20 décembre 2023 - Actualités
L'avenir des points d'apport volontaires fragilisé par le juge
Par ordonnance du 11 décembre 2023, le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse a ordonné la suspension de l’exécution du règlement de collecte et a enjoint à la Communauté de communes Cœur de Garonne de rétablir la collecte en porte-à-porte des déchets résiduels sur l’ensemble du territoire à raison au moins d’une collecte par semaine dans les zones agglomérées, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’ordonnance et sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
En l’espèce, la communauté de communes avait, en avril 2023, modifié son règlement de collecte en raison du déploiement, sur une partie du territoire, d’une collecte des OMR en apport volontaire, supprimant de fait la collecte en porte-à-porte. Cette modification était conjointe au déploiement de la tarification incitative effective depuis le 1er janvier 2023.
Par suite, la communauté de communes avait rejeté, en août 2023, le recours gracieux de l’association pour l’égalité des usagers de la communauté de communes Cœur de Garonne qui souhaitait voir annuler ledit règlement de collecte. L’association a alors saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Cet article permet « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Le juge a donc analysé la condition tenant à l’urgence, ainsi qu’à l’existence d’un doute sérieux relatif à la légalité des décisions contestées.
Sur le caractère urgent :
Le juge rappelle que l' « urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ».
En l’espèce, le juge a donné raison à l’association en se fondant sur des témoignages de certains usagers, en estimant que :
- La généralisation des points d’apport volontaires avait entraîné le développement de dépôts sauvages aux abords ou en périphérie des points et par conséquent d’odeurs nauséabondes aux abords des PAV ainsi que la présence de nuisibles ;
- Le système de points d’apport volontaires pénalisait les usagers les plus vulnérables, notamment les personnes âgées ou atteintes d’un handicap en raison de la hauteur à laquelle sont positionnées les trappes des containers ;
- La localisation des PAV obligeaient certains usagers à utiliser leur voiture pour déposer leurs déchets, risquant ainsi de souiller leur habitacle et potentiellement entraîner des risques sanitaires.
Le juge a donc estimé que l’ensemble de ces éléments suffisaient à caractériser une situation d’urgence, indiquant au passage qu’« aucun texte, et en particulier pas l’article R. 2224-24 du code général des collectivités territoriales, ne lui impose la mise en place de la modalité de collecte des déchets ménagers en point d'apport volontaire, pas plus que la mise en œuvre de la tarification incitative ».
Si aucun texte n’oblige effectivement au déploiement de la tarification incitative au sein des territoire, c’est sans compter les objectifs législatifs français et européens de réduction des déchets, et notamment l’article L541-1 du Code de l’environnement qui dispose que « les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d'une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions d'habitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 ».
De plus, le juge fait ici peser la responsabilité de la multiplication des dépôts sauvages sur la collectivité en raison de la mise en place des PAV, et ne retient aucunement l’incivilité de certains usagers, qui caractérise pourtant le phénomène de dépôt sauvage.
Sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées :
Le juge reprend les éléments précédemment cités (dépôts sauvages, odeurs nauséabondes aux abords des PAV, nuisibles, pénalisant pour certains usagers à mobilité réduite, risques sanitaires…) pour considérer que les moyens de collecte mis en œuvre à travers le règlement de collecte n’offrent pas « un niveau de protection de la salubrité publique et de l'environnement ainsi qu'un niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte à porte, le règlement litigieux méconnaît les dispositions du IV de l’article R. 2224-24 du code général des collectivités territoriales », et qu’il existe donc un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du 20 avril 2023 qui modifie et approuve ce règlement.
En outre, le juge revient sur les modalités pour réglementer la collecte.
Il est important effectivement de rappeler que le règlement de collecte doit être pris par arrêté de l’autorité de police compétente en matière de collecte (R2224-26 CGCT). C’est en principe le président de l’EPCI qui est compétent, sauf dans les cas où les maires se sont opposés au transfert de leur pouvoir de police spéciale permettant de réglementer la collecte des déchets (article L5211-9-2 CGCT). En cas d’opposition, c’est aux maires de prendre par arrêté le règlement de collecte.
La notion d’équivalence quant à la salubrité publique et le niveau de service n’avait fait jusque là l’objet que de très peu d’analyses jurisprudentielles. L’approche ici retenue par le juge semble dangereuse et pourrait placer de nombreuses collectivités dans des situations complexes. Sur la notion de salubrité, il est profondément injuste de faire porter sur la collectivité les conséquences des incivilités.
A noter que de nombreuses collectivités mettent en place d’importantes campagnes de communication relatives à la présence des PAV afin de sensibiliser les usagers sur la nécessité de conserver ces zones propres et recherchent des solutions afin d’intégrer au mieux ce mobilier urbain dans le paysage.
Aussi, sur le niveau de qualité service, certaines collectivités mettent en place par exemple des accords avec les auxiliaires de vie pour accompagner les personnes les plus vulnérables.
AMORCE déplore donc cette décision et reste, quoiqu’il en soit, attentive à la décision qui sera rendu par le Tribunal saisi du recours au fond.
Contact : Mégane Patissous