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05 janvier 2023 - Actualités

Directive eau potable : une transposition au goutte à goutte

Si la transposition tant attendue de la directive 2020/ 2184 relative à l’eau potable a débuté avec l’ordonnance du 22 décembre 2022 (n°2022-1611) suivie de deux décrets d’application de ladite ordonnance, c’est au tour de treize arrêtés d’être publiés au journal officiel. Décryptons brièvement ces différents textes.

La directive 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine dite « eau potable », publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le 23 décembre 2020, devait être transposée d’ici le 12 janvier 2023. Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine transposant la directive précisait que deux décrets en Conseil d'État et quinze arrêtés ministériels ou interministériels seraient publiés dès la signature de l’ordonnance pour compléter la transposition de cette directive européenne. C’est chose faite : deux décrets ainsi que 13 des 15 arrêtés prévus ont été publiés.

 

1° Une première ordonnance de transposition imposant de nouvelles obligations : 

 

L’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 modifie le code de l’environnement, le code de la santé publique ainsi que le code général des collectivités territoriales. Sans être exhaustif, on peut relever :

 

  • L’amélioration de l’accès à l’eau pour tous et la mise en œuvre d’un diagnostic territorial 

Les communes ou leurs établissements publics de coopération, en tenant compte des particularités de la situation locale, devront prendre les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l'accès de toute personne à l'eau destinée à la consommation humaine. Pour cela, les communes ou leurs établissements publics de coopération devront identifier sur leur territoire les personnes n'ayant pas accès, ou ayant un accès insuffisant, à l'eau potable ainsi que les raisons expliquant cette situation. Ce diagnostic territorial devra porter sur l'intégralité de la population présente sur les territoires. Il fera l'objet d'une mise à jour régulière, au moins tous les six ans, qui tiendra compte des signalements de situations relatives à un accès inexistant ou insuffisant à l'eau potable. Ce diagnostic territorial devra être réalisé au 1er janvier 2025 pour les autres EPCI ou communes encore compétentes. Pour les communautés de communes qui seront compétentes en matière d’eau au 1er janvier 2026, elles devront l’adopter au 1er janvier 2027 au plus tard. Une loi de finance viendra déterminer la compensation financière résultante de l’accroissement des charges liées à ces nouvelles obligations. 

 

  • Des mesures concernant la gestion et préservation de la ressource en eau

L’ordonnance précise également que toute personne publique responsable de la production d’eau assurant tout ou partie du prélèvement peut contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource en eau : cette contribution est même obligatoire lorsque l’eau est produite en tout ou partie à partir d’un point de prélèvement sensible. Tout contributeur devra également mettre en place un plan d’action pour maintenir ou améliorer la qualité de l’eau. L’article 3 de l’ordonnance précise ce qu’est un prélèvement sensible et adapte également les règles relatives aux périmètres de protection pour prendre en compte le plan d’action.

 

Par ailleurs, l’ordonnance précise les définitions et les usages possibles de l’eau, présente plusieurs mesures concernant l’individualisation des factures d’eau par les bailleurs lorsque le contrat n’est pas individualisé, ou encore la transmission en l’absence de contrat individualisé d’informations par le syndic d’une copropriété.

 

2° Deux décrets d’application de l’ordonnance de transposition de la directive : 

 

Concernant le premier décret, il est relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine :

  • Il est venu donner les définitions des eaux destinées à la consommation humaine, les usages alimentaires, liées à l’hygiène corporelle, etc
  • Il prévoit la mise en œuvre de « programme d’analyse des échantillons d’eau prélevés dans les installations de production et de distribution » et, de la zone captage jusqu’en amont des installations privées de distribution, l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation et la mise à jour de « plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau » par la personne responsable de la production ou de la distribution d’eau sur la partie dont elle a la compétence.

 

Concernant le second décret, il porte sur l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine.

  • Il définit, d’une part, les conditions minimales à satisfaire pour garantir aux personnes un accès suffisant à l’eau destinée à la consommation humaine et, d’autre part, les modalités d’identification, par les communes et leurs établissements publics de coopération, des personnes ne bénéficiant pas de ces conditions minimales d’accès à l’eau (via le diagnostic territorial précité), ainsi que les solutions pouvant être déployées pour améliorer ces conditions.
  • Le diagnostic devra comporter certaines informations en vertu du nouvel article R. 2224-5-4 du CGCT. Par ailleurs, il ne pourra exclure un site du fait du caractère illégal de son occupation ou de sa construction et les « squats » devront être identifiés. Conformément au nouvel article R. 2224-5-5 du CGCT, le diagnostic territorial devra permettre la mise en œuvre de solution adaptées selon la nature des insuffisances relevées.

