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06 mai 2021 - Actualités

Le projet de loi “4D” renaît de ses cendres

Le projet de loi dit “4D” - pour différenciation, décentralisation, déconcentration, décomplexification - signe son retour sur le devant de la scène. Alors que plusieurs déclarations gouvernementales laissaient entendre que le texte ne verrait pas le jour, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault semble être parvenue à le remettre sur les rails de l’agenda parlementaire. Actuellement entre les mains du Conseil d’État, il devrait être présenté en Conseil des ministres d’ici début mai pour un examen au Sénat dans le courant du mois de juillet. AMORCE fait le point sur les principales dispositions prévues dans ce projet de loi très attendu par les collectivités territoriales.

Actualité extraite de la Lettre aux Adhérents n°71 de mars-avril 2021 - page 25

 

  • Un texte à large spectre

Le texte comporte 68 articles, structurés autour de 8 grands titres thématiques. Les principales dispositions qui concernent l’environnement, l’économie circulaire, l’énergie et l’eau résident dans le titre I sur “la différenciation territoriale”, le titre II sur “la transition écologique”,  le titre III sur “l’urbanisme et le logement”, le titre VI sur “les mesures de déconcentration”, le titre VII sur les “mesures de simplification de l’action publique”.

Premier constat : ce texte à large spectre ne bouscule pas fondamentalement les logiques de décentralisation et de déconcentration en vigueur. Il s’apparente plutôt à une liste de mesures visant à donner aux collectivités territoriales plus de latitude dans la mise en œuvre de certaines politiques publiques. Une décentralisation “de liberté et de confiance” pour reprendre les mots du ministère sans “modifier les grands équilibres institutionnels”.

 

  • Délégation de pouvoirs et clarification des compétences

Dans le titre Ier consacré à la différenciation territoriale, plusieurs articles permettent de déléguer certaines compétences aux collectivités territoriales, notamment des pouvoirs réglementaires. Bien que les pouvoirs réglementaires en question ne concernent pas directement les domaines des déchets, de l’énergie et de l’eau, AMORCE a récemment été auditionnée par l’Inspection générale de l’administration (IGA) qui pilote une mission visant à identifier les pouvoirs réglementaires qui pourraient être utilement confiés aux collectivités territoriales. AMORCE a formulé plusieurs propositions et a obtenu une écoute attentive de l’IGA dont les travaux seront retranscrits dans le projet de loi.

Parmi les articles qui doivent faire l’objet d’une attention particulière, l’article 5 vise à clarifier la répartition des compétences et des chefs de filat dans le domaine de la transition écologique. Il est à noter que les compétences des régions en la matière sont renforcées. En qualité de chefs de file, elles se voient chargées d’organiser “la planification de la politique et de transition et d'efficacité énergétiques” ainsi que “la coordination et la planification de l’économie circulaire”, mais sans véritable évolution opérationnelle précise.

Aux compétences des départements, sont ajoutées “les actions de transition écologique concernant la santé, l’habitat et la lutte contre la précarité”. Quant aux communes et intercommunalités, l’article 5 vient préciser leurs compétences relatives à “la transition énergétique au plan local” et à la gestion de l’eau, de l’assainissement et de la gestion des déchets, mais la encore sans évolution significative.

 

  • Vers une territorialisation des fonds de l’ADEME ?

Parmi les mesures notables, l’article 11 transfère une partie (très limitée selon nos informations) du fonds économie circulaire et du fonds chaleur de l’ADEME aux régions pour “renforcer” leurs moyens en matière de transition écologique. Les régions seront donc dotées de nouveaux moyens pour subventionner des projets locaux. Les montants de ces financements ne sont pas précisés mais le texte indique qu’ils seront définis dans le cadre de conventions qui fixeront également les objectifs à atteindre.

Parallèlement, l’article 35 du texte conforte le préfet de région dans son rôle de Délégué territorial de l’ADEME pour “assurer la cohérence et la complémentarité” des actions de l’Agence en faveur de la transition énergétique et écologique.

Bien qu’AMORCE propose depuis plusieurs années que le fonds Economie circulaire et le fonds chaleur fassent l’objet d’une gouvernance décentralisé à l’échelle régionale sur le même principe des comité de bassin pour la gestion de l’eau, ces deux mesures conjointes interrogent néanmoins sur les marges de manoeuvre réelles données aux régions dans l’attribution des financements, le rôle confié au préfet de région dans ce dispositif ainsi que sur la place accordée aux communes et EPCI compétentes sur la transition énergétique et l’économie circulaire.

 

  • L’autonomie des Agences de l’eau en question

L’article 36 du projet de loi est peut-être celui qui soulève le plus d’interrogations. Ce dernier confie la présidence du conseil d’administration des Agences de l’eau aux préfets coordonnateurs de bassin, et renforce leur rôle dans l’attribution des aides des Agences, sachant que l’État exerce déjà un pouvoir de tutelle sur ces établissements.

Le texte laisse entendre que c’est désormais le préfet qui fixera les priorités en matière d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement et de préservation de la biodiversité en cohérence avec les enjeux du territoire. Bien que les conséquences de cette disposition restent floues, elle soulève néanmoins des inquiétudes quant à une possible reconcentration des moyens des Agences de l’eau à la faveur de l’État qui, de fait, entrerait en contradiction avec l’esprit du texte, qui ambitionne de donner plus de latitudes aux territoires.

Dans le domaine de la gestion de l’eau, l’article 46 prévoit également d’élargir le droit de préemption des terres agricoles sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable aux syndicats mixtes, en modifiant le code de l’urbanisme.

 

  • Contrats de cohésion territoriale

Dans la continuité de la création de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), l’article 37 vient clarifier le cadre applicable aux “contrats de cohésion territoriale” qui deviennent le cadre contractuel privilégié entre l’État et les collectivités pour la mise des projets de développement et d’aménagement territorial. Le dispositif précise qu’ils peuvent être conclus entre l’État et les communes et EPCI, et que la région et le département peuvent être parties prenantes. Le préfet de région assurera la coordination des différents contrats signés au niveau régional. Il est pour l’heure difficile de savoir quelles politiques publiques sont concernées par ce nouvel objet contractuel, les moyens et financement prévus, mais aussi comment il s’articulera avec les contrats de plan État-Région (CPER) ou les nouveaux contrats de relance et de transition écologique (CRTE).

 

  • Transfert de propriété des canalisations de gaz

Enfin l’article 49, à vocation à simplifier la répartition des compétences en matière  d’entretien des réseaux de distribution de gaz. Concrètement, il vise à transférer la propriété des canalisations de gaz (colonnes montantes) situées entre le réseau public de distribution et l’amont du compteur aux collectivités territoriales propriétaires des réseaux publics de distribution de gaz, et donc dans le champs des concessions de distribution de gaz (lorsque ce n’était pas déjà le cas), sur le même principe que celui appliqué il y a quelques années en matière de distribution d’électricité. Les enjeux de financement du renouvellement et de l’entretien de ces colonnes montantes sont très significatifs.

 

  • Le calendrier

La ministre de la Cohésion des territoires a indiqué que le projet de loi serait présenté en Conseil des ministres d’ici au début du mois de mai avant d’être examiné par le Sénat en première lecture début juillet. Elle s’est engagée à ce qu’il soit adopté avant la fin du quinquennat. AMORCE sera donc mobilisée pour formuler des propositions sur ce texte sur le deuxième semestre 2021 et certainement sur début 2022.

 

Contact : Romain JACQUET