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24 novembre 2022 - Actualités

Le retour de la « consigne pour recyclage » des bouteilles plastiques !

Alors que l'échéance de 2023 sur la décision concernant l'opportunité de la mise en place d'un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et/ou réemploi approche à grand pas, l'ADEME lance deux études pour aiguiller le choix de l’État. AMORCE décrypte le contenu et les attendus de ces études.

La loi AGEC du 20 février 2020 a inscrit dans le droit français les objectifs européens de collecte en vue du recyclage et du réemploi des bouteilles plastiques de boisson issus de la directive sur les plastiques à usage unique (Directive SUP). Ils visent un taux de collecte de 77% des bouteilles de boisson en plastiques d’ici 2025 et de 90% d’ici 2029. Ces objectifs voulus et défendus par les industriels de la boisson pour verdir l’image des 500 milliards de bouteilles en plastiques vendues chaque année dans le monde ont été obtenus. Dans le même temps, la loi AGEC impose de manière plus cohérente une diminution de 50% des bouteilles de boisson à usage unique d’ici 2030 et le développement significatif de solutions d’emballages plastiques réemployables dont les bouteilles. 

 

Pour atteindre cet objectif de 90% de collecte sélective des bouteilles en plastique, les metteurs sur le marché promeuvent depuis plusieurs années, le déploiement d’automates de consignation des bouteilles en plastiques (mais aussi des canettes et emballages de boissons en cartons multicouches). Cette démarche avait fait l’objet d’une très vive polémique entre les metteurs sur le marché et les collectivités territoriales qui dénonçaient une remise en cause du service public de collecte sélective des emballages, une complication du geste de tri, au moment même où il devait être simplifié par l’extension des consignes de tri. Cette démarche était d’autant plus incompréhensible quand il était demandé que les autres emballages plastiques soient enfin collectés et recyclés ! Par ailleurs, les dispositifs de consignation étaient vus comme une prédation sur l’un des rares gisements d’emballages ayant une valeur et l’un des mieux collecté sélectivement et recyclé (70% des bouteilles consommées au foyer). Le financement de ce nouveau système faisait peser ainsi un surcout important pour les Français. Sans compter une forme de manipulation de la question de la pollution plastique en mer que la consignation pour recyclage des bouteilles plastiques ne résout absolument pas.

 

Cela avait finalement provoqué un arbitrage de la ministre de l’Écologie de l’époque, Elisabeth Borne, en faveur d’une clause de revoyure afin de permettre d’évaluer dans des conditions enfin sereines les bénéfices de l’extension des consignes de tri, la généralisation progressive de la collecte sélective hors foyer des bouteilles et le déploiement de la REP restauration qui devaient permettre d’améliorer significativement la performance globale de collecte sélective des bouteilles. De plus, l’expérimentation de la consigne sur le territoire de la Guadeloupe devait permettre d’analyser plus finement l’intérêt d’un tel système.

 

Pour alimenter les discussions qui auront lieu en 2023, l’État a missionné l’ADEME pour étudier :

  • D’une part la capacité du dispositif actuel à atteindre le niveau de performance en activant l’ensemble des leviers à sa disposition (extension des consignes de tri “ECT"), redevance incitative, communication nationale, systèmes de gratification, etc…). Cette étude est mise à jour chaque année. En 2020 et 2021, le taux de collecte est estimé à 57,6% et 61%. L’édition d’octobre 2022 est disponible sur la libraire ADEME.
  • D’autre part la pertinence technico-économique et environnementale de plusieurs scénarios de consigne de tri pour recyclage et réemploi dans le cas où le dispositif actuel ne permettrait pas d’atteindre les objectifs pour 2023. Les hypothèses de performances sont fixées à l'horizon 2025 et 2029. Une première étude avait été publiée au mois de février 2021.

 

Dans la continuité de l’étude de 2021, l’ADEME a lancé le 15 novembre dernier, le premier comité de suivi de l’étude « consigne pour recyclage des emballages de boissons : analyse comparée des impacts techniques, économiques et environnementaux » et du « benchmark européen des dispositifs de consigne pour réemploi et/ou recyclage des emballages ». Le comité de suivi réunit l’ensemble des parties prenantes (metteurs en marchés et distributeurs, associations de collectivités, de défense de l’environnement et des consommateurs, les fédérations professionnelles des métiers de la gestion des déchets etc…). Ces études doivent aiguiller la décision de l’État sur l’opportunité de la mise en œuvre d’un dispositif de consigne pour recyclage et/ou réemploi en 2023. 

