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04 février 2021 - Actualités

La future réglementation environnementale (RE2020) : une concertation qui suscite de nombreuses réactions !

La date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments neufs, à l’été 2021, pourra-t-elle être tenue ? Ce n’est pas sûr aujourd'hui étant données les craintes que suscitent les textes soumis à consultation par le ministère de la Transition écologique fin 2020.

Actualité extraite de la Lettre aux Adhérents n°70 de janvier-février 2021

 

A ce jour, les textes (décret "Exigence et méthode RE2020", arrêté "Exigence RE2020”, arrêté "Méthode RE2020") ont été soumis pour avis au Conseil Supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) qui s’est réuni le 12 janvier mais n’a pas pu donner d’avis favorable ou défavorable. En effet, plusieurs sujets d’inquiétude sont portés par la filière bâtiment : la date d’entrée en vigueur de la RE2020, la méthode retenue pour l’analyse de cycle de vie, les exigences considérées trop ambitieuses sur l’enveloppe via le “BBio” (besoin bioclimatique qui représente l’efficacité énergétique du bâti) et l’exclusion franche du gaz. Ces points ont visiblement amené le CSCEE à ne pas donner d’avis sur ce point fin décembre puis début janvier. Une nouvelle réunion du CSCEE est prévue fin janvier.

 

Ces sujets ne sont pas ceux sur lesquels AMORCE oriente ses prises de positions : sur le niveau d’exigence associé à l’enveloppe, un consortium de bureaux d’études (Isolons la Terre, FFTB, FILMM, EDF, Crigen, Uniclima IGNES et SIM Béton) a mené une étude visant à mesurer les impacts RE2020 sur l'enveloppe principalement : l'objet principal était de vérifier que l'objectif de Bbio -30% sur les bâtiments est à la fois assez ambitieux et atteignable sans surcoût démesuré (nota : le collectif Effinergie, très impliqué dans la définition de la RE2020, portait plutôt BBio -40% initialement). A quelques détails techniques près (qui ont leur importance !), le collectif est favorable à cet objectif de réduction des consommations de l’enveloppe de 30% sur les maisons individuelles et le logement collectif. Sur le point de l’exclusion de facto du gaz des maisons individuelles dès 2021 et des logements collectifs à compter de 2024, AMORCE partage cette mesure qui va dans le sens de la transition énergétique. Reste le calendrier d’entrée en vigueur qui dépendra bien sûr de la vitesse à laquelle les différents sujets pourront être résolus.

AMORCE s’est en particulier impliquée sur le volet des choix énergétiques qui risquent d’être orientés par la RE2020 et a envoyé le 23 décembre dernier une note au cabinet ministériel de Barbara Pompili demandant à ce que :

  1. les seuils pour l'indicateur “IC” ou “impact carbone” des bâtiments soient portés de manière transitoire à des valeurs permettant que ceux-ci soient raccordables à tous les réseaux de chaleur à plus de 50% ENR&R entre 2024 et 2030 ;
  2. les facteurs d’émission de gaz à effet de serre définis pour chaque énergie soient soumis à l’avis d’une instance indépendante telle que le Haut Conseil pour le Climat.

 

Nous vous laissons vous référer à notre article de la LAA n°69, qui détaille nos inquiétudes en particulier sur la place que vont avoir les réseaux de chaleur, y compris vertueux, dans cette réglementation, à la faveur des solutions électriques (PAC, y compris les moins performantes, et effet joule).  

 

Sur le sujet du positionnement des réseaux de chaleur dans la réglementation environnementale, plusieurs pistes ont été évoquées.

