07 février 2024 - Actualités
Gestion des déchets en outre-mer : AMORCE, auditionnée par l’Assemblée nationale, lance un appel à l’action de tous les acteurs !
Le Sénat avait rendu fin 2022 un rapport sur la gestion des déchets dans les outre-mer. L'Assemblée nationale lui emboîte le pas. La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (DDAT) et la Délégation aux outre-mer (DOM) de l’Assemblée nationale ont organisé une table ronde sur cette thématique le 31 janvier dernier. Près d’une trentaine de députés issus de dix formations politiques ont pu échanger avec les intervenants, dont AMORCE. Tous les participants s’accordent sur le constat alarmant de la gestion des déchets dans les territoires ultramarins. Le temps de l’action est désormais venu. AMORCE appelle à l'engagement de tous les acteurs !
Cette table ronde était présidée par M. Jean-Marc Zulesi et M. Davy Rimane, respectivement présidents de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et de la Délégation aux outre-mer à l’Assemblée nationale. L’ADEME, l’ACCD’OM (association de collectivités des outre-mer) et AMORCE ont dressé, devant les députés, un état des lieux de la gestion des déchets en outre-mer et les pistes d'amélioration. Les députés ont ensuite pris la parole pour partager leurs préoccupations et poser leurs questions aux intervenants.
Le constat des experts partagé, tous bords politiques confondus
En introduction, les présidents de la table ronde ont demandé aux intervenants de préciser devant les députés les sujets partagés avec la métropole et les spécificités liées aux outre-mer. Le constat est assez simple : en dehors de l’application du code de l’environnement et de celui des collectivités territoriales, la situation dans ces territoires est radicalement différente.
En effet, 67% des déchets ménagers sont enfouis, au lieu de 15% en métropole et les performances moyennes de collecte sélective des emballages sont bien loin des performances métropolitaines (seulement 14 kg/hab/an contre 51,5 kg/hab/an en métropole). Les dépôts sauvages prolifèrent, ce qui génère non seulement des pollutions dans des écosystèmes fragiles et le milieu marin mais également des problématiques sanitaires, avec en corollaire la propagation de vecteurs de maladies graves.
Cette situation résulte de plusieurs facteurs. Le premier est géographique. L'éloignement et l'insularité impactent les coûts de gestion de déchets, qui sont en moyenne deux fois supérieurs à ceux constatés en métropole.
Le second est le retard structurel accumulé après des années de désintéressement des pouvoirs publics pour la gestion des déchets dans ces territoires, mais aussi des éco-organismes. Le maillage de déchèteries est deux fois moins dense en moyenne qu'en France métropolitaine. Les outre-mer accueillent seulement deux unités de valorisation énergétique. La majorité des installations de stockage sont saturées et le déploiement des filières REP accuse des retards importants : certaines ont attendu près de 10 ans pour se mettre en place quand d’autres refusent encore d’y intervenir !
Ce bilan est cependant à nuancer à deux égards. Les situations varient d’un territoire à l’autre. Si la Réunion semble se rapprocher des moyennes nationales, Mayotte était dépourvue de toute installation il y a encore peu de temps. Sa première déchèterie vient seulement d'ouvrir. La Guyane en compte deux... Des territoires ont également pris les devants pour investir malgré l’asphyxie financière à laquelle ils font face pour développer des installations sur leur territoire :
- la Guyane et la Guadeloupe portent des projets d’UVE ;
- tous les territoires ultramarins travaillent à la création de nouvelles déchèteries et envisagent par défaut d'autres solutions comme l'extension des centres d’enfouissement.
Des députés en demande d’actions concrètes pour répondre aux enjeux dans ces territoires
À l’aune de ce constat, les députés ont interrogé l'ADEME, l'ACCD'OM et AMORCE sur les moyens de débloquer la situation. Ils ont mis en avant les moyens envisagés par l’État pour faire jouer la solidarité nationale dans cette séquence et débloquer les fonds nécessaires aux investissements massifs en matière d’équipement. En effet, le rapport sénatorial appelait de ses vœux à la mise en œuvre d’un plan Marshall de rattrapage estimé à près de 280 millions d’euros rien que pour la Guyane et Mayotte.