 

3° Treize arrêtés d’application publiés au JO pour la mise en œuvre de ces nouvelles obligations : 

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique. Il précise les limites et références de qualité qui s'appliquent aux eaux brutes utilisées pour la production d'eaux destinées à la consommation humaine et aux eaux destinées à la consommation humaine à compter du 1er janvier 2023.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 25 novembre 2003 relatif aux modalités de demande de dérogation aux limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturelles pris en application des articles R. 1321-31 à R. 1321-36 du code de la santé publique. Il spécifie la procédure de dérogation aux limites de qualité pour les eaux destinées à la consommation humaine. (voir notre article "PFAS - Le Ministère de la Transition Écologique annonce un plan d'action national")

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 relatif au programme de tests et d'analyses à réaliser dans le cadre de la surveillance exercée par la personne responsable de la production ou de la distribution d'eau et aux conditions auxquelles doivent satisfaire les laboratoires réalisant ce programme, en application des articles R. 1321-23 et R. 1321-24 du code de la santé publique. Il met à jour la surveillance obligatoire de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine par la personne responsable de la production ou de la distribution d'eau.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 21 novembre 2007 relatif aux modalités de prise en compte de la surveillance des eaux destinées à la consommation humaine dans le cadre du contrôle sanitaire, pris en application de l'article R. 1321-24 du code de la santé publique. Il concerna la prise en compte des résultats de la surveillance des eaux destinées à la consommation humaine réalisée par la personne responsable de la production ou de la distribution d'eau dans le cadre du contrôle sanitaire assuré par l’ARS. 

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 20 juin 2007 relatif à la constitution du dossier de demande d'autorisation d'exploiter une eau de source ou une eau rendue potable par traitement à des fins de conditionnement. Il concerne la constitution du dossier de demande d'autorisation d'exploiter une eau de source ou une eau rendue potable par traitement à des fins de conditionnement.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du code de la santé publique. Il met à jour le programme du contrôle sanitaire assuré par les ARS pour les eaux brutes utilisées pour la production d'eau destinées à la consommation humaine et pour les eaux destinées à la consommation humaine.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 relatif à l'évaluation des risques liés aux installations intérieures de distribution d'eau destinée à la consommation humaine. Il précise l’évaluation des risques liés aux installations intérieures de distribution d'eau destinée à la consommation humaine. 

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 11 janvier 2007 relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux utilisées dans une entreprise alimentaire ne provenant pas d'une distribution publique, pris en application des articles R. 1321-10, R. 1321-15 et R. 1321-16 du code de la santé publique. Il précise le programme de contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 19 octobre 2017 relatif aux méthodes d'analyses utilisées dans le cadre de la réalisation du contrôle sanitaire des eaux. Il explicite les méthodes d'analyses utilisées dans le cadre de la réalisation du contrôle sanitaire des eaux (piscines…).

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 22 octobre 2013 relatif aux analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou distribuées en buvette publique. Il précise les analyses de contrôle sanitaire et de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou distribuées en buvette publique.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 relatif aux conditions auxquelles doivent satisfaire les laboratoires réalisant les prélèvements et les analyses de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal ou distribuées en buvette publique. Il définit les conditions auxquelles doivent répondre les laboratoires réalisant les prélèvements et les analyses de surveillance des eaux conditionnées et des eaux minérales naturelles utilisées à des fins thérapeutiques dans un établissement thermal.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 5 juillet 2016 relatif aux conditions d'agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux. Il spécifie les modalités de demande et de délivrance d'agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux.

 

  • Arrêté du 30 décembre 2022 modifiant l'arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d'eau chaude sanitaire. Il précise les modalités de surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d'eau chaude sanitaire.
     

Deux arrêtés ministériels ou interministériels sont encore attendus pour compléter la transposition de cette directive européenne. Trois autres arrêtés, nécessitant des consignes et actes complémentaires de la Commission européenne, seront publiés dans les mois qui suivront pour achever pleinement cet exercice de transposition d’après le Rapport au Président de la République précité.

 

 

AMORCE regrette que ne soit davantage précisés les moyens financiers alloués pour accompagner les collectivités et leurs groupements dans la mise en œuvre de ces nouvelles obligations qui viennent accroître leurs charges et espère qu’une enveloppe de l’État viendra couvrir les coûts de mise en œuvre. AMORCE regrette également que les solutions à mettre en œuvre par les communes et leurs établissements publics de coopération pour améliorer l’accès à l’eau destinée à la consommation humaines n’aient pas à répondre à des conditions technico-économiques acceptables pour les collectivités territoriales et leurs groupements et aurait souhaité qu’un niveau de dérogation soit rendu possible si le coût économique n'est pas acceptable pour la collectivité.

 

 

Contact : Anna FIEGEL