01 mai 2019 - Actualités
La consigne pourrait remettre en cause la filière REP Emballages
Actualité extraite de la LAA 60 de Mai 2019
À l’heure de la généralisation de l’extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages, le développement de la consigne inquiète les collectivités au plus haut point. La question du retour de la consigne constitue un sujet d’actualité majeur. Elle figure tout d’abord parmi les principales mesures plébiscitées par la Feuille de route économie circulaire pour enclencher une dynamique de mobilisation générale sur 5 ans pour accélérer la collecte des emballages recyclables, les bouteilles plastiques et les canettes, en priorité dans les zones où les taux de collecte sont les plus bas. De plus, elle constitue le principal schéma organisationnel mis en avant dans de nombreux pays européens seul à même de répondre aux objectifs de la récente directive sur les plastiques à usage unique de collecte de 90 % des bouteilles et flacons en PET à horizon 2029.
Dans ce contexte, mais aussi pour compenser une image environnementale très dégradée, certains metteurs en marché de boissons (Coca Cola, Nestlé, …) se sont regroupés au sein du Collectif Boissons pour s’emparer du sujet. Une étude a été lancée à l’automne dernier pour évaluer la faisabilité de la mise en place d’un système de consigne sur leurs propres produits. Si cette étude s’avérait concluante (résultats attendus pour fin mai), ces metteurs en marché pourraient, à terme, mettre en place un système volontaire de collecte et recyclage de leurs propres emballages dans la cadre de la REP emballages ou en dehors, ce qui pourrait avoir pour conséquence de remettre en cause toute l’organisation actuelle de la filière et mettre en péril l’activité de CITEO.
Ces dernières années, des appareils ou organisations de consignes portés par des initiatives privées apparaissent sur le territoire. Loin des anciennes consignes visant par exemple à réutiliser les bouteilles de lait, les dispositifs développés s’apparentent davantage à des moyens de collecte complémentaires proposant une gratification du geste de tri en marge du dispositif actuel de collecte et de tri des emballages dans le cadre de la REP emballages.
La consigne pour recyclage actuellement en débat propose une rémunération du geste de tri plus ambitieuse basée sur la restitution d’une somme consignée sur l’emballage lors de l’acte d’achat. En fonction des scénarii qui seraient promus, les emballages concernés pourraient ne plus payer l’éco-contribution de la REP qui serait remplacée par une consigne directement payée par le consommateur. Des bornes de déconsignation seraient installées essentiellement sur le domaine privé pour collecter les emballages (essentiellement les emballages de boisson en plastique) qui seraient ensuite bien orientés vers les mêmes exutoires de recyclage que ceux actuellement mobilisés dans le cadre de la REP emballages mais en empruntant des circuits logistiques privés en dehors du SPGD.
La coexistence d’un système de consigne sur les bouteilles en PET comme sur les canettes en aluminium en dehors du champ de la REP emballages aurait donc une incidence directe sur des collectivités qui se verraient privées d’un flux actuellement collecté par le SPGD et pour lequel les collectivités perçoivent des soutiens de la part de CITEO (environ 600 €/tonne pour les bouteilles et flacons en PET et 400 €/tonne pour les canettes en alu hors majorations à la performance) et des recettes de la revente des matériaux (de l’ordre de 300 €/tonne en moyenne pour le PET clair, 80 €/tonne pour le PET foncé et 175 €/tonne pour l’aluminium de collecte sélective). Au global c’est donc une perte financière comprise entre 240M€ et 300M€ pour les collectivités à terme si les bouteilles en PET sortaient du cadre de la REP emballages pour intégrer un système de consigne. Par ailleurs, des investissements importants sont réalisés pour moderniser et adapter les centres de tri actuels à l’extension des consignes de tri. Si la consigne venait à se généraliser, les collectivités se retrouveraient avec des équipements surdimensionnés et l’amortissement des investissements ne pourrait être assuré avec les soutiens et recettes de la REP emballages. En contrepartie les collectivités continueraient de supporter la charge de la collecte et de la valorisation des autres emballages en plastiques dont la plupart ne sont pas recyclables et donc plus coûteux à valoriser ou à éliminer condamnant ainsi l’extension de la consigne de tri à l’ensemble des emballages.
De plus l’équilibre économique du système actuel au sein de la REP emballages pourrait se retrouver également déstabilisé. En effet, la collecte séparée et le recyclage des emballages sont financés par les éco-contributions levées en proportion des coûts relatifs à chaque catégorie de matériaux : au sein du matériau plastique, les éco-contributions des bouteilles paient en partie aujourd’hui les investissements à réaliser pour développer le recyclage des pots et barquettes dans le cadre de l’extension de consigne. Le retrait des bouteilles PET de la REP emballages pourrait donc complètement remettre en cause l’équilibre économique de ce matériau au sein de la REP emballages voire mettre en péril CITEO.
La perte de moyen pour l’éco-organisme liée à la perte des éco-contribution des bouteilles de PET devrait nécessairement être compensée par une révision du barème à la hausse pour les autres emballages en plastique. Cette hausse importante de barème pourrait être contestée par les metteurs en marché et condamner CITEO par ricochet à réviser à la baisse les ambitions de recherche et le développement de nouveaux débouchés de recyclage pour les plastiques souples et les pots et barquettes à la hauteur de ses moyens qui serait révisés.
Pour AMORCE, si le système de consigne devait être relancé en France il devrait d’abord s’appliquer au gisement les plus nocifs et les moins collectés comme les piles, les petits appareils ménagers (téléphone portable, ordinateur, …), les déchets dangereux ou les seringues. Si la consigne devrait se développer sur les déchets d’emballages elle devrait alors concerner l’ensemble des emballages d’un même matériau par cohérence avec le dispositif actuel et pour éviter de le cannibaliser en laissant les emballages en plastique de moindre valeur et sans solution de recyclage à la charge du service public. Dans un autre registre elle pourrait d’abord concerner les emballages hors foyer. Au regard des résultats du MODECOM réalisé par l’ADEME en 2007 sur les OMR, la part des bouteilles et flacons en PET restante dans les OMR est de 2,4 kg/hab/an. Le taux de captage par le SPGD, à travers l’organisation actuelle, est donc relativement bon. La marge de manœuvre réside donc au niveau du hors-foyer donc en dehors du SPGD, où les performances sont très mauvaises par manque de dispositifs de collecte notamment (sur les manifestations, dans les lieux publics, dans les établissements de restauration rapide, ...). Par ailleurs le système de consigne pourrait avoir un intérêt pour les territoires insulaires (notamment les DROM-COM) dont les schémas de collectes présentent de moindres performances par rapport à la métropole.
AMORCE sera donc particulièrement vigilante pour que cette nouvelle stratégie de marketing environnementale des metteurs sur le marché de boissons ne remette pas en cause le dispositif collectif porté depuis 25 ans par le service publics de gestion des déchets. À ce stade des discussion, AMORCE invite donc ses adhérents à la plus grande prudence quant aux dispositifs de consignes qui leur sont proposés mais aussi en terme de d’investissement en matière de collecte sélective et de tri tant qu’un accord national garantissant la pérennité des collectes sélectives et du tri portés par les collectivités et leur opérateurs n’aura pas été confirmé.
Ce sujet complexe sera abordé lors de l’atelier “Quelle place pour la consigne ?” du colloque déchets qui aura lieu le 16 mai prochain à Paris.
Contacts : Jessica TILBIAN & Olivier CASTAGNO