Les députés ont également souligné les retards de mise en œuvre des filières REP, la dispersion des soutiens et l’attentisme latent de ces acteurs pour déployer les collectes, participer à l’effort d’investissement et faire appliquer certaines obligations comme la reprise distributeur. Ils ont également soulevé la question des sanctions des éco-organismes. Enfin, l’épineuse question des dépôts sauvages a retenu l’attention des représentants politiques présents, notamment sur les leviers d’une politique efficace de résorption, voire de coercition vis-à-vis de ces dépôts.
AMORCE appelle à un engagement de tous les acteurs pour rendre à ces territoires toutes leurs capacités d’action !
Ces échanges ont été l'occasion pour AMORCE de rappeler ses positions pour la défense des collectivités locales d'outre-mer sur la gestion des déchets.
Sur la question du rattrapage du retard structurel, AMORCE a souligné l’importance de sortir du cercle vicieux de l’absence d’exutoires qui pénalise doublement les collectivités par le coût du stockage et l’attentisme de certains éco-organismes pour se développer dans ces territoires. En ce sens, si les collectivités entendent investir dans des UVE ou des déchèteries et que l’ADEME y apportera sa contribution via le fonds vert, AMORCE demande que les éco-organismes participent à cet effort d’investissements car ils en seront également bénéficiaires.
AMORCE rappelle également que les projets d’unités de recyclage locales nécessitent une approche transversale compte tenu de la faiblesse de certains gisements de déchets pour sécuriser les investissements. En l’attente, les éco-organismes devront s’acquitter des coûts d’exportation des déchets vers la métropole et se coordonner pour lever certains obstacles à l’export (pré-traitement, mutualisation de fret etc).
Plus largement, les collectivités membres du réseau ultra marin d’AMORCE demandent une coordination forte entre les éco-organismes pour optimiser l’utilisation de leurs équipements et une généralisation de l’opérationnalité des éco-organismes pour prendre en charge l’ensemble du gisement. Par ailleurs, elles insistent sur la nécessité de développer les autres canaux de collecte via la construction de déchèteries privées et le développement de la reprise distributeur afin de faire baisser la pression sur leurs installations et leurs coûts de gestion.
AMORCE milite également pour l’application d’objectifs de collecte et de traitement spécifiques à ces territoires dans le cadre des filières de REP. Cette demande s’inscrit dans la perspective de l’application du mécanisme de sanction prévu par l’État à l’article 541-9-6 du code de l’environnement, jusqu’alors inappliqué. AMORCE défend le principe d’un mécanisme de sanctions automatiques via une pénalité appliquée à toute tonne qui s'écarte des objectifs du cahier des charges. Par ailleurs, AMORCE appelle les services de l’État à prendre des dispositions pour sanctionner les distributeurs qui n’appliquent pas les reprise 1 pour 1 et 1 pour 0. Le montant de l’amende, fixée actuellement à 1 500 euros, mérite d’être revalorisée pour être vraiment dissuasive.
Concernant la gestion des dépôts sauvages, AMORCE défend une simplification des procédures administratives et pénales pour appliquer les sanctions aux contrevenants. La mise en œuvre d’une politique ambitieuse en la matière nécessite une coopération accrue entre les EPCI à compétence déchets et le maire qui dispose du pouvoir de police. L’information, la formation des élus, des techniciens et l’assermentation des agents sont des étapes clés de cette politique. AMORCE défend également une possibilité d’extension des missions des ambassadeurs du tri à la thématique des dépôts sauvages et leur financement par les éco-organismes.
Enfin, la prise en charge des coûts des opérations de résorption des dépôts sauvages par les éco-organismes prévue à l’article R541-111 à 116 devra être harmonisée et simplifiée en lien avec les travaux menés par l’association Rudologia. AMORCE demande la suppression du seuil d’intervention de prise en charge de 100 tonnes, ce seuil n'étant absolument pas adapté aux outre-mer.
En somme, et pour reprendre les mots du président Rimane, il faut que tous les acteurs, et en particulier les éco-organismes, adoptent le « réflexe ultra marin » en matière de gestion des déchets. L’heure est à l’action pour concrétiser le saut qualitatif vers un service et des performances équivalentes à celles de la métropole. Ce saut ne sera pas possible sans le renforcement des capacités financières, l’écoute des besoins, la prise en considération des spécificités de l'outre-mer et une pleine confiance en leur capacité d’innovation.
Contact : André LEGER