  • La première est celle qu’AMORCE défend, qui consisterait à réajuster les seuils d’émissions de carbone proposés afin que ceux-ci permettent de raccorder les bâtiments neufs aux réseaux vertueux en prenant en compte les émissions de CO2 en ACV (en analyse de cycle de vie, c’est-à-dire en prenant en compte la construction et l’exploitation) réalistes, en accord avec la trajectoire de verdissement des réseaux de chaleur prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. On peut rappeler que cette trajectoire est la plus ambitieuse, et de loin, pour les réseaux de chaleur, par rapport aux autres réseaux énergétiques. Depuis, notre dernier article, la Fédération des services énergie environnement (FEDENE), en charge du calcul des émissions en ACV des réseaux de chaleur, a précisé ses analyses et indique : “La RE2020, en introduisant un seuil de EGES final de 6 kg CO2/m²/an en 2024, impose par voie de conséquence à l’ensemble des réseaux pris individuellement d’atteindre un taux d’EnR&R minimum de 71% en 2024 (1), soit une obligation plus contraignante que la LTECV (la loi de transition énergétique pour la croissance verte) en 2030, qui revient à atteindre 65% viale quintuplement de la chaleur EnR&R dans les réseaux.”
  • La seconde piste envisagée par le ministère est celle d’un titre V permettant de prendre en compte les futurs taux d'énergies renouvelables et de récupération (ENR&R) de chaque réseau, après mise en œuvre du plan de verdissement. Cette piste ne nous semble néanmoins pas acceptable tant par le fait expliqué ci-dessus que les seuils tels qu’annoncés aujourd’hui pour la RE2020 sont plus élevés que les valeurs auxquelles pourront prétendre nombre de réseaux après verdissement, que par le fait que les délais d’études, de mise en concurrence et d’instruction des Titres V nécessiteraient de déposer des dossiers d’ici fin 2021, rendant le dispositif inopérant.
  • La dernière piste pourrait consister en une possibilité de déroger à la valeur maximale de l’impact carbone pour les bâtiments raccordés à un réseau de chaleur (ou éventuellement à un réseau de chaleur classé, puisque le classement va devenir plus systématique à compter du 1er janvier 2022) mais il semblerait qu’il soit trop tard pour demander au CSCEE de se positionner pour une dérogation pour les réseaux de chaleur. De plus, la solution de la dérogation crée un cas particulier, alors que ce ne serait pas nécessaire si les seuils étaient fixés de façon à permettre aux solutions vertueuses comme les réseaux de chaleur à plus de 50% d’ENR&R d’être retenues par les maîtres d’ouvrage, sans toutefois permettre de revenir sur l’exclusion des solutions de chauffage non vertueuses, à savoir le gaz. Pour cette raison, cela ne nous semble pas une piste à poursuivre.

 

Sur le sujet connexe du choix, car il s’agit bien d’un choix avant d’être un calcul, des facteurs d’émission de CO2 des énergies et en particulier de l’électricité, AMORCE n’a pas eu pour l’instant de retour du gouvernement sur la possibilité de le soumettre à une instance indépendante telle que le Haut Conseil pour le Climat. 

 

En parallèle, il faut noter que l'ADEME anime actuellement un travail pour mettre à jour sa Base Carbone®, et en particulier la valeur du facteur d'émission de l'électricité pour l'usage chauffage. La Base Carbone® est une base de données publique de facteurs d'émissions qui sont nécessaires à la réalisation des bilans d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et plus généralement tout exercice de comptabilité carbone. Administrée par l'ADEME, elle est la base de données de référence de l'article 75 de la loi Grenelle II, relatif à l’obligation de réalisation d’un Bilan GES pour les entreprises de plus de 500 salariés, les établissements publics de plus de 250 agents et les collectivités de plus de 50 000 habitants.


Sans que ce travail animé par l’ADEME sur facteur d'émission de l'électricité pour l'usage chauffage, ne remette en cause le choix unilatéral du gouvernement d'utiliser la méthode dite “mensualisée” aboutissant à 79 gCO2/kWh dans la RE2020, il viserait à proposer une valeur alternative qui ferait consensus, serait en co-affichage avec la valeur issue de la méthode mensualisée et pourrait être utilisée à d'autres fins que la RE2020 (en particulier des bilans GES). Les méthodes alternatives proposées à ce jour par l'ADEME et Engie démontrent davantage de  corrélation entre le contenu carbone de pointe électrique avec l'usage chauffage et donnent des valeurs entre 150 et 200 gCO2/kWh, soit plus de deux fois plus élevées que celle de la méthode mensualisée défendue par le gouvernement et EDF pour la RE2020.

 

Pour finir sur les actions à venir d’AMORCE et de ses partenaires, la rédaction d'un courrier commun du Club de la chaleur renouvelable à l'attention de la Ministre Barbara Pompili relatif à la RE2020 et au décret tertiaire (qui, sur le volet des bâtiments tertiaires existants, fait peser sur les réseaux de chaleur et de froid, et sur la chaleur renouvelable en général des menaces similaires à celles de la RE2020), pour demander que ces nouvelles réglementations ne handicapent pas le développement des filières de chaleur renouvelable, est en cours. Par ailleurs, AMORCE a cosigné un courrier à l’attention des Parlementaires avec un plus grand nombre d’acteurs pour demander à rouvrir la concertation sur cette réglementation environnementale.

 

Contacts : Romain JACQUET, Julie PURDUE, Clémence FOLLEAS, Laurène DAGALLIER