;
  • La mise en place d’une modulation des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO) pour l’acquéreur d’un logement noté F ou G, qu’il se verrait remboursés en cas de rénovation énergétique à court terme ;
  • La simplification de l’octroi de la labellisation Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) avec un service public de qualité ex-post ;
  • La consolidation de la statistique publique pour améliorer le repérage et le pilotage à la rénovation.

 

Ces préconisations rejoignent les positions défendues par AMORCE depuis de nombreux mois, telles que :

  • Le renforcement du financement de la rénovation performante, tel qu’il était prévu au début de l’année, et qui désormais être effectif au 1er janvier 2025 ;
  • La mise en place d’une loi de programmation pluriannuelle des logements, permettant de pérenniser le financement de la rénovation énergétique ;
  • La territorialisation des aides MaPrimeRénov’, et le suivi de la politique locale de l’habitat, en fonction de la dynamique de rénovation partagée sur le territoire, en lien avec les objectifs définis dans les documents de planification territoriaux ;
  • Le renforcement du Service Public de la Rénovation de l’Habitat (SPRH), avec la mise en place d’un point d’entrée obligatoire au sein de l’Espace Conseil France Rénov’, et le renforcement du rôle des collectivités dans le droit de contrôle et d’animation des réseaux des professionnels de leur territoire.

 

Contacts : Dhan DELGADO, Maxime SCHEFFLER