Le cabinet Ernst&Young (EY) mandaté pour réaliser cette étude devra établir sept scénarios de consigne et un scénario hors consigne. Il devra définir pour chacun d’eux :

  • Le périmètre des emballages concernés (bouteilles plastiques seules ou bien tous les emballages de boisson dont les canettes en métal/alu et les ELA).
  • Les modalités d’organisation de la reprise, c’est-à-dire les types d’acteurs intégrés dans le système de reprise, les matériels de récupération des emballages (automates, manuels etc…)
  • Les modalités du recyclage (regroupement, massification, unités de tri et de recyclage)
  • Le montant de la consigne qui est déterminant pour l’acceptabilité à la fois des consommateurs et des producteurs pour permettre un taux de retour conforme aux exigences de la loi
  • L’évolutivité du système de consigne en lien avec la progression des objectifs de collecte des bouteilles de boisson et les objectifs de réduction des mises en marché de 50% d’ici 2030.

 

Concernant le scénario sans consigne, il devra étudier les marges de progression de la collecte en fonction du niveau de déploiement de l’ensemble des leviers d’actions de performance de la collecte à savoir : la finalisation de l’extension des consignes de tri, la généralisation de la collecte hors foyer dans l’espace public, le déploiement de la tarification incitative ou encore la mise en place de la filière de REP des emballages de la restauration. 

L’ensemble des scénarios sera validé par le comité de suivi. Ils feront l’objet d’analyses comparées sur les plans techniques, économiques et environnementaux. Sur le dernier aspect, l’ADEME assure que l’analyse du cycle de vie de chacun des scénarios sera réalisée selon les normes ISO 14040, 14044 et ILCD Handbook. Elle permettra d’analyser chaque étape du scénario depuis l’extraction des ressources à la fin de vie et identifiera les étapes les plus impactantes de chacun des scénarios.

 

Le benchmark européen des systèmes de consigne vise, quant à lui, à étudier de manière approfondie les différents modèles en vigueur en Europe afin de vérifier certaines données examinées dans les scénarios (périmètres, organisation, recyclage et consigne). Les acteurs ayant mis en place ces systèmes seront également interrogés. Le benchmark est censé identifier les compatibilités de transpositions à la situation française.

 

AMORCE déplore l’asymétrie de l’analyse entre les différents scénarios, puisqu’un seul scénario sans consigne sera étudié. Au niveau de la première étude, AMORCE propose qu’elle intègre une analyse spécifique des territoires français qui atteignent d’ores et déjà les performances de collecte des bouteilles imposées par l’Europe. Cette remarque est également transposable au benchmark à deux niveaux. Le premier est de proposer d’étudier le cas de pays qui ont fait le choix de ne pas développer la consigne pour recyclage et d’en connaitre les raisons ainsi que le dispositif alternatif mis en place. Le second niveau repose sur le recueil des réactions des acteurs de la consigne et notamment les usagers et les organisations locales (élus, associations) qui ont subi le passage à la consigne. 

 

Enfin, AMORCE a rappelé aux membres du comité de suivi et à l’ADEME qu’à date, aucune étude n’est encore parvenue à identifier les différents gisements de bouteilles collectés par les différents canaux (hors foyer géré par la puissance publique, hors foyer non géré par la puissance publique, la restauration etc…), à l’exception du SPGD dont les données sont largement documentées dans le cadre de la filière. Il est primordial de consolider l’ensemble de ces données avant de se prononcer sur l’opportunité d’un dispositif de consigne. En effet, à l’heure actuelle, l’effort principal de la collecte des bouteilles est porté par le SPGD et la mise en place d’un système de consigne revient à cannibaliser le gisement des collectivités. Ceci d’autant plus si le périmètre des emballages concernés s’étend à tous les emballages de boisson (canettes, ELA). Le bac jaune se réduirait ainsi à la collecte des flux de fibreux, avec un impact fort sur l’organisation technique et financière du SPGD. Enfin, AMORCE a demandé que l’analyse des coûts du dispositif de consigne ainsi que l’impact sur le SPGD soient évalués en fonction de coûts réels et non pas « optimisés » (de la même manière que lors des travaux du renouvellement d’agrément de la filière). L’ADEME a levé l’ambiguïté et confirmé que l’analyse serait réalisée en fonction des coûts réels. 

 

AMORCE demande donc : 

  • Le renforcement de l’étude du scénario sans consigne par une analyse fine des territoires ayant déjà atteint les objectifs européens y compris avec des dispositifs incitatifs différents de la consignation,
  • L’ajout d’une étude de cas de pays n’ayant pas fait le choix de la consigne pour atteindre l’objectif européen,
  • L’étude du positionnement et des réactions des acteurs (consommateurs, associations et élus locaux) ayant subi le déploiement d’un dispositif de consigne,
  • L’analyse économique des scénarios avec consigne et sans consigne ainsi que les impacts pour le SPGD aux coûts réels et non pas « optimisés »,
  • L’étude des vecteurs de démobilisation des citoyens et autres acteurs (prix de la consigne, hausse du prix des bouteilles, confusion des messages de simplification et l’apparition d’un nouveau mode de collecte, etc.).

 

AMORCE tiendra régulièrement ses adhérents informés de l’avancée des discussions nationales et appelle les collectivités à appréhender au mieux ce dossier en vue des débats locaux et des sollicitations médiatiques qui ne manqueront pas dans les prochains mois.

 

Contact : André LEGER