30 septembre 2025 - Nos positions

Rénovation énergétique : Un abandon désormais limpide
MaPrimeRénov’ réouvre aujourd’hui au parcours accompagné dans une version amoindrie, qui éloignera les ménages des travaux de rénovation énergétique globale et performante. Nous, acteurs et soutiens de la rénovation énergétique, souhaitons dénoncer ce qui constitue, au fil des années, un abandon par l’Etat de la politique publique de rénovation énergétique dans son ensemble. Un renoncement aux répercussions à la fois environnementales, sociales, économiques et sanitaires.
Télécharger le documentDepuis 2017 et le début du premier quinquennat du président de la République Emmanuel Macron, le discours politique sur la rénovation énergétique n’a cessé d’afficher des ambitions élevées, mais les actes, eux, ont tracé une ligne de reculs successifs. Chaque étape aurait dû être celle de la consolidation ; elle s’est révélée être celle du détricotage.
Au fil de ces sept années, des millions de logements sont sortis du statut de passoire thermique, non pas en bénéficiant de travaux de rénovation, mais parce qu’ils ne sont tout simplement plus considérés comme tel du fait des révisions successives des paramètres du DPE. En combinant les révisions de 2020 (introduction de la méthode 3CL-2021), de 2023 (modification des seuils pour les petites surfaces) et de 2025 (révision du coefficient de conversion énergie primaire/énergie finale), ce sont plus de trois millions de logements qui ne sont plus considérés comme des passoires thermiques. Trois millions de logements effacés des statistiques, comme si la réalité matérielle d’une mauvaise isolation et ventilation des murs mal isolés et des factures d’énergie qui flambent pouvait disparaître par décret. C’est une falsification des enjeux, une illusion administrative qui n’a pour effet que de masquer les problématiques rencontrées par des millions de ménages.
L’histoire aurait pu prendre un autre tournant, en 2024, lorsque la réforme de MaPrimeRénov’ semblait enfin orienter ce dispositif vers les bonnes solutions. Elle avait le mérite de poser enfin les bases d’un mécanisme lisible, plus juste et plus efficace, en instaurant des aides accrues vers des rénovations performantes avec un accompagnement des ménages dans leurs travaux. La rénovation globale, la plus bénéfique en termes d’économies d’énergie et de baisse des émissions de gaz à effet de serre, était favorisée et les ménages les plus modestes voyaient leur reste à charge sur les travaux se rapprocher de zéro. Mais à peine adoptée, cette réforme a été vidée de sa substance, et n’a cessé de l’être depuis. En 2025, faute de budget suffisant, et en dépit de 80 000 dossiers déposés à la mi-année et de nos alertes, le dispositif a été suspendu pour les rénovations d’ampleur, jusqu’à sa réouverture aujourd’hui, avec de nombreux reculs.
En effet, seuls 13 000 dossiers pourront être déposés avant la fin de l’année. Par ailleurs, le bonus sortie de passoire, permettant aux ménages les plus modestes de limiter leur reste à charge est supprimé. Les montants plafonds de travaux éligibles baissent de 40 %. In fine, l’aide maximale potentielle pour les ménages les plus modestes a été divisée par deux. Ces choix, présentés comme une réponse à la fraude, laissent les ménages les plus modestes avec un profond sentiment d’abandon par l'Etat, privés des moyens indispensables pour adapter leur logement. En parallèle, les sécurités techniques ont elles aussi été supprimées. Nous sommes passés d’une incitation financière et d’un encadrement technique à la hauteur des enjeux, à un dispositif dont les financements et les critères techniques nous éloignent des objectifs fixés par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Tout aussi préoccupant, le risque d’augmentation des coûts des travaux est lui toujours présent et les moyens d’anticiper et de lutter contre les fraudes sont toujours absents…
Année après année, et à rebours de toutes les recommandations environnementales et économiques, la rénovation énergétique voit aujourd’hui son financement fondre et son cadre réglementaire sans cesse menacé. Alors que chaque euro investi dans la rénovation rapporte en emplois, en économies d’énergie, en confort et gains en santé publique, notamment au travers d’une qualité de l’air intérieur adéquate, l’ambition diminue. Le Gouvernement envoie ainsi un message regrettable : il renonce à son propre cap, sa crédibilité et ses engagements climatiques.
Ce renoncement n’est pas seulement environnemental. Il est social. Les passoires thermiques abritent avant tout les ménages modestes. Chaque hiver, ce sont des millions de familles contraintes de choisir entre chauffer leur logement et payer d’autres dépenses essentielles.
Cet abandon est également économique. La rénovation énergétique, ce sont des centaines de milliers d’emplois non délocalisables, partout sur le territoire : artisans, PME du bâtiment, filières industrielles. En désarmant la politique publique, on prive la France d’un levier de croissance et de stabilisation de l’emploi. Réduire l’ambition revient à couper l’élan d’un secteur clé pour la souveraineté économique et la cohésion sociale.
Et ce désengagement est enfin sanitaire. Vingt ans après la canicule de 2003, les vagues de chaleur sont plus longues, plus fréquentes, plus intenses. En outre, avec près de 20 000 décès prématurés chaque année dus à une mauvaise qualité de l’air intérieur, la nécessité de garantir un espace de vie sain doit aussi être appréhendée à sa juste importance. Le logement devient une question de santé publique. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’énergie, c’est la vie quotidienne, le bien-être, et parfois même la survie des personnes.
Laisser passer le temps, affaiblir les dispositifs, renoncer aux moyens, c’est un choix politique clair : celui du renoncement face à un dérèglement climatique pourtant galopant.
Il est encore temps de renverser la trajectoire. Non plus en multipliant les annonces creuses, mais en assumant une stratégie claire inscrite dans la durée :
Pérenniser et amplifier MaPrimeRénov’ pour des rénovations performantes, dans sa version issue du Projet de loi de Finances pour 2024
- Mobiliser l’ensemble des financements disponibles pour garantir un plan pluriannuel de rénovation énergétique à la hauteur des objectifs nationaux et européens ;
- Faire de la prise en compte des bouilloires thermiques un pilier central de la politique du logement et de l’aménagement urbain, en commençant par mettre à l’ordre du jour la proposition de loi transpartisane visant à adapter les logements aux fortes chaleurs et à protéger leurs occupants.
La rénovation n’est pas un luxe. C’est une condition de dignité sociale, un moteur économique, et une digue face aux chocs climatiques. Tout recul en la matière constitue une faute qui se paie au fil des décennies.
Signataires :
Jean-Louis Bal, président d’Agir pour le climat
Nathalie Bonnevide, Présidente de l’ACAD
Philippe Boussemart, Président du Groupement du Mur Manteau
Christian Cardonnel, dirigeant de CCConsultants
Jean-Charles Colas-Roy, Président de Coénove
Maryse Combres, Présidente FLAME - Fédération des ALEC
Yann Dervyn, dirigeant de Dervyn Conseil BD
Didier Duriez, Président du Secours Catholique-Caritas France
Antoine Gatet, Président de France Nature Environnement
Nicolas Garnier, délégué Général d’Amorce
Hélène Gassin, Présidente de l’Association négaWatt
Marie Gracia, Directrice du collectif Effinergie
Vincent Legrand, Gérant de l’Institut négaWatt et Président de Dorémi
Philippe Méjean, Président de Cléo-Rénov’
Delphine Mugnier, présidente du réseau Cler
Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique à Greenpeace France
Maider Olivier, chargée de plaidoyer climat - Fondation pour le Logement des Défavorisés
Organisations signataires
Collectif Isolons la Terre contre le CO2
Oxfam
UFC-Que Choisir