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12 juillet 2024 - Actualités

La nouvelle filière des batteries aura-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Le 1er juillet dernier, l'État a mis en consultation les projets de décret de définition de la filière des batteries et d’arrêté portant cahier des charges des éco-organismes. Cette opération a pour objectif de mettre les obligations des éco-organismes en cohérence avec les dispositions du règlement européen du 12 juillet 2023. Les ambitions de la filière se trouvent sensiblement rehaussées. Des doutes subsistent néanmoins sur les moyens à mobiliser pour atteindre les objectifs.

Mieux répondre au développement massif de l’utilisation de batteries

 

La numérisation de la société et le développement de la mobilité électrique sont des marqueurs de nos nouveaux modes de vie et des éléments clés de la transition écologique. Pour autant, leur corollaire est la gestion du cycle de vie des batteries des appareils qui contribuent à cette évolution sociétale et qui servent à l'alimentation énergétique de ces appareils, avec la gestion de leur impact sur l'environnement qui en découle.

 

L'Union européenne s'est saisie de cette problématique 

 

L'arsenal législatif européen sur les piles et accumulateurs portables (dont automobiles) datait d'entre 2006 et 2010. Sa refonte et son adaptation aux enjeux actuels étaient rendus nécessaires. Le Parlement et le Conseil européen ont adopté le 12 juillet 2023 un règlement couvrant l'ensemble du cycle de vie de tous les types de batteries, désormais au nombre de cinq : 

  • Batteries portables de moins de 5 kg
  • Batteries de moins de 25kg destinées aux moyens de transports légers (MTL)
  • Batteries de démarrage, d'éclairage et d'allumage (batteries SLI)
  • Batteries industrielles de plus de 5 kg
  • Batteries de plus de 25 kg destinées aux véhicules électriques (VE)

 

Le nouveau règlement renforce en particulier les exigences en matière :

  • de durabilité, de sécurité, d’étiquetage, de marquage et d’information pour autoriser la mise sur le marché ou la mise en service de ces batteries au sein de l’UE,
  • de responsabilité élargie des producteurs (REP) avec de nouveaux objectifs de collecte et de traitement des déchets de batteries ainsi qu’en matière de communication d’informations et de reporting,
  • d'accessibilité et de facilité de remplacement des batteries portables par les consommateurs.

 

La France s'appuie sur ces dispositions pour bâtir ses textes

 

L’État a décidé de traduire les dispositions du nouveau règlement européen sur les batteries dans un projet de décret qui refond le périmètre historique de la REP sur les batteries portables et les accumulateurs. Les batteries reprennent les cinq catégories définies dans le règlement européen qui correspondent davantage aux usages actuels. Le texte renforce également la circularité de la filière tant par l’amélioration de la traçabilité des batteries tout au long de son cycle de vie, que par l’intégration des nouveaux acteurs effectuant la réparation, le réemploi et le remanufacturage des batteries puisqu’ils sont désormais considérés comme producteurs. 

 

Une filière plus ambitieuse…

 

Les objectifs fixés au cahier des charges présentent un défi important pour la filière. Les taux de collecte doivent passer de 45 % en 2024 à 73 % en 2030 pour les batteries portables, à comparer au taux de collecte de la filière agréé en 2020 qui est de l'ordre de 50,8 % (SYDREP). Pour les moyens de transport légers (MTL), ils seront fixés à 51 % en 2028 et 61 % en 2031 pour une filière qui se déploie de manière volontaire depuis 2020. En 2023, les deux éco-organismes ont collecté près de 200 tonnes de batteries de MTL, soit environ 10 % des mises en marché de ce type de produits (rapports d’activité SCRELEC et COREPILE). Les éco-organismes pourront se positionner sur tout ou partie des catégories de batteries.

 

En revanche, la réparation, le réemploi et le remanufacturage ont échappé à la volonté des producteurs qui souhaitait supprimer les objectifs sur ces sujets à l’occasion de l’examen des textes en CIFREP, ce à quoi tous les autres collèges se sont opposés. 

 

Enfin, les deux textes introduisent de nouvelles dispositions afin de lutter contre les risques liés à la présence des batteries au lithium par la généralisation de la reprise séparée des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) avec et sans batteries par les distributeurs, la collaboration des éco-organismes agréés sur la filière batterie et de la filière des DEEE pour lancer un appel à projets sur le repérage précoce des éléments présentant un danger dans le tri et le traitement des DEEE équipés de batteries. Par ailleurs les opérateurs seront soutenus pour améliorer l’identification et la séparation des batteries au lithium.

 

… mais qui ne révolutionne pas les moyens d’atteindre les objectifs

 

Si le projet de décret impose la reprise sans frais et sans seuil des batteries pour les enseignes de la distribution, le cahier des charges, lui, n’impose aucun objectif de déploiement de points de collecte par zone et par canaux de collecte afin d’opérer le « saut de performance » d’ici 2030. Une fois n’est pas coutume, le cahier des charges ne précise pas le niveau de prise en charge des coûts de collecte supportés par les collectivités pourtant fixé à 80 % par la directive déchets de 2008 modifiée par la directive n°2018/852 du 30 mai 2018. En effet, seule la filière des emballages ménagers fait l’objet d’une évaluation des coûts partagé avec les parties prenantes et faisant foi pour le suivi du taux de prise en charge.

 

Par ailleurs, le texte laisse la définition des moyens techniques et financiers à l’initiative des éco-organismes, dans le cadre du contrat type qui doit figurer à la demande d’agrément. Il faut rappeler que l’initiative de SCRELEC, saluée par les associations de collectivités, et qui consistait à verser un soutien aux collectivités, avait suscité beaucoup d’émois dans une filière qui n’était pas soumise à la coordination (voir article du 24 novembre 2022). Enfin, AMORCE craint que la gestion des déchets de batteries dans les déchèteries soit fortement impactée par les nouvelles normes pour éviter les risques (incendies) inhérents aux déchets de batteries au lithium, ce qui pourrait renchérir les coûts supportés par les collectivités.

 

Enfin, AMORCE a interpellé les services de l’État sur la nécessité de généraliser le mécanisme de sanction des éco-organismes envisagé dans la filière des emballages ménagers afin de les inciter à réellement mettre les moyens nécessaires à l'atteinte de leurs objectifs.

 

AMORCE demande donc à : 

 

  • L’établissement d’objectifs de déploiement des points de collecte par canaux de collecte et notamment pour les moyens de transport légers ;
  • La prise en charge à 80 % des coûts de collecte des batteries en lien avec une évaluation nationale des coûts de référence ;
  • Des sanctions à l’égard des éco-organismes en cas de non atteinte des performances.

 

AMORCE invite ses adhérents à participer à la consultation publique en ligne accessible ici.

 

Contact : André LEGER